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Cinq questions à Aude Extrémo

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Interview
9 février 2017
Cinq questions à Aude Extrémo

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Détails

A partir du 18 février, la mezzo française Aude Extrémo sera Vénus dans le Tannhaüser en français monté par Jean-Louis Grinda à l’Opéra Monte-Carlo. Nous l’avons rencontrée pour faire le point sur son encore jeune carrière.


Dalila la saison dernière à Bordeaux, Amnéris en octobre à Massy, Vénus dans quelques jours… Votre heure est arrivée ?

Pour Samson et Dalila à Bordeaux, ce fut une grande première. La saison ayant été remaniée, j’ai été sollicitée en janvier pour un concert en octobre. Nous avons seulement eu quelques jours de répétitions, mais j’ai ressenti une immense joie, vocalement et dramatiquement : c’est un opéra que j’adore, et que j’ai hâte de retrouver. Rien n’est prévu pour le moment, mais je me sens si bien dans le personnage que j’ai très envie d’en approfondir ma conception. Même entre les deux concerts bordelais, d’une soirée à l’autre j’ai changé certaines choses dans mon interprétation. J’aurais aimé pouvoir jouer davantage la comédie, mais c’était une toute première fois. En revanche, pour Amnéris, j’avais déjà interprété ce personnage il y a quatre ans avec Opéra en plein air, mais nous étions tous sonorisés. A Massy, j’ai pu découvrir si j’étais capable de le chanter avec un orchestre, dans un théâtre, et avec d’autres chanteurs qui avaient déjà une longue carrière : le ténor avait déjà incarné 130 fois Rhadamès, c’était très impressionnant ! J’ai été contactée cinq jours avant les premières répétitions : la mezzo initialement prévue venait d’annuler et Raymond Duffaut m’a téléphoné – c’est déjà lui qui avait fait appel à moi pour L’Italienne à Alger dans le même théâtre. Quant à Vénus, comme j’ai chanté dans Salomé et dans L’Enfant et les sortilèges à Monte-Carlo il y a quatre ans, j’y reviens parce que Jean-Louis Grinda m’a contactée pour me demander si j’étais prête à apprendre le rôle en français. Je n’avais jamais ouvert la partition. Vénus est un rôle très sopranisant, difficile, avec une écriture très particulière, même sur le plan harmonique. J’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois, mais je crois que c’est venu ! Ma voix s’est adaptée, la technique, le souffle. Et même pour Amnéris, le travail sur Tannhäuser que j’avais déjà commencé m’a permis de faire des progrès en endurance, notamment pour la grande scène du quatrième acte.

En 2013, vous chantiez encore le Page dans Salomé mais tout semble s’être soudain accéléré. N’êtes-vous pas très jeune pour aborder déjà des rôles aussi lourds ?

Oh, je ne suis plus si jeune que ça, j’ai passé la trentaine ! Et ce sont des personnages qu’on ne me proposait pas, il y a quelques années. Vu de l’intérieur, je vous assure que ça passe beaucoup moins vite… Disons plutôt que ça se dessine petit à petit ! Je n’ai pas de plan de carrière prédéfini, et mon parcours se fait encore pas à pas, à mesure que je peux aborder des rôles que j’ai travaillés au cours de mes études. Souvent, un artiste éprouve un grand désir de chanter, désir qui est souvent frustré : on passe des dizaines d’auditions, et il n’y en a qu’une sur cinquante qui débouche sur une proposition concrète (j’exagère à peine). On est complètement dépendant du désir de l’autre. Quand il n’y a pas de demande qui vient vers vous, il faut compter sur son énergie personnelle pour relancer la machine tous les jours, pour être au mieux possible, malgré tout.  C’est très formateur, parfois douloureux, cette quête d’une reconnaissance qu’on n’arrive pas à obtenir. Pendant ce temps-là, la progression vocale se poursuit. Cela représente beaucoup de travail, de défis. Rien ne paraît facile sur le moment, mais rétrospectivement tout prend un sens.

Vous avez toujours chanté ?

