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Le théâtre Italien à Paris

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Livre
14 juillet 2008
Le choix de la période historique

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Le théâtre Italien à Paris (1801-1831)
Jean Mongrédien

Éditions Symétrie

Les passionnés de l’opéra romantique italien, dans sa plus brillante et séduisante expression, ne pourront tout d’abord croire au titre Le Théâtre-Italien de Paris (1801-1831). Il leur semblera en effet impensable que l’auteur s’arrête au moment le plus intéressant, où précisément le Romantisme flamboie de tous ses feux ! La confirmation arrive bientôt hélas : « J’ai donc choisi comme terme de cette étude la date de 1831, exactement le 1er septembre 1831, qui marque l’apparition sur les affiches du Théâtre-Italien du nom de Donizetti (Anna Bolena), bientôt suivi de Bellini, et qui sonne par conséquent la fin de l’hégémonie de Rossini. », annonce Jean Mongrédien dans l’Introduction.

Ce choix arrêté nous fait saluer de loin seulement un aspect pourtant important voire primordial de l’activité du Théâtre-Italien : la commande expresse à un compositeur. L’année 1835 vit ainsi la création mondiale ou « prima assoluta » comme l’on dit en italien, de deux opéras importants des deux compositeurs alors les plus joués : Vincenzo Bellini avec I Puritani et Gaetano Donizetti avec ce Marino Faliero aujourd’hui sorti de l’ombre des Puritani, réévalué et foncièrement estimé plus moderne de forme que l’opéra de Bellini, pétri de mélodies plus ravissantes les unes que les autres mais plus conventionnel dans la forme. Autre date incontournable dans l’histoire du Théâtre-Italien, cette année 1843 qui devait voir la création de l’opéra destiné à devenir le plus célèbre parmi ceux composés précisément pour ce Théâtre, et dont le titre seul suffit à donner la mesure de sa notoriété : Don Pasquale !

On perd ainsi non seulement une précieuse documentation sur la création d’œuvres essentielles, mais également des renseignements concernant d’importantes modifications, voire des nouvelles versions, élaborées par les compositeurs expressément pour le Théâtre-Italien. Quelques exemples : le nouvel air d’Adina, stupéfiant de grâce chaleureuse, que Donizetti substitua dans sa partition de L’Elisir d’amore, l’ineffable ouverture de son Roberto Devereux, composée expressément pour la production dans ce lieu, les autres significatives et importantes modifications qu’il apporta non seulement à cette partition mais à celles de Linda di Chamounix et Maria di Rohan, bien loin d’être de simples « retouches » mais se présentant comme de véritables refontes de l’ouvrage.

Il faudrait aussi parler d’une anecdote sans précédent, mais triste pour les dirigeants du Théâtre, Robert et Severini qui, descendus en Italie pour rencontrer Donizetti et rapporter à Paris sa belle Parisina, furent pris pour des conspirateurs et emprisonnés dans le Royaume de Naples !

Cette constatation posée, il faut entendre les raisons de l’auteur qui nous expose le résultat de vingt années d’étude, et, face au matériel sélectionné -et atteignant déjà une telle somme de huit volumes !- déclare qu’une vie ne suffirait pas pour couvrir l’entière existence du Théâtre-Italien de Paris, de sa (re)création en 1801 jusqu’à 1878 environ. Il nous faut à présent examiner le beau résultat que représente cette édition, effectif et digne d’intérêt malgré la frustrante partialité que l’on vient d’évoquer.

Le premier volume

La passionnante Introduction comporte soixante-huit pages dont aucune n’est à retrancher, tant l’auteur évoque pratiquement tous les à-côtés accompagnant ses longues et patientes recherches, ses critères de choix, avec les coupures pratiquées par nécessité mais « la mort dans l’âme », selon l’expression de l’auteur, vraiment bien employée et que l’on comprend si bien, car tout chercheur ne peut qu’être solidaire face au regret de la nécessité de choisir !…

Parallèlement à la grande question du choix des documents et de la difficulté de consultation, comme la lecture patiente des certes précieux mais ingrats microfilms, l’Introduction aborde pratiquement tous les aspects de la vie théâtrale dont les autres volumes nous parleront. La prétention des journalistes critiques, leur humour, leur incompétence, l’intérêt des articles décrivant la société fréquentant le Théâtre, mais également l’aspect matériel des gains des chanteurs, avec ces curieuses représentations « à bénéfices » dont l’encaissement va entièrement à un chanteur de notoriété… (qui peut même décider d’augmenter alors les tarifs des places !).

