C O N C E R T S 
 
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MONTREAL
20/09/03
© Opéra de Montréal
Le Nozze di Figaro

Opéra en quatre actes de Wolfgang Amadeus Mozart

Livret de Lorenzo Da Ponte
D'après Pierre Augustin Caron de Beaumarchais
 

Figaro : Robert Gierlach
La Contessa Almaviva : Wendy Nielsen
Il Conte Almaviva : Russell Braun
Susanna : Karen Driscoll
Bartolo : Daniel Lichti
Cherubino : Michèle Losier
Marcellina : Mario Pratnicki
Basilio/Don Curzio : Hugues Saint-Gelais
Barbarina : Julie Bouliane
Antonio : Sébastien Ouellet
Orchestre Métropolitain du Grand Montréal
Choeur de l'Opéra de Montréal
Direction : James Meena

Mise en scène : Bernard Uzan
Décors : Allen Charles Klein
Costumes : Allen Charles Klein et Malabar
Éclairages : Donald Edmund Thomas
Chorégraphie : Dorothéa Ventura

Montréal , le 20 Septembre 2003


Jusqu'à présent, l'Opéra de Montréal a toujours monté Le Nozze di Figaro de façon routinière et généralement dans une scénographie qui manquait d'imagination. On se demandait donc si cette nouvelle production allait être à la hauteur du génie de Mozart et surtout, si nos attentes en matière de chant allaient être comblées. Sur presque toute la ligne et malgré quelques faiblesses, ce fut une belle réalisation. 

Pour ses adieux à l'Opéra de Montréal, Bernard Uzan livre une mise en scène très stylisée, fidèle à l'oeuvre de Beaumarchais et en même temps sensible aux moindres inflexions de la musique de Mozart. Nous avons là un plateau qui bouge continuellement, sans un temps d'arrêt, même quand les airs le commanderaient. Les jeux de scènes sont nombreux et variés et, d'entrée de jeu, les situations comiques prennent le dessus. Cette attention se maintient tout au long de la soirée grâce à un théâtre parfaitement rodé et articulé ; c'est sans doute ce qui en fait une des meilleures productions de l'Opéra de Montréal depuis les dix dernières années.

Les décors respectent l'esprit de l'oeuvre. Deux colonnes de chaque côté de la scène. L'une porte une guillotine à son sommet, l'autre les insignes de la monarchie française. De grands panneaux placés à l'arrière sur lesquels sont inscrites la Déclaration d'indépendance de 1776 et la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. L'époque se prête volontiers à la contestation et les symboles sont là pour le rappeler. Toute la scénographie invite d'ailleurs à la réflexion, et loin de nuire à la pensée de l'ouvrage, elle en fait, au contraire, ressortir les aspects dramatiques. Des accessoires, que des figurants en costumes d'époque changent ou déplacent régulièrement, accentuent l'impression globale de mouvement et dynamisent la production.
 
La même animation se retrouve à l'orchestre et dans la direction contrastée de James Meena qui donne un élan irrésistible à ces Noces, véritable monument de tendresse et d'infinies beautés. Lorsqu'on réussit à traduire avec une telle finesse les divers sentiments qui courent dans la partition, c'est qu'on accorde beaucoup d'attention à la psychologie des personnages, un des aspects fondamentaux de l'opéra. On a noté quelques fautes chez les cors, mais rien de bien dérangeant pour l'oreille. 


© Opéra de Montréal

Sur le plan vocal, Russell Braun domine la distribution, incarnant avec panache un comte tour à tour arrogant, tendre, passionné. Son baryton, magnifique, se plie avec aisance aux nuances du rôle : il nous montre un homme envahi par la passion et qui prend vite des allures de personnage frustré. Mais quelle tendresse lorsqu'il exprime le remord : le "Contessa perdonno" de la fin de l'opéra devient un frémissement, un éblouissement d'amour. Doté du physique de l'emploi, son implication dramatique est totale. 

La comtesse de Wendy Nielsen est loin d'être aussi convaincante, vocalement et scéniquement. Sa voix un peu acide est affligée d'un large vibrato qui agace et, chez Mozart en particulier, ne pardonne pas. De plus, elle ne prend pas les attitudes d'une figure de son rang. C'est le maillon faible de la distribution.

En Figaro, Robert Gierlach est splendide de voix et de jeu. Une voix qui porte bien, même si elle n'est pas très puissante, un jeu qui se caractérise par une présence scénique toujours naturelle et d'un comique irrésistible. Karen Driscoll campe une Susanna valable, mais la voix est frêle et plus le spectacle avance, plus elle se fait stridente.

Michèle Losier a tous les atouts pour devenir un Cherubino de grande classe. Le timbre est superbe et l'émission vocale généreuse. On remarque à peine ici et là un léger manque de souplesse qui n'affecte en rien l'excellence de sa prestation. Les rôles secondaires sont tenus de façon exemplaire. On note en particulier la Marcellina de Marion Pratnicki, drôle à souhait. Les interventions des choristes sont tout à fait remarquables. 

Cette production apporte à l'Opéra de Montréal un souffle de fraîcheur dont il a bien besoin pour retrouver un peu de son éclat et retenir les abonnés qui se plaignent de la faiblesse de certaines distributions. À cet égard, cette vingt-quatrième saison débute sur le bon pied ; encore quelques aménagements et à l'avenir, le public pourra apprécier pleinement les qualités de la troupe.
 
 
 

Réal BOUCHER
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