C O N C E R T S
 
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PARIS
29/03/2004

(Chantal Perraud)
© Alain Monot
Giuseppe VERDI (1813-1901)

L'Occasione fa il ladro

Farce en musique en un acte (1812)

Musique de Gioachino ROSSINI (1792-1868)

Livret de Luigi Prividali

Scénographie : Dan Jemmett, Denis Tisseraud
Costumes : Sylvie Martin-Hyszka
Lumières : Arnaud Jung

Chantal Perraud, soprano : Bérénice
Benoît Benichou, ténor : Comte Alberto
Eric Trémolières, ténor : Don Eusebio
Jacques Catalayud, baryton : Don Parmenione
Chantal Santon, soprano : Ernestina
Jean-Claude Sarragosse, basse : Martino

Jean-Christophe Spinosi, direction musicale 
Dan Jemmett, mise en scène

Ensemble Matheus

Paris, Théâtre des Champs-Élysées
Lundi 29 mars 2004, 19h30



La bonne occase

Rossini a 20 ans. Son génie mélodique semble inépuisable. Son énergie est formidable. En cette année 1812, il ne compose pas moins de 5 opéras ! Parmi eux, L'occasione fa il ladro. Il s'agit d'une farce musicale, genre mineur dérivé de l'intermezzo du XVIIIème siècle. Un acte, un orchestre réduit, de 5 à 6 personnages, notre jeune compositeur y trouve l'occasion de fourbir ses armes. Les cordes frémissent déjà, les bois tourbillonnent, les voix s'entremêlent joyeusement, le crescendo emporte le morceau. Une année après surviendra Tancredi. L'Europe est prête à s'enflammer.

Le livret n'est pas le point fort de la pièce. Il provient d'une des premières comédies d'Eugène Scribe et raconte l'imbroglio amoureux que provoque un échange de valises. Pour mettre un peu de Tabasco dans l'histoire, Dan Jemmet, le metteur en scène, a choisi de transporter l'action de Naples au Far West. Les costumes semblent provenir d'un album de Lucky Luke ou d'un épisode des Mystères de l'Ouest. On retrouve d'ailleurs le wagon de James West au centre de la scène avec ses portes qui claquent comme dans le meilleur des vaudevilles. Plantation de cactus, lancer de lasso, simulation d'une chevauchée effrénée participent au dépaysement. Le sens de cette transposition reste inexpliqué. Une manière de se mettre au diapason de la fantaisie rossinienne, peut-être... Heureusement, la pièce en sort indemne, ni plus drôle, ni moins car, comme toujours chez Rossini, le ressort comique se trouve avant tout dans la musique. Il est difficile de lui voler la vedette.

La musique, justement, est tenue de main de maître par Jean-Christophe Spinosi et son Ensemble Matheus. Souvenez-vous, leur Orlando Furioso de Vivaldi en octobre dernier sur la même scène fut une révélation. Le chef d'orchestre, Marie-Nicole Lemieux à sa droite, Philippe Jarrousky à sa gauche, ressuscitait la partition en nous prouvant qu'il y avait un après Marylin Horne (1). Il est ce soir un cran en dessous. Obligatoirement. On ne peut pas toujours flirter avec les cimes. Quelques décalages, quelques dissonances inattendues dans ce répertoire sont péchés véniels en regard de l'énergie qui se dégage de la fosse. Car l'orchestre jubile. A 20 ans, Rossini n'en demande pas plus.

(Benoît Bénichou -  Jacques Catalayud)
© Alain Monot

Les jeunes chanteurs français qui composent le plateau seront-ils les grands interprètes belcantistes de demain ? Je n'en mettrai pas mon clavier au feu. Mais la distribution est homogène. Enthousiaste aussi. Leur plaisir de jouer, de chanter est communicatif. Benoît Benichou emporte la palme. La voix est plus que légère mais élégante, agile avec une grande aisance dans le registre aigu. Son comte Alberto ne fréquente pas assidûment les salles de musculation mais sa fragilité fait son charme et appartient finalement au personnage. Son coeur bat pour la Bérénice de Chantal Perraud. L'amour serait-t-il sourd, lui qui est déjà aveugle ? Car le timbre de la soprano manque cruellement de séduction. Les écueils de la partition sont toutefois courageusement affrontés et surmontés. Reste une héroïne plus proche de la mégère que de l'amoureuse. Le chant fruste de Jacques Catalayud rend Don Parmenione trop plébéien. L'homme est un aventurier certes, mais avec du panache. Il se doit d'appartenir à la famille d'un Dandini (2) ou d'un Figaro (3) même, dont la finesse n'est pas à démontrer. La filiation n'est pas ici évidente. Chantal Santon, Jean-Claude Saragosse, Eric Tremolières leur donnent honorablement la réplique avec, pour ce dernier, un accent "alla francese" que ne renierait pas Don Profondo au 2ème acte d'Il Viaggio a Reims. Heureusement, les défauts de chacun disparaissent lorsque les voix se confondent dans ces merveilleux duos, trios, quintette qui font tout le prix de la partition.

Au tomber de rideau, les chanteurs viennent saluer ensemble, démontrant, s'il était encore nécessaire, l'esprit d'équipe qui porte le spectacle. Le public applaudit sans retenue, car "l'occasione" était plutôt bonne. Pour ceux qui voudraient en juger par eux-mêmes, une retransmission sur France Musiques est prévue le 30 juin prochain.
 
 
 

Christophe RIZOUD
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(1) Erato, 1977, direction Claudio Scimone avec aussi Victoria De Los Angeles, Lucia Valentini-Terrani, Sesto Bruscantini.
(2) La Cenerentola
(3) Il barbiere di Seviglia
 

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