OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
04/09/2007
 
Yvonne Naef
© DR


Hector BERLIOZ (1803-1869)

LA DAMNATION DE FAUST

Légende dramatique en quatre parties
Livret de Hector Berlioz et Almire Gandonnière


Faust, Marcello Giordani
Marguerite, Yvonne Naëf
Méphistophélès, José Van Dam
Patrick Carfizzi, Brander

Boston Symphony Orchestra
Tanglewood Festival Chorus
Maîtrise de Paris
James Levine, direction

Paris, Salle Pleyel, mardi 4 septembre 2007

Méphistophélès, Ange non déchu.


Donnée le 4 Septembre dernier pour l’ouverture de la saison de la salle Pleyel, La Damnation de Faust inaugure un cycle interprété par de grandes formations orchestrales américaines.

James Levine, directeur musical du Metropolitan Opera depuis 35 ans a dirigé à cette occasion le Boston Symphony Orchestra. Le chef américain, trop rare en France, empoigne la partition avec brio et panache, parfois aux dépens d’une certaine subtilité. La direction, clinquante par moments, témoigne à d’autres d’une grande intégrité artistique. La marche hongroise, notamment, est interprétée sans surcharge. De même, l’orchestre de Boston et son chef tissent un magnifique tapis orchestral lors d’un Songe de Faust proprement envoûtant et la Course à l’abîme est menée d’une main de fer avec un sens aigu du théâtre. Autre point à mettre au bénéfice du chef : son souci permanent de ne pas couvrir les chanteurs, pour mieux asseoir la présence de la formation dans les passages orchestraux, essentiels dans cette œuvre.

James Levine s’est entouré d’un trio vocal de belle facture.
Marcello Giordani endosse le rôle si difficile de Faust avec de très bonnes intentions et beaucoup de style. Malheureusement, la fatigue semble s’installer après l’entracte. En difficulté vocale dans l’aigu de la tessiture et plus particulièrement dans son duo avec Marguerite qu’il aborde en retrait, il ne peut éviter un léger accident sur le premier suraigu. De plus, la voix semble avoir beaucoup de difficultés à assumer des variations de dynamique et ne s’épanouir pleinement qu’au dessus du mezzo-forte.
Néanmoins, il réserve quelques beaux moments dont une Evocation à la Nature assurée de bout en bout avec vaillance et énergie, tandis que les demi-teintes de « Merci doux crépuscule » lui sont nettement moins aisées.

José Van Dam ne laisse pas de nous étonner.
Celui qui fut un, sinon le plus grand des Méphistophélès ces trente dernières années, incarne une figure diabolique de haute tenue. Après une entrée fracassante, ses graves, trop peu sonores, et ses aigus malheureusement émaciés dans la « Chanson de la Puce » et la Sérénade ne gâchent en rien une leçon d’interprétation. Et si c’est tout naturellement qu’il accuse, après quasiment un demi-siècle passé sur la scène lyrique, quelques problèmes de souffle dans le « Voici des roses », le charme diabolique, d’une ensorcelante délicatesse, opère encore. C’est qu’il faut saluer ici une incarnation majeure : le sens du mot, une connaissance parfaite du rôle, et des moyens que d’autres peuvent encore lui envier quand la partition ne met pas en relief ses points faibles actuels lui permettent de dessiner tour à tour un diable ironique, joueur, sinistre et terrifiant dans sa dernière confrontation avec Faust. Qui aujourd’hui, peut prétendre aborder le rôle avec cet art consommé de la diction et du texte ?

Yvonne Naef est la grande triomphatrice de la soirée. Cette immense artiste lyrique entendue récemment à Paris dans Brangäne et Didon fait preuve d’une grande classe vocale dans un rôle d’autant plus délicat qu’il repose essentiellement sur deux grands airs. Dès les premières notes d’ « Il était un roi de Thulé », il est difficile de ne pas tomber sous le charme du timbre de cette voix opulente et ronde, à l’émission facile, que vient servir un legato superbe, et dont certaines intonations peuvent rappeler Christa Ludwig. Moins à son aise dans « D’amour l’ardente flamme », notamment avec le tempo et des aigus plus délicats, elle n’incarne pas toujours le rôle à la perfection mais ses qualités vocales font naître une véritable émotion. Saluons au passage la qualité de l’accompagnement orchestral dans ses deux airs.

Patrick Carfizzi tire parti du rôle de Brander, trop souvent sacrifié, en déployant sa belle voix de basse, hélas à court de graves.

Bien que pléthorique, ce qui lui donne un volume sonore inhabituel et étourdissant, le chœur du festival de Tanglewood fait preuve d’un engagement sans faille, au point de devenir un protagoniste à part entière de la légende dramatique de Berlioz. Ses interventions, souvent menaçantes, cernent tour à tour Faust ou Marguerite, et électrisent la représentation.

Rentrée réussie donc pour la salle Pleyel mais mauvais point, une fois de plus, pour le public parisien, incapable de communier dans l’émotion et le silence que réclame pourtant ostensiblement le chef, en gardant sa baguette levée à la fin du magnifique chœur conclusif.

Richard CAP
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