Quand j’étais adolescente, je voulais être chanteuse mais je ne connaissais pas du tout l’opéra, que j’ai découvert en prenant un premier cours avec un professeur particulier. A 20 ans, j’ai vu mon premier opéra sur scène – une révélation ! – et je suis entrée au Conservatoire de Bordeaux. J’y ai rencontré le professeur qu’il me fallait, et quand il est parti, au bout de deux ans, j’ai moi aussi quitté le conservatoire pour le suivre. A Bordeaux, avec quelques amis (Stanislas de Barbeyrac, Thomas Bettinger, Romie Estèves…), nous avons fondé une opération, Opéra-Bastide. Nous avons fait nos armes en organisant des concerts, en apprenant tout sur le tas : comment faire de la publicité, par voie d’affichage ou à la radio… C’était une structure « sauvage », mais l’expérience fut très formatrice. A 24 ans, je suis entrée à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris et, en même temps, j’ai eu mon premier agent. J’ai chanté le Page dans Manon Lescaut à Marseille, et juste avant, Eve Ruggieri m’avait confié Suzuki au festival d’Antibes. Ce furent mes premiers pas professionnels, des moments pleins d’émotion.

Comment avez-vous trouvé votre voix ?

Quand j’ai commencé à travailler le chant, j’avais une voix assez enfantine. Je n’avais jamais rien écouté, alors j’ai tout absorbé en même temps. Ce qui était très important, c’était de chanter, quelle que soit la tessiture. J’ai travaillé Suzanne, Mimi. On a mis six mois à découvrir que j’étais mezzo, donc je me suis mise à apprendre d’autres rôles. Et là, j’ai senti que j’avais trouvé mon identité vocale. Maintenant je suis heureuse d’être mezzo, avec tout ce que ma voix me permet d’exprimer : je crois que j’ai eu de la chance, génétiquement parlant ! Hier je chantais les Chants et danses de la mort de Moussorgski, et je suis ravie de pouvoir trouver encore d’autres couleurs, des aigus, des pianissimi, qui peuvent symboliser tellement de choses. Les rôles de mezzo me paraissent fascinants, ils sont complexes et n’ont rien de manichéen. Ce sont les personnages les plus humains qui soient, en permanence dans la contradiction intérieure. Je pense à Charlotte, de Werther, que j’ai chantée mais pas dans un théâtre, j’adorerais retrouver ce personnage. Dalila est un mélange de tendresse, d’amour, de haine, de frustration, d’incompréhension de soi. Amnéris agit sans vraiment savoir pourquoi, mais elle est ensuite dévastée par les conséquences… Je rêve d’Eboli, un rôle d’une telle émotivité, un rôle dangereux, avec un premier air qui exige souplesse que je dois encore acquérir, et un dernier air qui me fait peur, mais que je travaille. L’adrénaline monte en moi rien que d’y penser !

Pourtant, de la souplesse, il en faut pour Rossini : à Saint-Etienne, vous avez repris Isabella, et vous y serez Arsace la saison prochaine…

J’adore Rossini, j’adore vocaliser. Je n’enchaînerais pas Isabella juste après Amnéris, mais il me semble que les qualités qu’exige Rossini sont très utiles pour Verdi. Oh, il y a sûrement des rossiniennes plus « performantes » que moi, et tout dépend ce qu’on recherche comme couleur. Isabella n’est pas Rosine, c’est un rôle très grave, toujours dans le médium. Rossini me réjouit profondément, j’adore sa musique, et je trouve important de garder la capacité à la chanter, pour la santé de voix. Contrairement à beaucoup de jeunes chanteuses, je ne suis jamais passée par la case Mozart, dont les rôles de mezzo sont souvent plus proches du soprano 2. Sesto, je n’aurais pas pu l’interpréter il y a cinq ans, par exemple, mais ce n’est plus du tout exclu. On  m’a souvent dit que mon timbre n’est pas ce qu’on a envie d’entendre dans Mozart, mais c’est une forme de défi qu’il me plairait de relever. Après Tannhäuser, je chanterai le 24 mars Ursule dans Béatrice et Bénédict à Garnier, un rôle court mais avec des ensembles sublimes (je rêve d’aborder Marguerite de La Damnation de Faust). Je reviendrai peu après à l’Opéra de Paris pour un concert de mélodies à l’Amphi Bastille : il y aura des compositeurs russes, du Ravel (Schéhérazade) et des mélodies espagnoles. Je suis passionnée parles langues, et je trouve le russe magnifique, ça demande tout un travail mais j’essaye vraiment d’apprendre ces textes par cœur ; en parallèle, je travaille Lioubacha dans La Fiancée du tsar). Et il y aura en juin le Requiem de Verdi à Bordeaux. Pour l’avenir, je rêve de Carmen, comme toutes les mezzos, et j’adorerais qu’on me confie le rôle-titre d’Hérodiade, de Massenet !

Propos recueillis le 25 novembre 2016

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