C O N C E R T S
 
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VIENNE
10/12/2004

© DR
Récital Cecilia BARTOLI

Georg Friedrich Haendel

Ouverture de Rodrigo HWV 5

Apollo e Dafne HWV 122,
air de Dafne : "Felicissima quest'alma"

Il Trionfo del Tempo e del Disinganno HWV46a,
récitatif du Plaisir : "Questa è la reggia mia",
sonate et air "Un leggiadro giovinetto"

Concerto grosso op.3/1 HWV 312

Il Trionfo del Tempo e del Disinganno,
air du Plaisir : "Lascia la spina"
air du plaisir : "Come nembo che fugge col vento"

Concerto grosso op.3/2 HWV 313

Rinaldo HWV7a,
air d'Almirena : "Augelletti"
Almira HWV 1,
air d'Almira : "Geloso tormento"
Lotario HWV 26,
air d'Adelaide : "Scherza nel mar"

Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Cecilia Bartoli, mezzo soprano
Marc Minkowski

Konzerthaus, Vienne, 10 décembre 2004


Bartoli fait salle comble, comme d'habitude. On ajoute même des chaises sur scène puisque la taille de l'orchestre le permet.
La recette est éprouvée : commencer chaque partie par un fragment instrumental assez long, puis chanter les airs doux, lyriques ou introvertis et terminer par un air virtuose et bien brillant. Rien d'original, mais si la recette est servie par une telle soliste, un orchestre en état de grâce et un chef remarquable, de quoi se plaindrait-on? Cette soirée pourrait d'ailleurs s'intituler "dialogue pour voix et instruments".

Dès l'ouverture de Rodrigo nous apprécions les qualités individuelles des instrumentistes, en l'occurrence le premier violon. Dans l'air de Dafne, c'est la flûte qui répond à la voix sur un accompagnement très discret des cordes, laissant Cecilia Bartoli particulièrement exposée au début. Mais qu'on se rassure, la voix est bien là, projetée, avec ses graves soyeux et un trille sans faille. Dans la sonate précédant l'air d'Il Trionfo, le dialogue instrumental se diversifie : l'orgue, le violon solo puis le violoncelle sont rejoints par les deux hautbois, créant un vrai plaisir acoustique. Bartoli se fait espiègle dans son air "Un leggiadro giovinetto bel diletto desta in suono lusinghier".

Après le concerto grosso, la diva revient avec ce qu'il faut bien appeler un "tube": "Lascia la spina". Lors de la reprise du thème, Minkowski fait jouer ses musiciens pianissimo; Bartoli murmure; c'est à qui fera le plus de nuances pour que le son meurt; le public retient son souffle. La première partie se termine évidemment par un feu d'artifice, soit le morceau le plus étourdissant de la soirée : "Come nembo che fugge col vento". La voix virevolte, imitant le vent, mettant à l'épreuve une technique du souffle époustouflante. La reprise est ornée de variations diaboliques qui provoquent les applaudissements des auditeurs.

Après l'entracte, l'orchestre redéploie l'éventail de ses solistes (violons 1 et 2, puis violoncelles 1 et 2, hautbois) dans le deuxième concerto grosso, contemporain de celui donné en première partie. Pour l'air d'Almirena, les trois flûtistes sont à l'honneur, surtout la petite flûte venue sur le devant jouer avec la voix. C'est un bonheur d'imitation du chant et de la nature. L'air suivant d'Almira est plus élégiaque dans sa tonalité mineure; cette fois-ci le dialogue s'établit avec le son plus mélancolique du hautbois. Le programme officiel se termine par un air de bravoure : "Scherza nel mar" la technique de Cecilia Bartoli mais aussi des cordes extrêmement précises. Minkowski est connu pour les risques qu'il aime prendre en ce qui concerne les tempi très lents ou très rapides et les musiciens n'ont qu'à bien se tenir ! Ce qu'ils font à merveille.

Cecilia Bartoli ne partira qu'après de nombreux rappels et trois bis : un "Ombra mai fù" de Bononcini (moins abouti musicalement que celui de Haendel), un "Bel piacere" où la diva romaine s'amuse à tourner le dos au public et une reprise de "Lascia la spina". Dans ce dernier bis, musiciens et chanteuse vont oser encore des nuances infimes, le triple piano à la limite de l'audible. Pendant quelques secondes, le temps s'est arrêté.
 
 
 

Valéry FLEURQUIN
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