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Portrait d’Elīna Garanča

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Actualité
13 septembre 2010

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C’est un privilège, pour un magazine comme Forum Opera, que de voir naître une star du monde lyrique, de l’accompagner, de la voir grandir avec sa discographie, de chroniquer ses prestations, parfois sans concession, de la retrouver de temps en temps pour faire le point sur l’évolution de sa voix. Force est de constater que, en quatre ans, Elīna Garanča, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a bien conduit sa barque. Nous écrivions, en 2006, qu’elle dégageait déjà « une impression de sérénité impressionnante pour son jeune âge ». Aujourd’hui, en se retournant sur les mois écoulés et sur le chemin parcouru – ce qu’elle n’aime pas beaucoup faire –, elle avoue qu’alors elle était « naïve ». Naïve ? Vraiment ? Ce premier bilan ne donne pas ce sentiment tant l’artiste est réfléchie, posée, déterminée, professionnelle, intelligente.

 

 

 

 

Depuis 2006, donc, cette jeune femme, née à Riga en 1976 (vous avez remarqué ? D’habitude la date de naissance d’une chanteuse est mieux protégée que les secrets d’Etat) a débuté sur toutes les grandes scènes ; elle a changé d’agent1 ; sa discographie s’est étendue. Elle est aujourd’hui une des stars autour desquelles les directeurs de théâtre construisent leurs distributions.

 

Deutsche Grammophon n’a pas attendu que toutes ces étapes soient franchies. « La » Deutsche Grammophon dont elle nous confiait qu’elle était, Karajan aidant, la seule maison de disques connue en Lettonie « avant ». Avant, dans l’autre vie, celle où les perspectives étaient fermées et où les seuls chanteurs un peu connus étaient les stars du Bolchoi. La firme au logo jaune, du groupe Universal, a parié bien vite sur elle, non seulement pour le son… mais aussi pour l’image, au point que, grâce aux photos façon « Vogue », les pochettes de ses disques ressemblent à un magazine de mode. Côté intégrales, après des Capuleti éclatants, sont sortis récemment en DVD une Cenerentola du Met et, aujourd’hui, une Carmen quatre étoiles avec Roberto Alagna. En solo, un contrat d’exclusivité a été signé pour cinq disques. Aria Cantilena avait été une carte de visite très attirante; Bel canto avait déçu (sans concession, disait-on…) ; Habanera, qui renoue avec un programme plus personnel, remet sur le devant une personnalité attachante. La prochaine fois, ce sera sans doute un programme de Lieder.

 

 

Elina Garanča (Carmen) et Roberto Alagna (Don José), Carmen, Metropolitan Opera, New York, janvier 2010

Retour sur images. Depuis maintenant plus de 10 ans déjà, et ses premiers engagements au théâtre de Meiningen, puis à Francfort à partir de 2000, elle a enchaîné les productions dans ces troupes à l’allemande, si utiles pour se forger un métier et une expérience. Giovanna Seymour, Rosina, Orlofsky, Oktavian ont été ainsi abordés dans ce contexte stimulant et rassurant à la fois. Le décollage vient avec les compétitions internationales, d’abord à Vienne au concours du Belvedere (demi-finaliste) puis surtout avec le concours Miriam Helin en Finlande, qu’elle gagne en 1999, et celui de Cardiff en 2001 où elle est finaliste. En 2003, l’opéra de Vienne s’attache ses services et le même principe qu’à Meiningen et Francfort lui permet de roder ses rôles fétiches auxquels viendront s’ajouter Meg et Lola puis Dorabella, Annio, Nicklausse et la muse, Cherubino plus récemment encore,  ainsi que Charlotte. Dans ce Werther viennois gravé en DVD, chez TDK, avec Marcelo Alvarez, Elīna, en blonde platinée « à la Marylin » y est magnifique. Vocalement, je veux dire.

