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NEW-YORK
02/03/2006
 
Camille Saint-Saëns

SAMSON ET DALILA

Opéra en trois actes
Livret de Ferdinand Lemaire
D’après Les Extraordinaires Aventures de Dieu

Production : Elijah Moshinsky
Costumes et décors : Richard Hudson
Eclairages : Duane Schuler
Chorégraphie : Graeme Murphy
Dramaturgie : Peter McClintock

Jon Fredric West : Samson
Olga Borodina : Dalila
Jean Philippe Lafont : le Grand Prêtre
James Courtney : Abimelech
Paata Burchuladze : un vieillard hébreux
Eduardo Valdes : un messager
Bernard Fitch : premier philistin
Brian Davis : deuxième philistin (photo pour la troisième place)

Orchestre et choeurs du Metropolitan Opera
Direction : Emmanuel Villaume

New-York, 2 Mars 2006

UN SEUL ÊTRE VOUS MANQUE …

C’est Placido Domingo qui devait à l’origine être le Samson de cette reprise. Hélas, des problèmes de santé l’éloignent des scènes depuis plusieurs mois, et le ténor espagnol a dû déclarer forfait pour cette série de représentations.

Succédant à Clifton Forbis, Jon Fredric West le remplace pour l’ultime soirée de la saison et la déception est immense. Prématurément usé par des emplois très lourds (Siegfried, Tristan …) et handicapé par une technique sommaire, le ténor américain a bien du mal avec la partition : vibrato non maîtrisé, notes de passages engorgées, difficulté à soutenir le souffle, rendent son Samson assez pénible. Si la prononciation française est excellente, la caractérisation du personnage est frustre : le chanteur est déjà suffisamment occupé à essayer de chanter en même temps que l’orchestre.

Superbe Dalila il y a quelques saisons à Milan, face à Domingo justement, Olga Borodina semble ici totalement démotivée par son partenaire. La prononciation française est relâchée, la caractérisation théâtrale inexistante ; vocalement, ce n’est pas davantage l’extase : les phrases musicales un peu longues sont écourtées, comme si la chanteuse était à court de souffle, comme si elle voulait aussi accélérer les tempi pourtant raisonnables du chef d’orchestre.

Le Grand Prêtre de Jean Philippe Lafont déçoit un peu au premier acte, avec un chant frustre et haché, son morceau de bravoure « Maudit à jamais soit la race des enfants d’Israël » étant vite expédié. Le baryton français sauve la mise au deuxième acte : la voix sait trouver des nuances et des couleurs pour rendre son Grand Prêtre cruel et insidieux.

Paata Burchuladze campe un vieillard hébreux bien fatigué : les moyens sont toujours impressionnant mais la voix fluctue comme si elle provenait d’un magnéto dont les piles sont usées.

Seule vraie bonne surprise de la soirée, Emmanuel Villaume revisite la partition pour en faire ressortir nombre de subtilités ; sa direction, lumineuse et transparente, reste théâtrale ; enfin, l’attention portée aux chanteurs en difficulté est extrême : les deux protagonistes principaux se précipiteront pour l’étreindre aux saluts !

Réalisée par le créateur de la scénographie de la comédie musicale Le Roi Lion (inspiré du dessin animé des studios Disney), la production est spectaculairement belle : des couleurs vives, où dominent l’orange et la terre de sienne, masques, boubous, totems, peintures de corps, renvoient à l’Afrique Noire la plus sauvage, tandis que les Juifs sont habillés de costumes noirs modernes. Un parti pris d’exotisme très esthétique, mais dont on voit mal l’intérêt : un esprit un peu sourcilleux pourrait même s’offusquer de voir dépeint de manière aussi caricaturale ce « conflit de civilisation ».

La Bacchanale est particulièrement bien traitée : splendides danseurs dans une chorégraphies mélangeant sauvagerie et érotisme, mais évitant le mauvais goût.

Les plus grandes maisons ont leurs mauvaises soirées : le Metropolitan n’échappe pas à la règle.


Placido Carrerotti


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