OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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TOULON
30/01/2008
 
© Frédéric Stephan


Charles GOUNOD ( 1818-1893)

ROMEO ET JULIETTE

Opéra en cinq actes

Livret de Jules Barbier et Michel Carré d’après Shakespeare

Coproduction Opéra Toulon-Provence-Méditerranée /
L’Esplanade Opéra –Théâtre de Saint-Etienne

Mise en scène, Jean-Christophe Most
Décors et Costumes, Lili Kendaka
Lumières, Guido Levi

Juliette : Natahalie Manfrino
Roméo : Fabrice Dalis
Stefano : Blandine Staskiewicz
Mercutio : Peter Edelmann
Frère Laurent : Paul Gay
Le comte Capulet : François Harismendy
Gertrude : Marie-José Dolorian
Tybalt : Antonio Figueroa
Gregorio : Jean-Vincent Blot
Le Duc de Vérone : Fernand Bernadi
Le comte Pâris : Vincent Deliau
Benvoglio : Didier Siccardi

Chœurs de l’Opéra de Toulon_Provence-Méditerranée
Chef de chœur : Catherine Alligon
Orchestre de l’Opéra de Toulon-Provence-Méditerranée

Direction musicale : Emmanuel Joel-Hornak

Toulon, le 30 janvier 2008

Cherche Roméo désespérément


Comme eût dit M. de la Palice, pour programmer Roméo et Juliette il faut un Roméo et une Juliette. Si l’un de deux protagonistes n’est pas à la hauteur de l’enjeu, le spectacle bat de l’aile. C’est ce qui s’est produit à Toulon.
De changement en changement c’est à Fabrice Dalis qu’a finalement été confié le rôle du jeune homme séduisant et entier. Ce chanteur estimable avait naguère sauvé les représentations de La Ville Morte à Genève et chanté aux côtés de Renée Fleming dans la Thaïs en concert. Il n’a malheureusement pas la voix du personnage : sympathique mais dépourvu de prestance il émet la plupart des aigus avec une peine communicative, et son comportement scénique semble parfois peu en accord avec les sentiments exprimés.
A sa décharge, on peut se demander si ces dernières maladresses ne sont pas imputables à la mise en scène, où du bon – l’embarras manifeste de Juliette quand son père la pousse en avant pour la présenter à la foule des invités – côtoie du moins bon – la bataille d’oreillers durant le duo d’amour du quatrième acte.

L’organisation de l’espace est assez efficace, avec le dispositif fixe d’un praticable relié à la scène par un ou deux escaliers susceptibles de disparaître en coulisse ; il surplombe soit un porche, soit une salle du palais des Capulet, soit la chapelle limitée par des arcades, et peut devenir le balcon où paraîtra Juliette. Cette scénographie géométrique qui permet de passer d’un lieu à l’autre par un simple précipité est due à Lili Kendaka, comme les costumes. Le parti pris pour ces derniers est assez déconcertant ; pourquoi Gertrude est-elle déguisée en abat-jour ? L’adoption de tenues de soirée « modernes » a pour but, probablement, de nous rendre plus proche le drame. Mais c’est situer l’évènement magique du coup de foudre réciproque dans un environnement sans mystère, d’une froide banalité, rendre prosaïque ce qui ressort du fantasme et du conte de fées. Situer à distance, dans un temps historique indéfini, c’est rendre possible ce que notre réel interdit. L’intérêt de Roméo et Juliette n’est pas de nous attendrir sur les héros malheureux, mais de dénoncer l’esprit clanique qui entretient la haine de génération en génération. Le spectateur sera d’autant plus enclin à réprouver cette fidélité dévastatrice au passé que le malheur des amants l’aura touché comme un absolu, et ce sera chose faite en s’interdisant les références trop précises à notre époque car elles introduisent aussitôt la contingence et le relatif.


© Frédéric Stephan


Cela étant dit, on comprend qu’il était difficile de vibrer en continu. L’expressivité et la vaillance des chœurs, la sûreté de l’orchestre, conduit de main de maître par un Emmanuel Joel-Hornak complètement absorbé et restant indifférent aux rumeurs - lentes à se calmer - émanant de jeunes à la découverte de l’opéra, la qualité de la plus grande partie des interprètes ne sont pas en cause. On retiendra particulièrement les prestations de Blandine Staskiewicz, Stefano splendide de justesse vocale et scénique, modèle de projection et d’articulation, de François Harismendy, Capulet bonhomme puis noble et déchiré, Paul Gay, frère Laurent compréhensif et inspiré, et de Fernand Bernadi, duc impressionnant de fermeté.
Le Mercutio de Peter Edelmann est sans indignité, la Gertrude caricaturale de Marie-José Dolorian ne séduit guère et le Tybalt d’Antonio Figueroa, précédé d’une flatteuse réputation, déçoit par son peu d’envergure.

Nathalie Manfrino
est-elle Juliette ? Elle vient à bout des difficultés vocales du rôle ; mais outre un physique dont la sensualité manifeste correspond plus à Violetta qu’à une adolescente virginale, on n’entend pas dans sa voix la fraîcheur du personnage,. Après un air d’entrée appliqué, avec des aigus légèrement métalliques, l’aisance augmente, mais l’impression subsiste dans la zone supérieure d’une voix fabriquée, et certains sons exagérément couverts ne la dissipent pas. Peut-être s’agissait-il d’une soirée difficile, comme cela peut arriver mais il nous était difficile de chasser le souvenir d’interprétations plus satisfaisantes. Ajoutons que certaines consonnes ne sont qu’effleurées au détriment de la clarté de l’élocution. Néanmoins, est-il besoin de le dire, elle surpassait sans peine son infortuné partenaire chez qui ce relâchement est encore plus net.

Au final, bien que les beautés de cette œuvre importante dans l’histoire de l’opéra français n’aient pas été exaltées idéalement, réception chaleureuse d’un public indulgent.

Maurice SALLES
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