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PARIS
03/04/03

© Eric Mahoudeau
(Au premier plan, Paul Agnew)
Les Boréades

Opéra de Jean-Philippe RAMEAU

Alphise : Barbara Bonney
Abaris : Paul Agnew
Calisis : Toby Spence
Borilée: Stéphane Degout
Borée : Laurent Naouri
Adamas, Apollon : Nicolas Rivenq
Sémire : Anna-Maria Panzarella
Une nymphe : Jaël Azzaretti

Orchestre et choeur des Arts Florissants
Direction William Christie

Mise en scène : Robert Carsen
Décors et costumes : Michael Levine
Compagnie la la la human steps
Chorégraphie : Edouard Lock

Paris, Palais Garnier, 3 avril 2003


On croyait tout connaître de Robert Carsen. On murmurait que ses mises en scène se répétaient, on se disait blasé... et voici qu'il crée la surprise avec une production d'une totale originalité et d'une grande intelligence !

Pour ces Boréades, Il a imaginé un monde dans lequel les fils de Borée, princes sadiques et pervers, ainsi que leurs partisans, sont des êtres au physique interchangeable, tout de noir vêtus. Ces individus arrachent les fleurs et sont armés de parapluie, qui servent aussi bien à déclencher la tempête qu'à faire tomber les feuilles mortes ou se protéger des éléments.

Les sujets d'Abaris sont habillés tout en blanc, font l'amour dans les feuilles mortes et réparent les dégâts causés par la tempête avec des balais. Robert Carsen fait de leur souverain, interprété par Paul Agnew, un anti-héros craquant, conscient de ses faiblesses et habité par le doute, auquel seul l'amour d'Alphise donnera la force et le courage de s'opposer aux oppresseurs.

Ces oppositions noir/blanc, brutalité/doutes, cupidité/amour, aridité/fleurs, donnent lieu à des images d'une grande beauté, amplifiées par une direction d'acteurs toute en subtilité. Et la scène finale, dans laquelle le cruel Borée, converti au bien et équipé de blanc, protège de son parapluie le couple de héros s'embrassant parmi les fleurs sous une ondée bienfaisante, est particulièrement rafraîchissante.


© Eric Mahoudeau

Le seul reproche qu'on puisse adresser à cette mise en scène, c'est de compliquer l'histoire, de la rendre moins compréhensible à un public qui ne connaît pas forcément l'oeuvre. De plus, les options de Robert Carsen deviennent surtout lisibles à partir de la deuxième partie, c'est-à-dire l'acte III.

C'est un peu la même chose avec la chorégraphie. Pendant toute la première partie, on voit des danseuses musclées, cheveux serrés en chignons austères, vêtues de maillots de bain noir, qui font fortement penser à un groupe de nageuses est-allemandes occupées par une séance de body building sur un rythme différent de celui de la musique, et subitement, après l'entracte, tout se met en place, la chorégraphie (contemporaine, est-il besoin de le préciser) acquiert miraculeusement sens et harmonie.

La distribution vocale est presque à la hauteur de cette belle mise en scène. Presque, car on se demande vraiment ce que Barbara Bonney vient faire en Alphise. Elle-même a l'air de se le demander, d'ailleurs. Les vocalises sont savonnées, les aigus tirés, le timbre bizarrement étouffé. C'est une autre paire de manches avec la distribution masculine, carrément enthousiasmante.

Les fils de Borée, prétentieux autant que vicieux, sont interprétés par Stéphane Degout et Toby Spence, l'un comme l'autre dotés d'un beau timbre, d'une technique en béton et d'une diction parfaite. La vocalise de Toby Spence sur le mot "jouissons" alors qu'il effectue un strip-tease est un des moments de pur plaisir de la soirée. Leur cruel père n'a rien à leur envier, si ce n'est que dans les rôles de méchant, Laurent Naouri a tendance à perdre de vue le legato, quoi qu'il en soit, c'est du gaspillage de ne pouvoir faire appel à lui que dans le dernier acte.

Gardons le meilleur pour la fin avec un Paul Agnew en état de grâce, à qui Abaris convient spécialement bien. Le rôle est écrasant car il quitte peu la scène, il est ainsi l'unique soliste de tout l'acte IV et il fait merveille, tout particulièrement grâce à une science confondante de la voix mixte.

Au final, une excellente soirée, même si on a pu noter quelques couacs de la part des cors, et un léger manque d'allant de l'orchestre des Arts Florissants dans les danses rapides.
 
 

Catherine Scholler
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