 

Le public parisien l’a découverte en 2004 dans la reprise de La Cenerentola au Théâtre des Champs Elysées mis en scène par Irina Brook. Puis il a eu une Missa Solemnis avec l’Orchestre national de France dirigé par Kurt Masur et, en 2005, les débuts à Aix dans Dorabella, et à Garnier dans Sesto et Dorabella encore. Fin décembre 2006, elle a remplacé les remplaçantes des remplaçantes dans le Rosenkavalier de la Bastille ! Lisez les critiques que Forum Opéra a consacrées à ses prestations. Elles sont dithyrambiques. Dire que l’école de théâtre de son quartier à Riga ne l’avait pas admise, il n’y a pas si longtemps, en la jugeant peu douée pour la comédie… Depuis, les grandes étapes de sa carrière se sont malheureusement passées en dehors de l’hexagone. Covent-Garden pour des Romeo glamours aux côtés d’Anna Netrebko puis pour Carmen ; le Met en 2007 pour des Rosine, puis des Cenerentola et enfin des Carmen anticipées en 2010 : alors que la série de début d’année de cette nouvelle production devait être assurée par Angela Gheorghiu, Elīna Garanča, prévue seulement pour les reprises de l’automne, a accepté de devancer l’appel, raflant au passage la mise de la retransmission d’une matinée en haute définition et de la captation en DVD. La rencontre avec Roberto Alagna, son Don José londonien et new-yorkais, a manifestement été marquante, avec une entente vocale et scénique exceptionnelle. Forum Opéra s’est même demandé si les deux artistes n’étaient pas devenus… inséparables ! Sur son site internet, en légende d’une photo prise devant le Lincoln Center, Elīna Garanča se demandait : « will they employ me ? ». Qu’elle soit rassurée : le Met compte sur elle avec des engagements pour toutes les prochaines saisons. A Paris, en revanche, rien à part des concerts des Grandes voix… et c’est incompréhensible.

Lettone vivant en Espagne, après plusieurs années passées en Allemagne et à Vienne, Elīna Garanča est une Européenne… dont a maîtrise des langues n’est pas le moindre des atouts : son allemand, son espagnol, son anglais sont parfaits ; son italien est irréprochable et son français a fait d’énormes progrès.

 
Elina Garanča (Charlotte) et Marcelo Alvarez (Werther), Werther, Staatsoper, Vienne
Caractériser en quelques mots sa voix n’est pas facile mais l’évolution depuis 2006 est assez nette : le timbre est toujours magnifique, chaud, corsé, homogène et rond sur tout l’ambitus, très reconnaissable aussi, y compris car on peut y deviner, à quelque intonation, ses origines baltes ; les aigus sont – ou du moins paraissent – d’une facilité déconcertante, ouvrant un champ très large pour son répertoire ; les passages d’agilité sont assumés crânement, même si Elīna Garanča n’est clairement pas une mezzo colorature, comme ses consœurs Joyce DiDonato ou Vivica Genaux. De fait, elle a déjà décidé d’abandonner les rôles bouffes rossiniens, comme Rosine ou Angelīna, sans renoncer aux rôles belcantistes. Giovanna Seymour2 et Adalgisa sont heureusement encore inscrits à son agenda bien rempli. Tout en conservant un timbre de velours et des aigus faciles, la voix s’est élargie et assombrie. Il reste à espérer que l’artiste saura conserver la distance et la sagesse pour, de temps en temps, faire des pauses, se reposer, réfléchir à l’orientation de sa carrière.

Sur ce plan, on peut être optimiste, malgré la pression du circuit : Elīna Garanča semble construire son parcours, toute seule comme une grande – avec l’appui de sa mère et de son mari -, avec constance et cohérence, en refusant des propositions précoces, en renonçant déjà à certains rôles et en bâtissant ses saisons intelligemment. Après une période belcantiste, ce fut l’heure de Carmen… Après la série new-yorkaise, il y aura, en 2010, un retour au belcanto. L’idée de manœuvre, comme on dit dans la marine, est assez claire : ne pas sauter d’un aéroport à un théâtre pour multiplier les cachetons ; approfondir les rôles pour apporter sa touche personnelle ; arriver, petit à petit, aux grands rôles où on l’attend déjà : Eboli, des rôles français pour peu que des théâtres se lancent dans Cendrillon de Massenet (elle sera déjà Anita de La Navarraise à Carnegie Hall en octobre) ou reprennent Les Troyens ; plus tard, il y aura à coup sûr Amnéris dont Elīna Garanča rêve. Nous aussi.

 

Jean-Philippe Thiellay
Septembre 2010

 

1 Elle a quitté IMG pour Ernesto Palacio Management

2 En janvier-février 2011, elle sera Giovanna Seymour à Barcelone, dans une nouvelle production d’Anna Bolena, avec les adieux d’Edita Gruberova.

 

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