OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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TOULOUSE
11/12/2007
 
Jean-Louis Comoretto et Monique Zanetti
© Michel Laborde


Alessandro SCARLATTI (1660-1725)


SALVE REGINA
SINFONIA seconda a 4

Giovanni Battista PERGOLESI (1710-1736)

STABAT MATER

ENSEMBLE LES PASSIONS
Jean-Marc Andrieu, direction

Monique Zanetti, soprano
Jean-Louis Comoretto, haute-contre

Flavio Losco, Nirina Bougès, violons
Jean-François Gouffault, alto
Etienne Mangot, violoncelle
Jean-Paul Talvard, contrebasse
Ronaldo Correia de Lima Lopes, théorbe
Yves Rechsteiner, orgue

Chapelle Sainte-Anne, Toulouse, ce 11 décembre 2007

Du bon usage du baroque


Pour sa quatrième saison de concerts à Toulouse l’orchestre baroque de Montauban, connu désormais comme l’ensemble Les Passions, proposait, après une soirée dédiée au Magnificat de Charpentier, une immersion dans la musique religieuse italienne avec un des « tubes » du répertoire baroque, le Stabat Mater de Pergolèse, écrit en 1736 quelques semaines à peine avant d’être emporté par la tuberculose.

Avant cette œuvre, un Salve Regina et une pièce instrumentale d’Alessandro Scarlatti d’après un manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale retranscrit par Jean-Marc Andrieu. La cohabitation ne pose pas problème, tant l’écriture semble voisine, et les rivalités éventuelles ne sont plus de mise : mort en 1725 Alessandro Scarlatti est en effet l’auteur d’un Stabat Mater daté de 1724 dont la vogue dura jusqu’à ce que celui de Pergolèse le supplante sans retour. Les commentateurs sont partagés quant aux raisons de ce succès, les uns parlant de l’intensité du sentiment religieux et d’autres d’un style plus voisin de l’opéra. Pourquoi la théâtralité serait-elle incompatible avec la sincérité ? Pas pour les baroques !

Le Salve Regina est une œuvre courte qui permet aux musiciens et aux chanteurs de s’échauffer et au public de découvrir sur l’écran dressé devant l’abside les projections de dessins et de tableaux tirés du fonds du Musée Ingres de Montauban, qui illustrent les versets successifs des textes chantés. Plutôt réticent à cette idée, nous devons admettre que le choix des œuvres et les images elles-mêmes ne perturbent en rien l’écoute. On peut évidemment se demander si ce plaisir supplémentaire s’accorde bien avec la lettre du texte, mais il ne contrarie en rien l’esprit de cette musique où l’expression de la dévotion prend si souvent les accents caressants de la volupté, et cela vaut évidemment pour le Stabat Mater de Pergolèse.

De ce point de vue Monique Zanetti et Jean-Louis Comoretto remplissent parfaitement l’office dévolu jadis à des castrats. Leurs voix se mêlent délicieusement et chacun exécute ses passages de soliste avec une simplicité qui est le comble de l’aisance. La performance du chanteur nous a d’autant plus touché qu’il semblait préoccupé, peut-être par un système de chauffage qui doit dessécher beaucoup l’air, mais ni la longueur ni l’homogénéité ni la souplesse, remarquables, n’en ont été affectées.

Il est des versions du Stabat plus langoureuses que celle entendue ce soir là ; elle nous a donné l’impression d’un très juste équilibre entre le dramatisme et l’effusion, et d’un souci de la mesure où le pathos ne naît pas d’exubérances mais de concentration. C’est le défi à affronter pour des œuvres que l’étiquette baroque risque de livrer à des débordements rythmiques et sonores. Jean-Marc Andrieu et ses musiciens ont été dans cette version parfaitement en accord avec la devise de Geminiani d’où l’ensemble tire son nom et avec l’esprit du texte pour lequel la musique a été conçue. D’où cette impression de sobriété peut-être frustrante pour qui aurait souhaité plus de folie mais qui nous a ravi, jusque dans le jeu sans afféterie et sans esbroufe d’instrumentistes alliant précision, dynamisme et suavité.

L’intermède instrumental, en revanche, s’il met en valeur les musiciens conduits par Flavio Losco, ne nous a pas passionné. Mais peut-être est-ce à porter au crédit de Jean-Marc Andrieu chercheur, qui restitue les œuvres probablement comme il les découvre. On voudrait tant que d’autres qui se targuent d’exhumations aient la même honnêteté !


Maurice Salles

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