C O N C E R T S 
 
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PRAGUE
26 & 27/03/05
Marina Domashenko (Carmen)
© DR
DON GIOVANNI
W.A. MOZART
26 mars 2005, 14h

LA TRAVIATA
Giuseppe VERDI
26 mars 2005, 19h

IL TROVATORE
Giuseppe VERDI
27 mars 2005, 14h

CARMEN
Georges BIZET
27 mars, 20h

LES SURPRISES DE PRAGUE

Prague, ainsi que Vienne, a la réputation d'être une capitale mélomane. Des concerts - visant plutôt les touristes - se multiplient dans bien des églises. Prague possède en outre deux belles salles de concert : la maison municipale et le Rudolfinum. Il est remarquable qu'une ville de cette dimension offre presque toute l'année une saison lyrique dans trois théâtres en simultané. Il est vrai que certains de ces théâtres font relâche ou proposent de temps à autre un ballet ou du théâtre parlé, mais le touriste peut voir en 36 heures quatre spectacles lyriques différents !

Tout mélomane ira faire un pèlerinage au Stavovské Divadlo, où Mozart dirigea la première de son Don Giovanni. Ce théâtre est une vraie bonbonnière, de petites proportions. La fosse peut accueillir un orchestre aux effectifs réduits. Le Don Giovanni se joue à intervalle régulier devant un public étranger, dans une production très classique de 1969. Le niveau de l'orchestre et des choeurs est très moyen et la direction de Z. Müller correcte, sans plus. La troupe entendue en matinée ne se hisse pas à des sommets. Sort du lot le Don Giovanni de Martin Barta. Les moyens de Helena Kaupova dans Anna et Jitka Sobehartova dans Elvira sont modestes. Le Leporello et la Zerlina sont convenables et le Don Ottavio de Tomas Cerny présente une bonne technique de souffle dans son air du 2e acte. En revanche, le commandeur et le Masetto font entendre des timbre trop ingrats. Il faut bien avouer que ce genre de représentation ressortit plus à l'offre touristique que musicale... mais le cadre est très agréable.

En soirée, le Statni Opera propose une Traviata devant une salle pleine et une fois de plus majoritairement étrangère. Ce théâtre est plus grand ; sa façade néoclassique cache un intérieur doté d'éléments rococo. Disons tout de suite que le niveau de l'orchestre est moyen et la direction de M. Keprt est assez pâle, sans relief. La production sent le manque de moyens et le décor art déco, unique (on ajoute quelques plantes à l'acte 2, un lit au dernier acte), fait penser à des productions télévisées bon marché. Ceci dit, Violetta bénéficie d'un bon soprano lyrique en la personne d'Agnieszka Bochenek-Osiecka. Son partenaire et elle forment d'ailleurs un couple très crédible physiquement. Alfredo est honnêtement campé par Ales Briscein qui coupe purement et simplement "O mio rimorso", y compris l'introduction. Le jeune Coréen Sang-Min Lee débutait dans le rôle de Giorgio. La voix manquait parfois d'assurance mais ses débuts ne déméritent pas. Manque de moyens également ? Le choeur-ballet des Espagnol(e)s a disparu de la soirée chez Flora. Petit détail : les photos encadrées des artistes en troupe à l'opéra d'état sont affichées dans les couloirs.

C'est au même endroit que nous assistons à un Trovatore en matinée. La production de Martin Otava ne présente guère d'intérêt. Une sorte de digue grisâtre sépare la scène en deux espaces égaux ou glisse à droite ou à gauche selon les tableaux. Deux grandes ailes à projecteurs descendent parfois des cintres, mi-oiseau, mi-vaisseau spatial. Quant aux costumes, on retrouve les armures traditionnelles. Un Ferrando un peu faible et une Azucena (Agnieszka Zwierko) de petite envergure déçoivent. Le baryton Damir Basyrov possède plus d'atouts que ces derniers. Anna Todorova est une Leonora "à aigus". Dès son air, d'entrée elle case deux contre-mi bémol. La voix est homogène mais cela ne suffit pas : l'interprétation manque parfois de musicalité ou de sensualité. On ne peut cependant lui reprocher d'être anti-musicale comme son bien aimé Manrico. Le ténor Nikolaj Visnjakov n'a déjà pas un timbre flatteur, mais sa ligne de chant est chaotique ; certaines phrases sont bâclées ou vulgairement chantées. On cherche vainement un style à ce chant débridé. Dans la Traviata comme dans le Trouvère, les choeurs assurent la représentation mais la qualité n'est pas comparable aux grandes scènes lyriques européennes.

Après ces représentations au bilan mitigé, on est agréablement surpris de terminer sur une Carmen très intéressante, à tous points de vue. Tout d'abord le Théâtre Narodni Divadlo est une belle salle de Prague, sise au bord du fleuve. La nouvelle mise en scène de Jozef Bednarik maintient constamment l'intérêt, or, nous en avons vu des Carmen ! Quelques personnages secondaires (un travesti, un nain, la mère de Don José...) apparaissent à bon escient. Un travail remarquable est effectué sur les éclairages, savamment variés. On sent chez ce réalisateur une expérience de cinéaste, qui ne néglige ni les bruits off, ni le moindre rôle, fût-il muet ou secondaire. Quelques beaux costumes rouges ravivent des décors à dominante grise. 

Quel bonheur de retrouver des choeurs satisfaisants et un orchestre plus fourni, obéissant au quart de tour à la baguette du jeune Jaroslav Kyslink ! Sa direction est remarquable et les récitatifs de Guiraud très précis. Valentin Prolat chante un Don José impliqué et véhément ; Jiri Sulzenko, par contre, prête à Escamillo une voix assez terne et dont les aigus manquent d'harmoniques. Nous préférons Helena Kaupova en Micaela qu'en Donna Anna, la veille. Les autres rôles sont en moyenne bien tenus, à défaut d'être toujours intelligibles. Le clou du spectacle reste la Carmen de Marina Domashenko. Cette mezzo offre une interprétation sans faille : bel organe et superbe comédienne. Les plus grandes scènes se l'arrachent maintenant et sa Carmen est déjà passée par New York, Vérone, Berlin, San Francisco, Philadelphie, le Japon...Une mezzo à suivre.
 
 

Valéry FLEURQUIN
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