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HAENDEL, Theodora — Bruxelles (La Monnaie)

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Spectacle
12 mars 2012
Erreur de casting

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Oratorio en trois actes sur un livret de Thomas Morell

Créé à Londres le 16 mars 1750

Détails

Theodora

Sandrine Piau

Didymus

Lawrence Zazzo

Septimius

James Gilchrist

Irene

Patricia Bardon

Valens

Nathan Berg

Le Concert Spirituel

Direction musicale

Hervé Niquet

Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, Bruxelles, lundi 12 mars 2012, 20h

 

Theodora est à bien des égards une œuvre singulière, à la fois l’un des plus sombres et des plus poignants drames sacrés de Händel. Son deuxième acte frise la perfection et il est sans conteste le meilleur de toute sa production. Le chœur final, quant à lui, révèle de frappantes similitudes avec celui de la Passion saint Matthieu. Romain Rolland voyait dans cet avant-dernier oratorio de Händel, le préféré du compositeur, sa tragédie musicale la plus intime. Dans l’excellent programme de salle distribué le 12 mars dernier au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, Jean-Marie Marchal explique comment le Saxon, au crépuscule de sa vie, « exprime l’essence même d’un conflit intérieur en le dépouillant des violences de l’expression dramatique ». Cette intériorité prend au moins deux visages : celui de Théodora, d’abord, princesse de la maison royale de Syrie qui refuse d’abjurer sa foi chrétienne et voudrait mourir plutôt que de perdre sa virginité comme l’en menace Valens, le préfet romain d’Antioche, déterminé à la jeter dans un lupanar ; celui de sa compagne ensuite, Irène, animée sinon illuminée par une foi invincible, qui fédère et rassérène cette communauté chrétienne persécutée par le régime de Dioclétien. Winton Dean, maniant l’euphémisme, admet qu’Irène est un peu plus qu’une terne confidente. En vérité, c’est une figure solaire, présente à chaque étape du drame et essentielle au même titre que l’héroïne. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Händel lui destine le meilleur air, l’une des pages les plus inspirées qu’il ait jamais écrites : « As with rosy steps the morn advancing ». Cette aria di paragone, extraordinairement suggestive, évoque les progrès de l’aurore sur les ombres de la nuit, le chant du contralto (Caterina Galli, la dernière élève du maître, lors de la création), nous inondant de sa lumière bienfaisante. Si Hervé Niquet peine à restituer la dimension intime de Theodora comme à embrasser la richesse de ses affects, il faut reconnaître aussi, à sa décharge, que l’inadéquation de certains chanteurs limite considérablement sa marge de manœuvre.

Souvent impétueux, le chef semble ici réfréner ses ardeurs. Le public du Palais des Beaux-Arts n’a probablement pas oublié les éclats véhéments ni la course échevelée où plongeait l’Andromaque de Grétry. Si Hervé Niquet a d’abord du mal à tenir en place durant l’ouverture, délaissant son pupitre et circulant parmi les musiciens, sa conduite se révèle alerte mais toujours précise. Le chœur et l’orchestre du Concert Spirituel déploient des sonorités somptueuses qui n’ont rien à envier aux phalanges britanniques entendues dans cet ouvrage ni aux Arts Florissants. Les chœurs chrétiens nous offrent d’ailleurs les trop rares moments d’émotion d’une soirée qui en promettait beaucoup. Händel est encore en pleine possession de ses moyens et traduit parfaitement l’antagonisme des Romains et des Chrétiens: tonalité (essentiellement majeure chez les premiers, mineure chez les seconds), climat (prédilection pour le ravissement et la contemplation chez les seconds, gaîté et frivolité chez les premiers), tempi (Allegro, Andante, voire Pomposo et Furioso chez les Romains contre Largo et Larghetto chez les Chrétiens), tout dans la partition consacre le choc des cultures et des mentalités. Or, Niquet et son plateau caractérisent nettement mieux les Romains, leur alacrité et leur vigueur, que les états d’âme des Chrétiens. S’il ne verse pas exactement dans la précipitation, le chef reste nerveux, pressé d’avancer et ne favorise guère l’épanchement chez ses solistes alors même que la musique réclame, plus d’une fois, lyrisme et abandon. Les spécialistes de Händel reconnaissent volontiers que le premier acte, dont huit airs sur dix comptent un Da Capo, risque de paraître trop long pour un auditoire moderne et ne s’opposent pas à quelques coupures. Certaines suppressions peuvent tout à fait se concevoir, pour autant que les personnages vivent et s’épanchent librement. N’est-ce pas aussi la raison d’être, rhétorique, du Da Capo que d’approfondir l’expression des sentiments ? Celle-ci, malheureusement, laisse trop souvent à désirer.
Longtemps abonnée aux travestis baroques, Patricia Bardon s’apprête à incarner Erda au MET. Nous espérions vraiment qu’elle réussît à baisser sa cuirasse et à attendrir son mezzo granitique, pesant et noyé de vibrato. Las ! Irène demeure à l’état d’ébauche, magma inexpressif où point fugacement une intention d’autant plus frustrante qu’elle est juste et nous rappelle les qualités d’une artiste estimable, mais égarée dans le pire des contre-emplois. Lawrence Zazzo a l’étoffe du sauveur, prêt à se sacrifier pour Théodora, sauf que le héros n’est ici que de papier, Händel préférant souligner la spiritualité du jeune officier romain, prompt à s’émerveiller plutôt qu’à dégainer. Le contre-ténor américain, qui fut un émouvant David sous la direction de Jacobs (Saul), n’a plus la souplesse requise pour cette partie toute en délicatesse où, a contrario, Bejun Mehta et David Daniels rivalisent de séduction (« Sweet rose and lily »). Comme abîmée dans son rêve intérieur, la Théodora de Sandrine Piau se retrouve bien seule. Le soprano fend toujours l’azur comme la colombe, mais il ne vient jusqu’à nous que le temps des duos et de la troublante extase des martyres. Le Valens de Nathan Berg s’avère la seule bonne surprise de la distribution. Il y a longtemps que la basse canadienne n’avait affiché une telle forme : projection, mordant, abattage, l’instrument semble avoir recouvré sa plénitude, l’aisance du musicien fait plaisir à voir et à entendre, même s’il roule un peu trop des mécaniques (l’intransigeant préfet portraituré par Morell et Händel est un peu moins brut de décoffrage). Septimius est l’âme sociable par excellence, amical et compatissant, qui tente d’adoucir le préfet et prête main forte à Didymus pour faciliter l’évasion de Théodora. James Gilchrist lui prête son élégance, son chic et ses inflexions caressantes, mais le rôle abonde en traits et fioritures qui finissent par malmener cette jolie soufflerie.

 

 

 

 

 

 

 

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