C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
PARIS
27/09/06
© DR
Francis LOPEZ (1916 – 1995)

LE CHANTEUR DE MEXICO

Opérette à grand spectacle en deux actes et vingt tableaux (1951)
Livret de Félix Gandera et Raymond Vincy
Actualisation du livret : Agathe Mélinand

Mise en scène : Emilio Sagi
Décors : Daniel Bianco
Costumes : Renata Schussheim
Chorégraphie : Nuria Castejon

Vincent : Mathieu Abelli
Eva / Tornada : Rossy de Palma
Cricri : Clotilde Courau
Bilou : Franck Leguérinel
Cartoni :Jean Benguigui

Ballet et chœur du Théâtre du Châtelet
Orchestre philharmonique de Radio France
Direction musicale : Fayçal Karoui

Théâtre du Châtelet, Paris, le 27 septembre 2006, 20h


(Zéro)
Pas chic, chic, chic mais aie, aie aie !


Jean-Luc Choplin, le nouveau directeur du Théâtre du Châtelet, inaugure son ère par un joli coup médiatique : raviver en son temple la flamme de l’opérette à grand spectacle. Portée par la « Mariano renaissance », l’idée ne se révèle pas plus bête qu’une autre. Au départ, elle prend même des allures de véritable coup de poker car c’est Roberto Alagna, lui-même, qui doit coiffer le sombrero. Hélas, la machine s’enraye ; le ténorissimo français abandonne le projet. Quand le vin est tiré, il faut le boire. Oui, mais avec qui ? A défaut d’un chanteur de Mexico, il y en aura deux. Ismael Jordi, d’une part, applaudi l’année dernière à Bordeaux dans Le barbier de Seville et un illustre inconnu, Mathieu Abelli, 26 ans à peine, dont le CV demande encore à se muscler. Normal, à son âge… Malheureusement, sa carrière n’est pas la seule à manquer d’étoffe ; la voix s’avère tout aussi mince. Dépassée par la taille de la salle, elle ne parvient pas, dès que le volume monte, à franchir l’orchestre. Le timbre séduit d’abord puis lasse vite. La musique de Francis Lopez demande un registre de velours pour vraiment caresser. Il faut pour compenser la pauvreté de l’harmonie que le son chatoie. Il faut pour débarrasser le propos de sa mièvrerie que le biceps tende légèrement le tissu. La mélodie ne dévoile ses charmes qu’à ces conditions. Restent l’allure, élancée, et l’aigu, crâne. Hélas encore, la fameuse note qui couronne chaque air, marque de fabrique de Luis Mariano, se laisse couvrir par l’orchestre et les chœurs.

A la décharge du jeune ténor, le problème de sonorisation entache l’ensemble du spectacle. Les dialogues sont la plupart du temps incompréhensibles, à un point tel qu’il faut rapidement renoncer à suivre l’intrigue. Est-ce grave ? Non, sans doute, tant le livret frise l’indigence. Quitte à l’actualiser, Agathe Mélinand aurait pu lui donner un semblant d’intelligence.

La mise en scène d’ Emilio Sagi ne vient pas plus au secours de la pièce. Plutôt que délier la sauce, elle fige le mouvement en livrant les comédiens à eux-mêmes. Seuls les vrais chanteurs tirent alors leur épingle du jeu. Franck Leguérinel, à rebours du scénario, prend la vedette, vocalement autant que physiquement. Temps modernes obligent, Bilou a beau finir par virer sa cuti ; il aura rarement paru aussi viril et imposant. A son côté, les autres personnages peinent à exister. Clotilde Coureau s’inspire d’Annie Cordy et dessine une Cricri portée vers la gouaille quand elle devrait plutôt user de son beau regard mélancolique. Le fort accent de Rossy de Palma la rend encore plus étrangère à l’histoire. Il ne lui reste que la dégaine, au bord de la crise de nerf, et le profil, imparable. Jean Benguigui, le barbon de la farce, semble s’ennuyer au point d’oublier d’être drôle.
 
A défaut de l’oreille, l’œil pourrait être de la fête. Et bien non ! Hormis le tableau, délicieusement kitch de Mexico, les décors apparaissent bizarrement tristes. L’affiche de Pierre et Gilles, placardée dans tout Paris, promettait une explosion de couleurs zinzolines ; la plupart des séquences se déroulent dans le cadre austère de la coulisse. La chorégraphie, elle-même, se montre bien sage. 

Et pourtant, nostalgie quand tu nous tiens… Le public frappe dans ses mains et, emporté par l’énergie du chef d’orchestre, Fayçal Karoui, reprend en chœur la tyrolienne de Mexico. Mais, tous ne succombent pas. Ma voisine, qui a applaudi en son temps Luis Mariano sur cette même scène, s’exclame désolée : « les décors, les danses, les voix, y’a pas de comparaison !». Sans posséder une telle expérience, c’est bien ce qu’il nous avait semblé !

 
Christophe Rizoud
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]