Après l’Introduction, le premier volume se révèle un riche index, constitué de la façon suivante :

  • Liste-répertoire des sources
  • Liste alphabétique des compositeurs joués au Théâtre-Italien
  • Liste alphabétique des opéras représentés au Théâtre-Italien
  • Liste par année de tous les chanteurs ayant paru sur le Théâtre-Italien
  • Liste des concerts donnés au Théâtre-Italien
  • Index des sources citées (où l’on peut retrouver regroupées toutes les pages des différents volumes où est cité un article d’un même quotidien)
  • Index des titres d’œuvres
  • Index des noms de personnes

Les Sources comportent non seulement les innombrables revues et quotidiens, chaque fois référencés de la manière la plus brève et efficace, mais également ces importants livrets bilingues (italien-français) vendus le soir des représentations. On a oublié en effet leur intérêt toujours d’actualité dans le cas de textes italiens dont il n’existe aucune autre traduction en français. Les passionnés ayant suivi les récentes résurrections de la Camilla de Paer comme de la Clotilde de Carlo Coccia, ou de Clari de Halévy, auraient certainement apprécié de connaître la traduction française du livret… Sans parler des textes de Il Crociato in Egitto de Meyerbeer, Elisa e Claudio de Mercadante, Giulietta e Romeo de Vaccaj, Matilde di Shabran, Ricciardo e Zoraide, Torvaldo e Dorliska de Rossini, Medea in Corinto de Mayr, Giannina e Bernardone et Il Mercato di Malmantile de Cimarosa, La Molinara de Paisiello, Le Nozze di Lammermoor du prince Carafa, Ser Marcantonio de Stefano Pavesi, L’Ultimo Giorno di Pompei de Giovanni Pacini… Oui, tous ces livrets existent en français !

Quelques discordances…

Un effort à été fait pour corriger la graphie italienne parfois fantaisiste des publications parisiennes de l’époque. Il est quelque peu dommage toutefois, que le compilateur n’ait pas adopté les graphies aujourd’hui couramment utilisées par les chercheurs, de l’Europe à la Nouvelle Zélande (où vit un grand spécialiste de l’opéra romantique, Jeremy Commons), notamment pour la grande cantatrice Giuseppina Ronzi De Begnis, ici nommée « Joséphine Ronzi-Debegnis », comme l’écrivaient probablement les publications parisiennes. Certaines erreurs dans les titres demeurent, mêlant italien et français : Il Califfo de Bagdad (sic), au lieu de Il Califfo di Bagdad.

Il n’est pas erroné d’écrire : « la Semiramide de Rossini », du moment que l’article désigne l’opéra mais il ne doit pas faire partie du titre, défaut que l’on entend encore en France à propos de « La Norma » (sic), au lieu simplement, de Norma, comme Bellini intitula son œuvre. De même qu’on lit encore en France « La Tosca » au lieu de Tosca pour l’opéra de Puccini, erreur cette fois un peu plus justifiable car la pièce-source de Victorien Sardou s’intitule effectivement La Tosca. En revanche, on lit avec étonnement « le rôle de Tisbe dans Cenerentola » car l’article fait partie du titre de l’opéra : La Cenerentola, et l’auteur, scrupuleux et raffiné dans son style ne nous donne pas l’impression de parler comme certains passionnés ou employés de théâtres d’opéra, tronquant les titres de manière familière et quelque peu pédante, du genre « Traviata », « Bohème », l’écartement de l’article sonnant plus bizarrement que l’abréviation, toute compréhensible celle-là : Cavalleria (pour Cavalleria rusticana), Butterfly, pour Madama Butterfly…

Le plus attristant est le cas du jugement de valeur… et précisément dans un passage où l’on fustige le fait de juger ! Ainsi, on peut lire, au début de la page 9 : « La sottise de certains journalistes n’a d’égale que leur inculture : à propos du médiocre (sic) opéra L’Ultimo Giorno di Pompei de Giovanni Pacini […] ». Qu’est-ce qui permet à l’auteur-compilateur d’utiliser ce terme ? Entouré de tant de documents à sélectionner, transcrire… aurait-il connu la possibilité temporelle d’un accès quelconque à l’œuvre en question, lui permettant une opinion personnelle ? ou reprend-il plutôt à son compte un jugement négatif de la presse qu’il fustige, précisément, en ces lignes ? !…

Le compositeur Giovanni Pacini écrit dans Le Mie Memorie artistiche que « L’Ultimo Giorno di Pompei fut le plus grand triomphe de ma première époque artistique. Je laisserai toute modestie à part pour exposer simplement la vérité. Ce fut un ouvrage qui qui enthousiasma tout Naples et me fit acquérir une couronne de lauriers qu’il était bien difficile de recevoir de la part de cette population musicale. » Le roi des Deux-Siciles lui envoie une lettre de congratulation, le célèbre impresario Barbaja, tenant les rênes des théâtres de Naples, lui en propose la direction musicale pour un contrat de neuf années !… Pacini explique ensuite comme il soigna l’écriture, notamment des morceaux concertants, cherchant « quelque formulation nouvelle »… Les renseignements abondent en somme, montrant combien J. Mongrédien eut la légèreté de reprendre à son compte le malheureux terme négatif de « médiocre ».

Ce jugement est d‘autant plus regrettable que le scrupuleux auteur-chercheur maintient par ailleurs un strict respect pour d’autres compositeurs également peu connus comme Ferdinando Paer, Valentino Fioravanti… et son style élégant, reflétant une pensée qui l’est certainement autant, ne nous laissait aucunement pressentir ce genre de choses.

