OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
29/04/2008


Les Paladins
© DR


Marin Marais
Alcide (acte III)

Henry Purcell
Didon & Enée (acte II et acte II, scène 1)

André-Ernest-Modeste Grétry
La Fausse Magie (aacte II)



Magali léger (soprano),
Anna-maria Panzarella (soprano),
Stéphanie Revidat (soprano),
James Oxley (ténor),
Alain Buet (baryton)

Les Cris de Paris (Geoffroy Jourdain, chef de chœur)
Les Paladins, direction Jérôme Corréas

Mardi 29 avril 28
Cité de la Musique, Paris
dans le cadre du cycle "Messes noires"

Un noir décafeïné


Pour ce cycle "Messes Noires", les Paladins ont choisi un florilège de passages infernaux. Le triptyque s'articule autour de larges extraits d'œuvres très différentes : une tragédie lyrique, le seul opéra de Purcell, et une sorte de singspiel comique de Grétry.

La soirée a été assez inégale. L'Alcide de Marin Marais et Louis Lully (le fils du Surintendant a honteusement été oublié même si les musicologues se doutent bien que les passages les plus remarquables de la tragédie ne sont pas dus à sa plume) n'est pas nouvelle pour les Paladins qui l'avaient interprété dans son intégralité lors des Grandes Journées Marin Marais à Versailles en 2006. Si l'orchestre maîtrise à merveille ce son à la française caractérisé par ses cinq parties et ses harmonies de bois et de cordes, Magali Léger a déçu en Thestilis. En dépit d'une belle projection, la diction était brouillonne (les surtitres bien utiles), le timbre plat et parfois instable, les aigus acides. La soprano s'est cependant montrée sous un meilleur jour chez Purcell. Anna-Maria Panzarella a dominé le plateau vocal pendant toute la soirée avec un chant dramatique, investi, d'une extrême vitalité. La voix est claire et perlée, les articulations et les nuances superbement choisies, les ornements impeccables. On retiendra surtout de cette première partie le chœur "Divinités des sombres bords, secondez nos efforts" franchement effrayant grâce aux interventions bien calibrées des Cris de Paris, aussi compacts que précis.

Didon & Enée a représenté une autre paire de manches. Cette fois, les solistes et le chœur étaient en forme (petit bémol pour un James Oxley époumoné) mais c'est l'esthétique sonore elle-même qui était sujette à débat. En effet, rarement Purcell aura sonné aussi lullyste, l'orchestre conservant quasiment les mêmes effectifs, et le chœur bien fourni dépassant largement les ressources des pensionnaires de Chelsea ou des solistes de la cour d'Angleterre. Le résultat était intéressant mais il faut bien avouer que cette pâte ample et pompeuse modifiait considérablement l'écriture ciselée de la partition.

Enfin, nous avons gardé le meilleur pour la fin. La Fausse Magie de Grétry, cerise sur le gâteau, chocolat noir accompagnant le café, lanternon du dôme de l'Institut. L'œuvre est sans prétention et prête à un sourire condescendant : une humble comédie en deux actes avec des passages chantés. Elle connut même un échec cuisant lors de sa première à la Comédie Italienne en 1775 à Paris. Pourtant, les interprètes s'en donnent à cœur joie, cabotinant à qui mieux mieux, et le public les forcera à en rejouer le final grâce à ses rappels nourris. La recette du succès ? Un livret très bien dosé, et une écriture au confluent de plusieurs styles : l'air "comme un éclair" (oui, le livret est volontairement idiot), composé dans le style classique du temps, très mélodique, surorné de cadences et coloratures n'aurait pas déparé un opera seria de Jomelli, Hasse, Graun ou Traetta. D'autres passages rappellent les opéras comiques de Soler voire les œuvrettes de jeunesse mozartiennes. Un chœur de démons s'inspire des œuvres religieuses par son contrepoint sérieux et ses passages en imitations. Quand les Cris de Paris, pince-sans-rire, chantent ainsi avec gravité "O Grand Albert / Descend des Sept Planètes / Mathieu Landsberg / Prête-nous tes lunettes", la salle pouffe de rire et tente vainement de se contenir. Enfin, le final renoue avec les ariettes françaises dans un happy end pastoral prévu pour être siffloté par les auditeurs en sortant du concert… et cela fonctionne toujours deux siècles plus tard.


Viet-Linh NGUYEN
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