C O N C E R T S
 
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STRASBOURG
23/12/2006
 
© Alain Kaiser
Jacques Offenbach (1819-1880)

La Belle Hélène

Opéra-bouffe en trois actes
Sur un livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy (1864)

Direction musicale : Claude Schnitzler

Mise en scène : Mariame Clément
Décors et costumes : Julia Hansen
Lumières : Hervé Audibert
Vidéo : fettFilm (Momme Hinrichs et Torge Møller)

Orchestre symphonique de Mulhouse
Chœurs de l’Opéra national du Rhin (dir. Michel Capperon)


Hélène : Stéphanie d’Oustrac
Pâris : Yann Beuron
Ménélas : Rodolphe Briand
Calchas : Franck Leguérinel
Agamemnon : René Schirrer
Oreste : Blandine Staskiewicz
Achille : Olivier Dumait
Ajax I : Roger Padullés
Ajax II : Carlos Aguirre
Bacchis : Agnieszka Slawinska
Léœna : Elena Bakanova
Parthœnis : Mayuko Yasuda

Strasbourg, Samedi 23 décembre 2006

Si les récents Troyens montés par l’Opéra national du Rhin avaient pu diviser les spectateurs, force est de constater que cette nouvelle production de La Belle Hélène emporte tous les suffrages. Le mérite principal en revient à Mariame Clément, qui signe là une mise en scène fine et drôle, à l’humour décalé et toujours fin, mais aussi à l’équipe de chanteurs réunis pour l’occasion, aussi bons acteurs (pour l’essentiel) qu’excellents chanteurs.

L’idée de Mariame Clément peut surprendre : comment transposer le monde des dieux de la Grèce dans celui du cinéma de l’Entre-deux-guerres ? Pari risqué, et totalement réussi : les décors ingénieux (un plateau tournant permettant de changer de décor avec plus de rapidité encore que s’il s’agissait d’un changement de studio !), les costumes dignes de Sunset Boulevard, et une utilisation de la vidéo qui, pour une fois, ne se contente pas de paraphraser l’action scénique, mais la nourrit en permanence…


© Alain Kaiser

Dans cette Ménélas production, le réalisateur Calchas est un peu en panne d’inspiration. Ce qui n’est pas le cas de Franck Leguérinel, qui offre ici une de ses incarnations les plus drôles. Acteur phénoménal, il habite le personnage que Mariame Clément semble lui avoir taillé sur mesure. On regrette qu’Offenbach ne lui ait pas offert davantage de musique… À ses côtés, l’Agamemnon de René Schirrer et le Ménélas de Rodolphe Briand font un couple scénique hilarant, le premier déployant une sagesse désabusée, mais toujours très opportuniste, le second ne tombant pas dans la facile caricature du mari trompé. Vocalement, le duo est à la hauteur des prestations scéniques, voix faciles et claironnantes – vraie jouvence dans un monde où l’opérette est trop souvent sous-distribuée. Oreste (Blandine Staskiewicz) et Achille (Olivier Dumait) profitent d’une excellente direction d’acteur, et évitent les habituels écueils du rôle pour n’en garder que la saveur. Mention bien aux Jeunes Voix du Rhin, fort sollicitée dans cette production (les deux Ajax, un rien guindés, et à l’élocution malheureusement assez approximative, et Bacchis, Parthénis et Léœna, formidables de présence et de vie) et aux Chœurs, qui semblent s’amuser autant nous dans cette mise en scène.


© Alain Kaiser

Last but not least, le duo Pâris-Hélène est sans doute celui qui gagne le plus à cette transposition. Stéphanie d’Oustrac campe une star du muet à se damner : sa plastique confondante, mi Garbo mi Edwige Feuillère, n’y est certes pas pour rien (sublimée par les robes de Julia Hansen), mais c’est son côté chipie chic qui saisit le plus le spectateur, personnage mi ange mi démon, à la fois enfant et croqueuse d’hommes, divine boudeuse qui sait l’art de ne pas aller trop loin. On comprend que son Pâris s’enflamme : sans doute a-t-on entendu Yann Beuron dans de meilleurs jours, vocalement parlant (ses aigus, ce samedi soir, n’étaient pas aussi faciles et lumineux qu’à l’ordinaire – qu’importe !) ; mais on ne lui connaît pas de meilleure performance d’acteur. Jouant le beau gosse à peine supportable, il s’attendrit dans une berceuse à tomber de beauté : la ligne, la chaleur du timbre, son moelleux… Ce régal pour les yeux et pour les oreilles culmine lors de la scène finale, quand il se lance dans ses yodles insensés, s’amusant à laisser sa voix se briser pour mieux faire sentir la sensualité à fleur de chair du personnage… Du très grand art.


© Alain Kaiser

Merci à Claude Schnitzler, qui survolte un Orchestre symphonique de Mulhouse dans ses très bons jours. Dieu sait pourtant combien cette musique, si facile d’apparence, réserve de pièges – de couleurs essentiellement (Offenbach n’étant pas toujours le merveilleux orchestrateur que ses thuriféraires veulent bien dire), mais surtout de style. Schnitzler, aujourd’hui familier des plus grands orchestres (il va diriger au Staatsoper de Vienne La Bohème et Lucia !) a su insuffler à tout ce beau monde l’esprit pétillant et pourtant si rigoureux qui fait de cette pochade l’un des sommets de l’opérette française.


Hélène Mante



Prochaines représentations :

STRASBOURG
28 décembre 20 h / 30 décembre 20 h / 2 janvier 20 h / 3 janvier 20 h
MULHOUSE
Théâtre de la Sinne - 21 janvier 15 h / 23 janvier 20 h / 25 janvier 20 h
COLMAR
Théâtre Municipal - 12 janvier 20 h / 14 janvier 15 h


Renseignements : www.operanationaldurhin.com
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