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Annick Massis : passionnément cantatrice

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Interview
6 mai 2013

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D’emblée elle a séduit le créateur du festival aixois, Gabriel Dussurget, découvreur de talents. Plus tard, le sévère critique André Tubeuf l’a reconnue comme « un des grands sopranos de notre temps ». Récemment, Dominique Meyer, directeur du Staatsoper de Vienne, l’a qualifiée de « tête chercheuse ». Annick Massis interprètera Leila dans Les Pêcheurs de perles à l’Opéra national du Rhin, du vendredi 17 mai au dimanche 9 juin.
Durant notre rencontre, la cantatrice a bien voulu réagir sur quatre phrases relevées dans quatre interviews de différentes périodes. Ses réponses spontanées ont tracé le portrait d’une chanteuse consciencieuse et prudente, curieuse et joueuse, surtout débordante de désirs…

 
« Une carrière, c’est une construction de toute une vie »1

Contrairement à ce qu’on a dit parfois, j’ai pris beaucoup de risques. Je m’en suis rendue compte après-coup. Par exemple en 2004, quand j’ai chanté Mathilde de Shabran à Pesaro. C’était un rôle très fatigant avec beaucoup d’abattage et une partition difficile. J’étais presque constamment en scène et quand le grand air très virtuose arrivait à minuit — par 30 degrés ! — ce n’était pas évident. Pour confirmer l’expression « tête chercheuse » employée par Dominique Meyer quand il est intervenu par téléphone dans l’émission de Thierry Beauvert sur France Musique, c’est vrai que j’ai souvent chanté par curiosité, simplement parce que « j’aimais ». D’abord, il y a tout ce que j’ai enregistré avec Opera rara parce-que que ça m’intéressait d’aller chercher chez Donizetti des œuvres très peu connues. C’est d’ailleurs ce qui m’a permis de comprendre un personnage comme Lucia di Lammermoor que j’ai chanté pas mal de fois ensuite — encore récemment au Met avec James Levine. Et puis, il y a dix ans, des choses comme Les Pêcheurs de perles (que je vais très bientôt chanter à Strasbourg), m’attiraient déjà alors qu’elles n’étaient pas du tout à la mode. Pareil avec Hamlet d’Ambroise Thomas que personne ne chantait il y a vingt ans. On me disait : « Annick, pourquoi voulez-vous chanter ça, vous ne le rechanterez jamais… » Eh bien erreur, je l’ai rechanté. Après, j’ai senti que tout un pan de culture me manquait. Alors, j’ai fait du baroque, puis je suis retournée à Rossini et cela a été un pont pour aborder la musique romantique italienne. J’ai fonctionné par goût, par intuition, dès qu’une une chose qu’on m’offrait était possible pour ma voix… Dans La Juive, ce qui me plaisait c’est que c’était une œuvre entre deux époques. Au début de ma carrière, j’avais des désirs et quand je les réalisais, cela entraînait souvent d’autres propositions inattendues comme Musetta dans La Bohême. En revanche, quand pour la première fois on m’a demandé La Traviata, j’ai refusé ; il m’a fallu deux ans pour me sentir prête à servir cette musique. 

« C’est un des nombreux paradoxes des chanteurs, nous avons besoin d’un ego surdimensionné. »2
 
Oui, car faire trois pas devant un public, ce n’est pas évident ; il faut avoir beaucoup d’ego pour oser ça… J’en ai peut-être parfois un peu manqué. Entrer en scène, c’est un travail sur soi, une communication avec les autres. On doit rester soi-même et ne rien forcer car le public le sent. S’il vous a donné un succès à cent pour cent un jour, il peut très bien vous dédaigner le lendemain. La personnalité artistique et vocale se construit peu à peu. On n’est jamais parfait. Plus on avance, plus on en est conscient. Ce qui me paraît indispensable, c’est l’humilité. Il existe un bon trac qui décuple l’énergie. Il faut en faire un compagnon, en prendre soin, l’observer pour trouver les moyens de le relativiser. Quand on connaît ses points forts et ses points faibles, il vaut mieux pencher du bon côté (rire). On essaye toujours de donner le meilleur de soi-même, mais on n’y arrive pas tout le temps et le mauvais trac peut être paralysant.

« Aujourd’hui je prends plaisir à mourir en scène »3

Parce que c’est un moment où on se sent très près du public, un moment inconnu, par lequel nous devrons tous passer. On peut projeter des tas de choses. Certains ont un côté morbide, d’autres ont très peur. Tout au long de sa vie on meurt un peu ou beaucoup… Mourir en scène est un grand privilège car c’est un aller avec retour pour soi et pour le public. On se donne la main. On essaye de vivre la mort au moment présent. L’attention et le silence dans la salle sont incroyables. SI on joue un personnage qui meurt à la fin, sa manière de vivre se reflète dans sa manière de mourir. Quand je chante La Traviata, je ne veux pas dépouiller sa mort de sa passion. C’est quelqu’un qui ne joue jamais les victimes ; son amour de la vie, elle le garde toujours. A Liège, je l’ai vraiment chantée dans la passion. Jusqu’au bout.

« Venir de Traviata pour chanter Les Contes d’Hoffmann, c’est très bien »4

Absolument. Traviata m’a beaucoup servi à me préparer pour chanter les trois rôles des Contes d’Hoffmann. Olympia, femme immature demande une voix de soprano colorature (bien que ce ne soit pas tout à fait ma conception). Antonia est un soprano lyrique. Pour Giulietta, il y a des graves dans le bas medium qu’il faut pouvoir assurer. Même s’il y a vingt ans, j’ai commencé par les voix légères, maintenant je suis très à l’aise dans le medium central et je préfèrerais choisir Antonia qui a les plus belles pages de la partition. Aujourd’hui je suis plus lyrique et je m’intéresse davantage au point de vue dramatique ; il y encore beaucoup de rôles que j’aimerais vraiment chanter un jour, comme Amenaide de Tancredi. Je pense aussi aux reines de Donizetti en commençant par Stuart, et ensuite Bolena. Il y a aussi des rôles comme Manon que je voudrais refaire ; d’autres comme Thaïs que j’aimerais enfin aborder pour étudier le parcours du personnage et son écriture musicale ; certains chantés à l’étranger comme Blanche de la Force du Dialogue des Carmélites que je rêverais de refaire dans mon pays. J’aime tout particulièrement le répertoire français : Ravel, Bizet, Poulenc… Massenet surtout. Bientôt je serai la Fée de Cendrillon au Liceu de Barcelone ! Quant à Tosca, on me l’a proposée l’an dernier ; j’ai refusé. Le personnage, oui. La voix cela m’étonnerait beaucoup que cela vienne un jour. Pour moi, un artiste doit savoir quand il pourra ou non servir la musique.
 
Propos recueillis par Brigitte Cormier, le 15 janvier 2013

1 Interview Richard Martet, Opéra Magazine, février 2007
2 Cinq questions à Annick Massis, Philippe Ponthir, forumopera.com 2008
3 Émission Thierry Beauvert, France Musique, janvier 2012
4 Interview Alain Cochard, Concertclassic.com, 2009

 
 

 
 

 

 

 

 

 

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