OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
24/03/2008


La Malibran Genaux
© DR




Cecilia Bartoli, mezzo-soprano
Vadim Repin, violon
Lang Lang, piano

I.
Gioacchino Rossini (1792-1868)
Beltà crudele

Vincenzo Bellini (1801-1835)
Malinconia, ninfa gentile
Vaga luna che inargenti

Gaetano Donizetti (1797-1848)
Me voglio fà ‘na casa

II.
Giuseppe Tartini (1692-1770)
Sonate “Le Trille du Diable”

III.
Pauline Viardot (1821-1910)
Havanaise
Haï Luli
Gioachhino Rossini (1792-1868)
Canzonetta spagnuola

IV.
Robert Schumann (1810-1856)
Widmung Opus 25 N°1
Transcription de Franz Liszt (1811-1886) S.566

V.
Giovanni Paisiello (1740-1816) / Niccolo Paganini (1782-1840)
Nel cor più non mi sento

VI.
Franz Liszt (1811-1886)
Liebestraum N°3, nocturne en La bémol Majeur

VII.
Charles de Bériot (1802-1870)
Il Sogno di Tartini
Pour Voix, Piano & Violon

Encore :
Gioacchino Rossini (1792-1868)
La Danza

Journée exceptionnelle en hommage à
Maria Malibran.
A l’occasion du bicentenaire de sa naissance, le 24 mars 2008.

Salle Pleyel, Paris
Lundi 24 mars 2008 à 11 heures

La Folle Journée Malibran, épisode I.

Lire également  :
Episode II (La Cenerentola)
Episode III (Gala du soir)

Les luxueux Antipasti della Signora Bartoli…


Pleyel plein comme un œuf… de Pâques dès 9 heures du matin (1), il est des grands messes pour lesquelles, on se lève volontiers. Une dernière pensée compatissante pour les dizaines de doux rêveurs, devant la billetterie, pour leur hypothétique espoir d’arracher un sésame indisponible et on s’engouffre dans Pleyel. On est fermement porté par une marée humaine qui s’impatiente depuis des semaines à l’idée de l’événement. En un instant, une fois assis, le public évacue ces ondes stressantes et palpables dues à l’attente. Derniers moments pour une ambiance sereine et concentrée. D’inévitables questions vous traversent l’esprit. Est elle en forme ? Comment va t’elle gérer l’inhumain ? Que nous réserve t’elle ? Quelles … Mais déjà, là voilà. Elle s’élance dans un superbe ensemble fuseau noir et blanc que nous ne lui connaissions pas encore. Délicieusement lacée dans le dos, elle est très en beauté et visiblement heureuse d’être là. La salle entière lui offre une vague d’énergie, Cecilia l’accepte, elle qui va tant et tout donner aujourd’hui.


 Cecilia Bartoli © DR

Un premier bouquet de mélodies italiennes nous démontre avant tout que la Signorina Bartoli n’a aucune réticence à chanter le matin. Dès la première phrase, émission, stabilité vocale et respiratoire sont en place. Cecilia appuie son art sur une technique superlative et adaptée à ses moyens. Ces premières notes rassurent sur ce que sera la qualité vocale de la journée. Cette qualité, Bartoli ne va pas s’en dépareiller de la journée. Il suffit donc de se laisser prendre par la main, et en bon disciple épicurien du Maestro Rossini, de jouir de toutes les saveurs proposées ou encore de s’émouvoir de tant de générosité et d’imagination. Au sein d’une Beltà crudele idéale de ligne, d’une Malinconia haletante, du dénuement d’une Vaga luna touchant à l’enfantin, la musicienne déploie une palette de couleurs, de contrastes et de nuances, rendant hommage aux artistes peintres, instrumentistes et autres littéraires qui fréquentaient avec assiduité ces Salons Musicaux… A propos de la capacité de Pleyel à accueillir l’ambiance feutrée et intimiste d’un tel salon, la réponse est affirmative. La force narrative et l’imaginaire de Cecilia en parfaite connivence avec le public, y parviennent sans aucune difficulté.


Lang Lang
© Deutsche Grammophon


D’emblée, rendons hommage à Lang Lang ! Le concert du matin doit énormément au prodige chinois de 25 ans. Non content de soutenir l’entièreté du programme prévu, il réussit l’exploit de passer en un instant de l’accompagnement d’une cantatrice à un violoniste puis, d’enchaîner ses pièces soli. Le jeune pianiste est tellement soucieux de plier son jeu aux nuances de Cecilia en effaçant sa belle personnalité devant son aînée, que ce premier exercice lui causera une émotion perceptible (Me voglio fà ‘na casa…).


Vadim Repin
© Deutsche Grammophon
 

Il traitera davantage d’égal à égal avec Vadim Repin remplaçant un Maxim Vengerov initialement prévu. Repin va se définir comme un invité de marque bien entendu, mais, faisant mouche davantage dans ses exercices de duo que dans les différentes pièces soli où il jouera la carte de la virtuosité ensorcelée. Il survole Le Trille du Diable de très haut techniquement. A titre personnel, nous préférons dans ce type de répertoire, une maturité peut être moindre mais davantage d’élans de jeune chien fou comme en laisse entendre un carnassier Nemanja Radulovic pour citer une dernière écoute. On salue avec respect le Tartini de Repin mais, il nous laisse justement à distance… respectueuse.

