C O N C E R T S 
 
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AIX-EN-PROVENCE
16/07/05
© Elizabeth Carecchio
Philippe BOESMANS

JULIE

Livret en un acte de Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger 
D'après une pièce d'August Strindberg

Direction musicale : Kazushi Ono
Mise en scène : Luc Bondy
Décors : Richard Peduzzi
Costumes : Rudy Sabounghi
Lumières : Dominique Bruguière

Julie : Malena Ernmann
Jean : Gary Magee
Kristin : Kerstin Avemo

Orchestre de Chambre de la Monnaie

Festival d'Aix-en-Provence, le 16 juillet 2005

On ne sait trop pour quelles raisons, lorsqu'ils ont reçu commande d'une nouvelle oeuvre, le compositeur belge Philippe Boesmans et le metteur en scène suisse Luc Bondy ont choisi ensemble de se pencher sur la pièce de Strindberg, Mademoiselle Julie, et d'en faire un opéra.

Le livret est plutôt mince : Julie, jeune aristocrate dans un domaine isolé, décide, par dépit, pour se désennuyer un peu, l'alcool aidant, de séduire Jean, son majordome. Elle y parvient sans peine, l'affaire est consommée quasiment sous les yeux de la femme de chambre Kristin, qui est aussi la fiancée de Jean, figure de vertu face au couple décadent. Julie réalise bien vite que cette histoire n'a pas plus de sens que d'issue, que Jean est moins épris qu'intéressé, et après avoir envisagé la fuite, elle choisit la mort, suggérée d'ailleurs par Jean lui-même.

Lorsque Strindberg livra sa pièce en 1888, elle dégageait un sulfureux parfum de scandale parfaitement compréhensible pour l'époque, mais qui ne fait plus guère recette aujourd'hui. Cette histoire est trop mince, trop univoque pour faire un bon livret d'opéra, et c'est le principal reproche qu'on fera à l'oeuvre de Boesmans ; sur le plan musical, on retrouve ici ce qu'on avait déjà pu apprécier dans ses oeuvres précédentes, une grande richesse d'écriture, une attention délicate accordée aux timbres orchestraux, en particulier dans les vents, un discours éclaté. La partition est cependant moins lyrique que n'était l'opéra précédent de Boesmans, Wintermärchen, moins intense, moins ambitieuse, presque sans poésie. Dépassant à peine une heure, Julie est une oeuvre décidément mince.


© Elizabeth Carecchio

Sur le plan de l'interprétation, soulignons le travail remarquable de précision et d'engagement du chef Kazushi Ono, qui, à la tête d'un ensemble restreint, réussit une mosaïque de timbres et de couleurs de grande qualité. La mise en scène de Bondy place l'action dans la cuisine du château, insiste sur quelques piteuses images de déchéance, qui ne font pas un beau spectacle mais servent le propos ; l'ensemble de la pièce est traité avec réalisme mais on a connu Bondy plus inspiré, plus onirique.

Les trois interprètes que nous avons entendus (il y a deux distributions) remplissent remarquablement leurs rôles : le mezzo-soprano Malena Ernman, quintessence de blonde suédoise longiligne, impressionne par son physique autant que par sa voix, par son engagement aussi. À ses côtés, Garry Magee campe un Jean cynique et déplaisant mais efficace, avec cependant quelques imprécisions dans l'intonation qui nuisent à la qualité des ensembles vocaux. La Kristin de Kerstin Avemo, jeune soprano également suédoise, sans conteste le personnage le plus poétique et le plus subtil de la pièce, est remarquable de justesse et de détachement.
 
 

Claude JOTTRAND

Jusqu'au 22 juillet 2005 au Théâtre du Jeu de Paume.

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