Retransmission d’opéra au cinéma, la dure rançon du succès

La polémique bat son plein aux Etats-Unis et pourrait bientôt débarquer en Europe où la pratique commence à se généraliser : la retransmission d’opéra au cinéma s’avèrerait à la longue néfaste au genre lyrique. Interpellé sur la baisse du taux de fréquentation du Metropolitan Opera de New York (81% contre 84% l’an passé), Peter Gelb a reconnu qu’il pourrait y avoir un lien de cause à effet en parlant d’une « cannibalisation » de l’audience par les diffusions haute-définition du Met. Une baisse du prix des tickets de 10% veut enrayer cette chute. Qu’il nous soit permis d’en douter. La consommation de l’opéra au cinéma est en train d’induire d’autres comportements, ne serait-ce que parce que la visibilité et l’acoustique ne dépendent pas de la position du spectateur dans la salle. Au cinéma, la camera offre à tous le même champ de vision, les micros uniformisent la puissance sonore. On se souvient de Richard Croft hué dans L’Or du Rhin par le public du Met car  difficilement audible quand il semblait, dans les salles obscures, aussi présent que les autres chanteurs (voir l’article « L’Or du Rhin en direct du MET : halte au progrès ? »). Certes mais s’agit-il encore d’opéra ? C’est là que le débat fait rage. Indépendamment de la réponse à cette question, force est de constater que la crise économique oblige aujourd’hui les moins fortunés à se rabattre sur la solution la plus économique, à savoir les retransmissions dans les salles de cinéma. Résultat : alors que ces retransmissions étaient censées ouvrir l’opéra au plus grand nombre, elles favorisent au contraire son caractère élitiste en le circonscrivant aux plus favorisés. L’enfer est pavé de bonnes intentions. [Christophe Rizoud]