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Hjördis Thébault : « Pour moi chanter, c’est un besoin physique et une discipline qui permet d’aller à la rencontre de soi-même. »

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Interview
26 avril 2011

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Conversation avec Hjördis Thébault quelques jours avant la reprise au Théâtre des Champs-Élysées de La Scala di Seta de Rossini dans la mise en scène de Christian Schiaretti, créée en 2001. Un dixième anniversaire doublement important pour Hjördis Thébault : première collaboration avec Jean-Claude Malgoire et rencontre — sur cette même production — avec son mari, le baryton Pierre-Yves Pruvot, créateur des Éditions Symétrie auxquelles la chanteuse est associée.

  

Soprano et éditrice, Hjördis Thébault trouve, entre deux métiers qu’elle exerce avec la même passion, un équilibre qu’elle considère comme une grande chance : « Je ne suis ni une chanteuse qui s’est mise à l’édition, ni une éditrice qui chante. Mes deux activités se complètent et je les exerce avec le même engagement. Comme je chante surtout à l’opéra, je suis souvent loin de chez moi. Entre les répétitions où on doit attendre pendant des heures et les jours de repos, les chanteurs trouvent parfois le temps long. C’est alors que je m’occupe de Symétrie. Vivre autre chose pleinement dans un métier où j’exerce des responsabilités m’apporte énormément. Quand je suis dans le chant, j’y suis à cent pour cent, mais entretemps ma vie n’est pas vide. D’autant moins, que je partage tout cela avec mon mari qui chante souvent dans les mêmes productions que moi. Éprouver ensemble des émotions fortes sur scène et avancer sur les mêmes choses dans un autre domaine qui nous passionne, c’est une très grande chance. Pour certains couples, cela pourrait être un cauchemar, mais pour nous c’est le contraire. » 

 

Hjördis Thébault reconnaît que la succession d’événements qui a abouti pour elle à ce style de vie très inhabituel tient du conte de fées : « Petite, à part le pipeau à l’école, je n’ai eu aucune initiation musicale ; je chantais toute seule très naturellement. Mes parents trouvaient que j’avais une jolie voix, mais, je n’aurais jamais osé chanter en public et encore moins faire la démarche de m’inscrire dans un conservatoire. Ce n’est qu’à l’âge de vingt ans qu’un ami qui m’a entendue, m’a mis virtuellement un coup de pied aux fesses et m’a forcée à auditionner au conservatoire municipal Gabriel Fauré, à Paris, tout près de chez moi. J’y suis allée à contre cœur sans même penser à apporter une partition et j’ai seulement chanté a capella le premier air de Cherubino. Au bout de deux ans de travail, mon professeur qui était chanteur d’opéra m’a dit que j’avais les capacités vocales pour en faire mon métier. J’ai d’abord terminé mes études de droit. Puis, sur le conseil d’amis de ma famille qui habitaient la Californie, j’ai envoyé une K7 au conservatoire de San Francisco où j’ai été admise. J’ai fait un Master de chant en deux ans et demi et j’envisageai de m’installer là-bas si je trouvais du travail. Lors d’une audition dans une petite ville de Californie pour le rôle de Berta dans Le Barbier de Séville, le metteur en scène ne m’a pas engagée, mais il m’a demandée si j’aimerais auditionner devant Kent Nagano qui était l’un de ses meilleurs amis. Après m’avoir fait faire Nicklause des Contes d’Hoffmann, Nagano m’a suggéré d’auditionner pour l’Opéra de Lyon dont il était directeur musical et où Claire Gibault était à la tête de l’Atelier lyrique. Ce que j’ai fait. Après avoir chanté quelques temps des rôles de mezzo, j’ai eu envie d’évoluer. On ne peut plus chanter les pages quand on avance en âge. Je n’avais pas les couleurs d’un mezzo dramatique, alors je me suis tournée vers les rôles de soprano. Aujourd’hui on a tendance à être plus attentif à l’ambitus qu’à la couleur vocale. Pour, moi c’est surtout une question de caractère, d’empathie avec le personnage et j’ai retravaillé ma voix pour être soprano ».

 

Hjördis Thébault est heureuse de ses fréquentes collaborations avec Jean-Claude Malgoire : « Pour Pierre-Yves et moi, c’est une histoire d’affection. On admire beaucoup ce qu’il a fait de sa vie que nous connaissons bien puisque nous avons édité sa biographie. C‘est un homme formidable, très cultivé, curieux de tout, même en dehors de la musique. Il n’est pas obsédé par sa carrière. À Tourcoing, c’est une vraie maison. Le public est vraiment chaleureux et c’est plein tous les soirs. Quand on vient chanter, on est accueilli, on se sent à l’aise pour s’exprimer. Malgoire ne bride pas les chanteurs. Au contraire, il les responsabilise, reste ouvert à toute suggestion. S’il y a un problème, on le règle. À la fin d’une production, il sort ses bonnes bouteilles et il invite tout le monde à dîner. C’est un cuisinier hors pair qui pourrait être étoilé au Michelin ! ».

 

Quand on lui demande  « Qu’est-ce que c’est pour vous le chant ? », Hjördis Thébault a une réponse nette : « À l’origine, une passion qui est devenu un artisanat, dans le bon sens du mot. C’est un métier qui oblige à se remettre en question. On est confronté à beaucoup de personnalités différentes ; il y a des moments pas faciles et des moments de grande exaltation. C’est aussi un défi. Monter sur scène n’est jamais anodin. Chanter pour moi, c’est un besoin physique mais aussi une discipline qui permet d’aller à la rencontre de soi-même sur le plan humain. C’est un parcours presque psychanalytique. Cela peut être une souffrance lorsque on n’arrive pas où on voudrait. Mais quelle joie quand, après avoir travaillé un rôle d’arrache-pied, on réussit à l’interpréter sur scène. »

 

En parallèle à une carrière de concertiste et à ses participations à divers enregistrements sous la direction de chefs renommés, Hjördis Thébault a chanté de grands rôles d’Opéra, notamment : Rosina, Dorabella, Tosca, Tatiana, Sémélé…

Celui dont elle rêverait par dessus tout ? Blanche de la Force du Dialogue des Carmélites de Francis Poulenc sur le texte de Bernanos. « C’est une œuvre qui me touche énormément. Quand j’étais loin de la France, je l’écoutais en pleurant comme une Madeleine. Mes collègues me prenaient pour une folle. Blanche m’attire particulièrement à cause de ses faiblesses et des souffrances qu’elle exprime ».

 

Une réponse étonnante de la part d’une artiste aussi épanouie et sereine.

 

Propos recueillis et mis en forme par Brigitte Cormier à Paris le 7 avril 2011

 

 

 

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