L’organisation interne des autres volumes

On peut décrire les autres volumes en s’appuyant a priori sur le VIIIe et dernier, aimablement mis à notre disposition par l’Editeur. Les vingt premières pages présentent la liste des sources manuscrites et imprimées et leur emplacement dans les diverses bibliothèques consultées. En plus du nom des journaux et revues, on découvre leur fréquence de publication et un numéro auquel renverront les divers articles cités dans la suite du volume.

Celle-ci est consacrée aux documents proprement dits, chaque citation étant suivie du numéro renvoyant à la liste des « Sources imprimées », permettant de trouver le nom du quotidien ou de la revue ayant originalement publié l’article.

Afin de donner une idée de l’importance du matériel retenu, on peut signaler que le contenu de ce volume VIII, de la page 21 à la page 605, est consacré aux documents concernant l’activité du Théâtre-Italien à partir du premier janvier 1829 jusqu’au premier septembre 1831 seulement, c’est-à-dire deux ans et huit mois.

La présentation chronologique s’arrête à chaque jour comportant une représentation et/ou une information quelconque méritant la diffusion. Ainsi, on pourra trouver pour chaque jour retenu, l’illustration de l’une ou de plusieurs des quatre rubriques suivantes :

  • Représentation du jour
  • Correspondances et documents administratifs
  • Echos et nouvelles
  • Comptes rendus

La rubrique « Représentation du jour » est toujours courte, c‘est l’affiche de théâtre en quelque sorte, avec le titre de l’œuvre représentée et la distribution mais l’auteur-compilateur la fait suivre d‘un renseignement plus confidentiel : la somme de la recette, en francs de l’époque.

Le contenu des « Correspondances et documents administratifs » est différemment intéressant, plus statistique et possédant de quoi nous étonner et nous faire quelque peu redescendre du beau nuage où ces compositeurs nous haussent, en nous rappelant que les chanteurs, leurs interprètes, et bien que serviteurs de l’Art, étaient aussi des humains, avec leurs vanités et prétentions.

La rubrique « Echos et nouvelles » présente les « bruits » qui circulent, les mécontentements des chanteurs et un écho des polémiques qui s’ensuivent. On découvre par exemple avec stupeur, comment la Revue musicale publiée par M. Fétis signale, avec une désinvolture discourtoise et une suffisance impensables aujourd’hui, que l’« On annonce les débuts d’une jeune cantatrice allemande, dont le nom en er ne nous revient point. Elle est, dit-on, pourvue d’une fort belle voix ; mais on ajoute qu’elle ne sait point en faire usage. Nous verrons. »

Les « Comptes rendus » occupent évidemment la plus grande partie du matériel présenté. La qualité et la profondeur des analyses sont très variables, certains critiques se contentant d’indiquer si la musique offre des motifs agréables à l’oreille, tandis que d’autres vont jusqu’à parler de technique musicale, citant notes et tonalités. Au détour de ces pages, on pourra notamment découvrir -avec un certain étonnement- combien ces messieurs les critiques pouvaient avoir « la dent dure », signalant par exemple la trop grande longueur d’un opéra, ou le caractère ennuyeux de sa musique, détails d‘importance que l’on évoque aujourd’hui avec force doigté…

Les analyses se succèdent, variées et toujours intéressantes par leur contenu, nous apprenant des renseignements, parfois surprenants, sur des opéras inconnus aujourd’hui et même sur ceux que l’on connaît bien. On découvre aussi des réactions du public aujourd’hui impensables, comme ces personnes que l’on emportait hors du théâtre, tant l’émotion de la musique leur avait procuré une attaque nerveuse (on frémit à la pensée qu’elles eussent à endurer les angoissants grincements de l’opéra du XXe siècle !).

Les anecdotes piquantes ne manquent pas non plus, comme celle d’une couronne de pissenlits (!), tressée par vengeance contre une réaction désobligeante de la Malibran… Notre époque cette fois possède l’équivalent : on a bien lancé des navets et des carottes à Maria Callas.

Les analyses sont d’autre part intéressantes par leur forme : il est en effet fort agréable de suivre un compte-rendu animé par une bonne humeur quasi générale chez les chroniqueurs, qui, selon leur talent, se colore toujours d’esprit, voire d’une ironie savoureuse ou même mordante, pour nous présenter les défauts des interprètes de la soirée, de la production, de la direction du théâtre ou de l’attitude du public. Les mêmes critiques nous touchent enfin par leur sincérité dans l’aptitude à se laisser émouvoir par les beautés de la musique et l’art des interprètes, qu’ils traduisent en des termes toujours précis et évocateurs, curieusement dégagés d’une certaine afféterie non étrangère à certains de leurs collègues d’aujourd’hui…

Le beau résultat d’un travail de fort longue haleine, certes louable et passionnant, mais qui prendra tout son sens, considérable, en se poursuivant sur les grandes années du Romantisme…

Yonel Buldrini

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