Après l’écho de son album An Italian Songbook, Cecilia Bartoli nous remémore les beautés de son Chant d’Amour avec tout l’esprit et le talent de Viardot pour une Havanaise et l’émotion d’un Haï Luli dans un français délicieusement daté et précieux. La Strega Bartoli connaissant par cœur les attentes des siens, elle endiable déjà par une autre de ses signatures dans sa Canzonetta rossinienne, déchaînant les tapages du public…

A titre personnel, belle émotion devant le «chant» de Lang Lang au sein de son Widmung. Contrastant parfaitement au sein d’un programme idéalement pensé… Avec cette transcription de Liszt, le pianiste chinois rend pleinement hommage à Rückert et Schumann, abandonnant «son âme et son cœur» au public conquis. Il réitère en pudeur et en beauté ombrée lors de son Liebestraum quelques instants plus tard.

Plus qu’une joute romantique, l’entrelacement des pièces de Paganini et Paisiello sur le thème et variations du Nel cor più non mi sento, donne lieu à un très heureux moment de connivence entre deux artistes. Repin montre alors l’espièglerie qui lui a fait défaut quelques instants plus tôt. Tout en assumant cabrioles, traits et pizzicati d’une difficulté laissant béat, il joue avec rouerie du sourire et pétille de l’œil avec sa comparse ne s’en laissant point trop compter.
Nous aurions apprécié davantage de pièces dans cet esprit. Naturellement, elles demandaient une disponibilité de répétitions dont ne disposaient sans doute pas nos trois solistes internationaux.

Très belle et rare apothéose avec Il Sogno di Tartini (2), ici attribué à de Bériot seul. Il est plus que vraisemblable que la Malibran se soit jointe au violoniste belge pour composer ce que l’on peut appeler une cantate. Pour le plaisir de conclure à trois, Bartoli offre cette rareté, ôtant si besoin était, toute frustration au public de ce seul matin musical.
Cette pièce pour Voix, Violon et Piano a été donnée la première fois à Bologne et date sans doute de 1834. Elle évoque avec esprit et humour, la nuit où justement le Diable inspira à Tartini, Le Trille du Diable précédemment donné par Repin. Fameux Trille dont de Bériot était le génial interprète…
Si le piano avoue sans complexe être un soutien aux deux personnalités de de Bériot et Malibran, le violon de Repin nous régale de ses diableries insidieuses tandis que les talents de conteuse de Bartoli nous tiennent en haleine avec le récit de cette effrayante visite nocturne…

Midi trente bien sonné, n’empêchera pas Cecilia d’offrir une dernière Danza à son public repu de musique, mais affamé de nourritures plus terrestres…
A tavola ! ...

Philippe PONTHIR



(1) Le programme de la Journée Malibran était établi comme suit :

9h : Projection de La Malibran, Film de Sacha Guitry (1943), 95 minutes avec Geori Boué, Sacha Guitry, Jean Cocteau.
11h : Concert, Le Salon Romantique de Maria Malibran
13h : Déjeuner, Menu Clin d’œil à Rossini au Café Pleyel
14h : Conférence , La Malibran, Icône romantique par Patrick Barbier
15h : Opéra en version de concert, La Cenerentola de Rossini avec Bartoli, Siragusa, Nikiteanu, Guo, Pratico, Polgar, Chausson, Orchestre et Chœur de l’Opéra de Zürich, Fischer.
20h45 : Concert de gala, Bartoli, Repin, Lang Lang, Orchestre Philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung.

On pouvait également ajouter la présence du Musée Mobile de la Bartoli avec sa collection privée d’effets de la Malibran, ainsi que plusieurs projections sur l’après midi, place de l’Hôtel de Ville, du dernier Dvd de Bartoli, reprenant le reportage bonus de l’édition de luxe du cd Maria Malibran ainsi que le dernier concert de Bartoli à Barcelone. Pour la petite histoire, mais cela illustre bien la générosité de Cecilia envers le public qui s’est mobilisé en masse pour cette journée très particulière, Bartoli tenait à rendre une petite visite surprise au public qui assistait au visionnage extérieur. L’après-midi parisien fut malheureusement entaché de très grosses averses de pluie. Il fallut toute la détermination de la maman de Cecilia pour l’en dissuader afin de mener à bien le gala du soir. Cecilia hésita jusqu’au dernier moment…

(2) Texte d’Il Sogno di Tartini :
Io credo ancor di udirlo, ancor lo veggo
accanto al letto mio stava posato
non è che un sogno eppur ripeter chieggo
l’ardito suon dell’arco indemoniato
silenzio amica gente
ciascun suo suono ho in mente

Signor si! così il diavolo esordì!
Per ascoltar io respirava appena
Mentre ei pingea quanto più alletta il core
Quell’incendio d’amor che desta pena
E quei tormenti onde s’allevia amore
Silenzio amica gente
Ogni suono suo ho in mente
Signor si!, così il diavolo proseguì
E poscia a un tratto il genio suo
Scotea la gloria a celebrar
De vincitor e dei suoi canti
La sublime idea
Deve infiammar, deve rapire i cuori
Silenzio amica gente
Ciascun suono suo ho in mente
Signor si! così il diavolo finì

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