OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
28/01/2008
 
Rolando Villazòn © DR


Rolando VILLAZÒN ténor

Ponchielli
La Gioconda
-Prélude
« Cielo e mar »

Cilea

 Adriana Lecouvreur
intermezzo
« La dolcissima effigie »
« L’anima ho stanca »

Leoncavallo

I Pagliacci
prélude

Ponchielli
Il Figliuol prodigo
« Il padre !... Il Padre mio »

Entracte

Verdi
Nabucco, Sinfonia
Rigoletto, « Questa o quella »
Simon Boccanegra, « O inferno ! »
Luisa Miller, « O fede negar potessi… Quando le sere al placido »

Gomes
Fosca, « Intenditi con Dio… Ah, se tu sei fra gli angeli »

Bis

Boito
Mefistofele, « Giunto sul passo estremo »
Eduardo Di Capua, « O sole mio »
Agustín Lara, « Granada »

Orchestre Philharmonique de Prague
Daniele Callegari, direction

Théâtre des Champs-Elysées
Lundi 28 janvier 2008 à 20 heures

- Cycle Les Grandes Voix -

Villazón, le retour

C’est devant une salle archicomble que Rolando Villazón a fait sa rentrée parisienne. Les admirateurs étaient venus en foule, curieux de savoir si, après un repos forcé de plusieurs mois, le ténor avait retrouvé toute sa voix, quelque peu malmenée ces dernières saisons par un calendrier chargé et un répertoire souvent trop lourd pour ses moyens foncièrement lyriques. La lecture du programme, cependant, ne pouvait qu’inspirer de vives appréhensions : était-il vraiment prudent d’aligner en première partie des extraits d’opéras italiens de la fin du dix-neuvième (1), dans lesquels s’étaient illustrés par le passé un Del Monaco, un Corelli ou un Domingo ? Le premier air dissipe nos réticences : « Cielo e mar » est chanté avec goût et musicalité, le medium, généreux, a gagné en ampleur et l’aigu est aisé, Villazón parvient même à esquisser quelques nuances du meilleur effet. Mais si les deux pages d’Adriana Lecouvreur distillent une émotion palpable, elles trahissent cependant l’inadéquation des moyens à ce répertoire, le ténor ayant tendance à se réfugier dans le forte permanent. Souhaitons qu’il n’aborde pas, dans l’immédiat du moins, ce rôle dans son intégralité. Enfin, l’extrait du Figliuol prodigo emporte l’adhésion tant l’interprète y met de conviction et de pathos. Rassurés et conquis, les spectateurs ne ménagent pas leurs applaudissements.

La seconde partie nous montre un Villazón plus détendu, dans des ouvrages qui lui permettent d’exploiter pleinement l’éventail de ses dons. Il se rit de l’air du Duc de Mantoue, phrasé avec ce qu’il faut d’ironie et de mordant et nous livre un grand air de Rodolfo anthologique : le récitatif, extrêmement dramatique, contraste avec l’aria, interprétée avec une sensibilité à fleur de voix, le second couplet, chanté piano, est absolument irrésistible et déchaîne une ovation bien méritée de la part du public qui ne s’y trompe pas : cet extrait de Luisa Miller nous permet de retrouver toutes les qualités du ténor, qui nous avaient tant séduits à ses débuts : timbre chaleureux, ligne de chant élégante et raffinée, musicalité infinie et sincérité touchante de l’interprète. Le programme s’achève avec un fort joli air de Gomes, contemporain de Verdi, une rareté qui ravit l’auditoire mais ne ménage pas le chanteur.

De fait, le premier bis laisse entrevoir une fatigue vocale perceptible : le ténor trébuche sur l’aigu final mais se rattrape avec brio. Suivent deux pages ultra rabâchées : « O sole mio » dont le début du second couplet, orné d’un trille alla Pavarotti, se veut un clin d’œil au tenorissimo récemment disparu et l’incontournable « Granada » qui fait mouche en dépit d’une orchestration résolument kitch.

Au pupitre, Daniele Callegari se montre particulièrement attentif envers son interprète qu’il ne couvre jamais et se révèle tout à son affaire dans les pages véristes qui sont dirigées avec goût et une sobriété de bon aloi. Le prélude de Rigoletto, en revanche n’est guère poignant et l’ouverture de Nabucco est handicapée par des vents quelque peu débraillés. Au final, une direction efficace à défaut d’être toujours inspirée et somme toute largement supérieure à ce qu’on entend souvent dans ce genre de concert.

Alors oui, le public est rassuré, comme le témoigne cette ovation debout et les applaudissements sans fin qui concluent la soirée. Rolando Villazón, visiblement heureux, a recouvré une voix saine mais encore fragile, un aigu intact et un medium mieux projeté que par le passé. Saura-t-il pour autant tirer les leçons de sa récente mésaventure et préserver à l’avenir ses dons remarquables à l’abri d’une usure prématurée ?

A l’issue du concert, le ténor, qui a récemment acquis la nationalité française, a été fait Chevalier des arts et des lettres au cours d’un cocktail privé. A sa demande, c’est Hugues Gall qui lui a remis sa décoration au terme d’un discours particulièrement émouvant et plein d’humour.


Christian PETER


(1) En fait, ce programme recouvre en grande partie celui du nouvel album que Villazón a enregistré au printemps 2007 et qui doit paraître en mars prochain chez DGG.
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