C O N C E R T S
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
PARIS
14/03/2007
 
June Anderson
(ici dans Les Bassarides, © Châtelet 2005)

Giuseppe Verdi (1813-1901)

Messa da requiem (1874)

June Anderson, soprano
Guang Yang, messo-soprano
Miroslav Dvorsky, ténor
Mikhail Petrenko, basse

Choeur de l'Orchestre de Paris,
Didier Bouture et Geoffroy Jourdain, chefs de choeur
Orchestre de Paris
Direction Christoph Eschenbach

Salle Pleyel 14 mars 2007

 
Emouvant.. et frustrant


Retrouver l'Orchestre de Paris, Salle Pleyel (même si elle a été entièrement rénovée), à huit d'intervalle dans le Requiem de Verdi, avait quelque chose d'émouvant et de frustrant. Difficile en effet, d'oublier l'atmosphère électrique et la qualité d'écoute qui avaient accompagné le flamboyant concert conduit par Carlo Maria Giulini, Dieu vivant descendu de l'Olympe quelques mois avant de se retirer, dans une oeuvre à jamais marquée par son empreinte. Transcendée par la lecture tout en majesté du maestrissimo italien, la phalange parisienne s'était hissée ce soir-là à des sommets qu'elle n'a, hélas, pas été en mesure d'égaler le 14 mars dernier.

Christoph Eschenbach n'est pas un mauvais chef, mais la froideur que dégage sa personne, imprègne, sans doute à son corps défendant, sa direction. Le regard d'acier qu'il pose sur le monde et, en l'occurrence, celui qu'il porte sur cette fresque grandiose, au souffle aussi haletant qu'à l'opéra, manque à la fois de sérénité et de hauteur. A la lenteur introductive, excessive et peu habitée, à la rigueur et au contrôle qu'il s'éfforce d'imposer, répond un "Dies irae" torrentiel (allegro agitato), plus outrancier que véritablement halluciné (à la différence de Giulini, mais aussi de Vittorio De Sabata/Emi, ou de Arturo Toscanini/RCA), qui contraste certes avec le reste, plus intimiste et introspectif, mais dont la force éruptive nuancée à gros traits, n'est pas suffisamment lacérée de couleurs ; comme si Eschenbach refusait l'unité au profit du spectaculaire, incapable de rechauffer le marbre et privilégiant le rugueux au granitique. Font également défaut à sa conception d'ensemble parfois brutale - et qui semble gêner les instrumentistes, bien qu'ils s'y soumettent - où l'humain a peu de place, le frémissement qu'appelle naturellement l'"Agnus dei" et la sensibilité, absente du douloureux "Lacrymosa" (sublime largo). Reconnaissons-lui tout de même cette faculté d'ordonner les troupes (double choeur du "Sanctus", allegro), de brasser et de soulever les différentes masses sonores (fugue du finale, allegro risoluto) en créant pourtant de l'espace entre elles, tout en réussissant à soutenir les solistes sans les exclure de cette arche aux linéaments complexes.

Prudente, puis confiante et de plus en plus impliquée, June Anderson a une nouvelle fois surpris par la souplesse et la qualité de son instrument, dont l'ambitus n'a rien perdu de son mordant et de son impact. Très présente dans les ensembles, murmurante et pourtant dominante au cours de l'"Agnus Dei", elle a triomphé des tensions du "Libera me", galvanisée, libérée, suivant ainsi les traces de l'incendiaire Julia Varady, inoubliable en 1999. Quelle artiste ! A ses côtés la jeune chinoise Guang Yang, qui débutait à Paris, a chanté avec une certaine assurance la non moins redoutable partie réservée à la mezzo-soprano. Son legato, son timbre velouté, quoique assez commun et sa tenue vocale sont à louer ; reste à la personnalité, encore timide, à s'imposer. Il est regrettable que le ténor Miroslav Dvorsky, techniquement compétent, mais aujourd'hui vocalement éprouvé par la tessiture requise et Mikhail Petrenko, sans ligne de chant, cherchant ses graves et luttant contre des accents désobligeants, aient gâché notre plaisir et compromis l'équilibre de ce quatuor. Pour commémorer son 30ème anniversaire, le Choeur de l'Orchestre de Paris avait débuté le programme avec la seule pièce pour choeur "a capella" composée par Verdi, un "Pater noster" un peu sec, mais d'une écriture aussi belle qu'exigeante.


François LESUEUR

[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]