OUVRE L'HUIS,
            MARIANO !
            La principale
            justification de ce n-ième Fidelio parisien, résidait dans
            la présence dans la fosse, de l'orchestre "of the Age of
            Enlightment", superbe lors de la récente Rodelinda.
            
            Notre "orchestre des Lumières" frise ici la panne d'éclairage.
            
            Certes, Soeur Simone (qui de l'amphi ressemble à Françoise de
            Panafieu) ne lui facilite pas la tâche: elle se contente d'agiter
            les bras et de donner les départs: plus exactement, de donner le départ
            de l'acte I et celui de l'acte II. Entre les deux, ça se débrouille
            (chacun pour soi, rendez-vous au point d'orgue), les décalages
            divers participant de l'ambiance bon enfant qui règne sur le
            plateau.
            
            L'honnêteté m'oblige à reconnaitre que nous entendons des détails
            d'orchestre totalement inédits: le problème, c'est qu'on s'en
            serait passé compte tenu de leur incongruité (de gentils piou-piou
            d'oiseau à la flûte alors que Leonore craint pour la mort de son
            époux !) Qui a dit que Donizetti n'était pas un fin orchestrateur
            ?
            
            Globalement, le rythme est vif et plein d'entrain: on ne s'ennuie
            pas.
            
            Mais ça ne peut justifier une avalanche de notes ratées comme on
            n'en avait pas entendues depuis les années d'apprentissage et de
            galères des formations d'instruments anciens (je me souviens qu'il
            y a 20 ans, des baroqueux me soutenaient que c'était normal de
            faire des couacs dans les cuivres, et que c'était comme ça qu'on
            en jouait à l'époque: heureusement, de grands progrès ont été
            faits depuis).
            
            Dans ces conditions, on regrette l'absence de l'ajout traditionnel
            de l'ouverture "Leonore III" au milieu de l'acte II: nul
            doute que nous aurions eu là, l'apothéose de la soirée !
            
            Les choeurs sont à l'unisson (si j'ose dire compte tenu de la
            bouillie générale): on les croirait sortis d'une reprise d'Andalousie
            à l'Alcazar de Rodez ("C'est la fête à Sévilleuuuu").
            
            La distribution est également de haute volée.
            
            Anne Schwanewilms ferait une excellente Barberine dans une reprise
            des "Noces" à Karlsruhe: son nom imprononçable l'oblige
            à se contenter d'une Leonore à Paris. C'est joli, c'est léger, ça
            se mange sans faim et c'est sans risque: avec une voix pareille, on
            peut faire sans problème des aigus et des vocalises qui restent périlleuses
            pour une Nilsson ou une Rysanek (horresco referens pour les
            baroqueux qui n'aiment pas qu'on leur écorche les oreilles avec des
            vraies voix de diva !). Bref, ça n'a aucun intérêt ! On continue
            dans l'opérette avec le Pizzaro de Steven Page, transformé en
            barbon aphone: les Enzo Dara ont visiblement une seconde carrière
            toute indiquée dans ce répertoire. Si Toby Spence en Jaquino et
            Lisa Milne en Marzelinne sont charmants, on jettera un voile pudique
            sur l'insuffisant Rocco de Reinhard Hagen. Attendant beaucoup de ce
            chanteur, j'étais tout de même resté au second acte pour le
            Florestan de Kim Begley: malheureusement, les difficultés du rôle
            dépassent largement les capacités techniques de cet artiste (c'est
            plutôt Kim Beuglait-dans-les-oreilles) et physiquement, c'est
            Robert Hue en stali-nain de jardin ! Pour corser le tout, la mise en
            scène de Deborah Warner accumule les incongruïtés (Ah! La
            bataille de boules de neige finale, alors que 5 minutes avant les
            prisonniers sortaient pour profiter du soleil: y a plus de saisons
            !)
            
            Bref, une grande soirée !
            
            Il parait que des gens paient des fortunes pour voir de tels
            spectacles à Glyndebourne. Moralité: Lopez, y a que ça qui compte
            dans la vie !
            Placido Carrerotti
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            lire également l'avis de Bertrand Bouffartigue -