C O N C E R T S 
 
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PARIS
28/04/05
TA BOUCHE

Opérette de Maurice Yvain
Livret d'Yves Mirande
Lyrics d'Albert Willemetz

Nouvelle instrumentation de Thibault Perrine

Mise en scène : Stephan Druet
Décors : Florence Evrard
Costumes : Elisabeth de Sauverzac
Lumières : Philippe Lacombe
Chorégraphie : Alma de Villalobos

Emmanuelle Goizé: Eva
Muriel Souty : La comtesse
Isabelle Mazin : Mélanie
Sébastien Lemoine : Bastien
Gilles Bugeaud : Le comte du Pas de Vis
Loïc Boissier : Jean Leduc
Alma de Villalobos : Marguerite
Camille Slosse/Florence Andrieu : Mag
Anne-Lise Faucon : Margot

Compagnie "Les Brigands"
Direction : Benjamin Lévy

Théâtre de la Madeleine, le 28 avril 2005


 
PÉCHÉS MIGNONS

Après Dédé et Là-haut en 1998, Le Sire de Vergy en 2000 et quelques courageuses versions concertantes Salle Favart, Paris continue sa lente redécouverte de l'étonnant répertoire d'opérettes du début du XXème siècle.

Le cru 2005 est dans la bonne moyenne avec cette résurrection de Ta bouche des mêmes Maurice Yvain et Albert Willemetz à qui l'on devait déjà Là-haut. Cette fois, l'intrigue et les dialogues sont d'Yves Mirande, auteur dramatique, scénariste, cinéaste et acteur à l'occasion, mais surtout homme d'esprit.

L'opérette nous compte les déboires de deux familles désargentées qui cherchent à redorer leurs blasons respectifs par un beau mariage. C'est dans l'espoir de marier sa fille Eva que la comtesse s๋est rendue à Truc-sur-Mer, accompagnée de son domestique et amant.
Elle y rencontre le Comte du Pas de Vis (qui est dans la même situation et conçoit les mêmes espérances pour son fils Bastien), mais les deux anciens complices comprennent vite leurs situations financières respectives.

Hélas, les deux jeunes gens sont tombés amoureux l'un de l'autre et, se croyant promis au mariage, ont déjà "pris un pain sur la fournée". On les sépare d'urgence.

A l'acte suivant, la comtesse, qui a épousé son domestique enrichi aux courses (1), est venue se reposer à Fric-les-Bains, flanquée de sa fille.

Le comte du Pas de Vis a lui aussi épousé sa domestique enrichie grâce à un bel héritage. Son fils Bastien a, quant à lui, fait un beau mariage d'argent. Mais bien entendu, les jeunes gens sont toujours amoureux et reprennent du service.

Les cloisons de l'hôtel n'étant pas particulièrement épaisses, les amants ont la surprise de deviner les ébats simultanés de la femme de Bastien avec son cousin. Furieux, le jeune homme disparaît... et divorce de sa riche et laide épouse aux torts de celle-ci !

Au dernier acte, tout rentre dans l'ordre ; Eva retrouve Bastien à Pouic-Les-Flots ainsi que nos nobliaux et leurs domestiques, appariés "par classes sociales" cette fois.
  
Sur cette intrigue joyeusement amorale et légèrement scabreuse, Maurice Yvain a composé une partition alerte et vive, un peu jazzy à l'occasion, moins brillante toutefois que celle de l'irrésistible Là-haut dont nombre de couplets étaient immédiatement mémorisables.

Les temps sont durs, et il faut se contenter d'une adaptation orchestrale pour une douzaine d'instruments... et moitié moins d'instrumentistes ! Le résultat évoque parfois la musique de cirque : légèreté et insouciance ne sont pourtant pas synonymes de vulgarité.
Dans ces conditions, il faut saluer le talent de Benjamin Lévy qui fait tout son possible pour rendre une certaine dignité à l'exécution musicale.

Les chanteurs-acteurs-danseurs qui composent la troupe de la compagnie "Les Brigands" sont tous excellents. Saluons particulièrement l'inénarrable comte du Pas de Vis de Gilles Bugeaud et l'Eva d'Emmanuelle Goizé, particulièrement bien chantante. J'ai également apprécié le Bastien de Sébastien Lemoine qu'on croirait sorti d'un film des années trente.

Les "3M" (Marguerite, Mag et Margot) sont en revanche plus discutables, leur articulation déficiente rend souvent incompréhensibles leurs interventions : c'est d'autant plus regrettable qu'elles sont chargées d'exposer l'action ou de commenter des événements inconnus des spectacteurs.

L'articulation représente en effet un point essentiel de ce type d'ouvrage ; surtout avec un auteur de lyrics (2) tel qu'Albert Willemetz dont les textes sont brillants et plein d'esprit et dont la prosodie joue à plaisir avec les rythmes syncopés d'Yvain.

La production est une réussite : superbe décor (unique mais réservant mille surprises), costumes délicieux et drôles à l'occasion, s'inspirant des "années folles", éclairages dignes de Broadway, et une mise en scène alerte et vive, un peu décalée, et réglée au quart de poil.

Le spectacle part en tournée dans toute la France : ne le manquez pas !
 
 

Placido CARREROTTI

Notes
1. Le mari se nommant Jean Leduc, la comtesse devient légitimement... duchesse !

2. Par opposition au "livret", les lyrics sont écrits sur une musique déjà composée. 
Exemple de cette souplesse d'écriture avec le "tube" qui donne sont titre à l'ouvrage :

BASTIEN. - Ta bouche a des baisers si bons,
EVA. - Si doux,
BASTIEN. - Si longs,
EVA. - Si fous,
BASTIEN. - Si frais,
EVA. - Si tendres,
BASTIEN. - Et tu sais, de loin, si bien la tendre,
EVA. - Qu'on ne peut oser la refuser.
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