C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
LAUSANNE
09/19/2003 et 21*, 24, 26 et 28 septembre 2003

Acte 4
Manon Feubel, Elodie Méchain, Federica Zanetti, 
Victor Torres, Vincent Pavesi, Alexandre Kravetz
© Marc Vanappelghem
Francesco CILEA (1866-1950)

Adriana Lecouvreur

Opéra en quatre actes
Livret de Arturo Colautti,
d'après la pièce de Scribe et Legouvé

Nicola Rossi Giordano (Maurizio),
Jérome Garnier (Il Principe di Bouillon),
Ivan Matiakh (L'abate di Chazeuil),
Victor Torres (Michonnet),
Vincent Pavesi (Quinaut),
Alexandre Kravets (Poisson),
Manon Feubel (Adriana Lecouvreur),
Federica Proietti (La Principessa di Bouillon),
Monique Zanetti (La Jouvenot),
Elodie Méchain (La Dangeville),
Alexandre Feer (Le Majordome)

Alain Garichot (mise en scène)
Claude Massot (costumes)
Lili Kendaka (décors)
Marc Delamézière (lumières)

Orchestre de Chambre de Lausanne
choeur de l'Opéra de Lausanne
Claude Schnitzler, direction

Opéra de Lausanne
09, 21*, 24, 26 et 28 septembre 2003


Le retour des voix à l'opéra
 

L'opéra des voix est-il mort ? François-Xavier Hauville vient d'en apporter un brillant démenti avec la nouvelle production lausannoise d'Adriana Lecouvreur de Francesco Cilea. En regroupant un quatuor de "vrais" chanteurs formant une équipe d'une homogénéité vocale d'une rare qualité, le directeur de l'Opéra de Lausanne réussit un coup de maître. Dans le rôle-titre, la soprano Manon Feubel est bouleversante. Avare du geste, un simple regard ou une tête renversée suffit à habiter son drame. Alternant puissance et douceur avec une maîtrise déconcertante, vocalement au sommet de son art, elle est la diva, la Duse, la Sarah Bernhardt tout à la fois immense et fragile. A ses côtés, la mezzo-soprano italienne Federica Proietti (La principessa di Bouillon) est une rivale magistrale. Le geste contenu traduisant la noblesse de son rang, elle laisse le superbe timbre de sa voix exprimer le dépit de la maîtresse abandonnée comme son désir de vengeance. Le baryton argentin Victor Torres (Michonnet) sait admirablement réfréner son instrument pour dire sa tendresse à l'impossible amour qu'il porte à l'héroïne. Mais, quand survient le jeune ténor italien Nicola Rossi Giordano (Maurizio), la surprise est totale. Bel homme, à la prestance exagérément conquérante, il est irrésistible. Le parfait amant. On craint que l'allure physique soit un écran à la vocalité. Rien de cela. Vaillante, chargée d'harmonies, sa voix envahit le plateau. Il raconte son amour, il dit sa passion avec une générosité débordante justifiant largement la fulgurante carrière que le chanteur est en train d'accomplir. Non sans rappeler le célèbre Maurizio de Franco Corelli, démontrant une santé vocale peu commune et une étonnante maturité artistique, Nicola Rossi Giordano offrira sans faillir sa voix lumineuse jusqu'aux ultimes moments de l'opéra.

Et pourtant, décors et mise en scène n'étaient pas à la fête pour potentialiser cette production. En choisissant de montrer les protagonistes sur deux plans scéniques superposés et reliés par un escalier, Alain Garichot casse l'ambiance de certains des affrontements des protagonistes. Si, au premier acte, le décor montre bien l'envers des décors du théâtre où Adriana Lecouvreur triomphe, avec ses loges sous la scène, ce système scénique devient lourd dans les autres actes. Privé d'accessoires, certaines scènes manquent de réalisme. Comme à son habitude, Alain Garichot commence par bien raconter l'intrigue puis, peu à peu, se perd dans une symbolique douteuse. Ainsi, en faisant mourir Adriana Lecouvreur debout, le metteur en scène court vers la difficulté sans pour autant convaincre. Adriana s'affaissant dans un fauteuil aurait été plus simple et tout aussi saisissant, Manon Feubel habitant superbement son agonie.


Manon Feubel

Certainement déstabilisé par la mise en scène et les décors peu enthousiasmants, le public lausannois, habituellement généreux pour les productions de son opéra, est demeuré sur la réserve. Puis une fois dissipées les images d'un spectacle assez terne, les chanteurs furent ovationnés. La scène du Municipal aura rarement vu autant de rappels d'artistes.
 
 
 

Jacques Schmitt
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]