C O N C E R T S 
 
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PARIS
30/10/05
L. Watson, P-M. Schnitzler & P. Seiffert © M. N. Robert

Richard WAGNER (1813 - 1883)

DIE WALKÜRE
Première journée en trois actes
Livret de Richard Wagner

Mise en scène, scénographie et lumières : Robert Wilson
Costumes : Frida Parmeggiani
Lumières : Kenneth L. Schutz

Siegmund : Peter Seiffert
Hunding : Stephen Milling
Wotan : Jukka Rasilainen
Sieglinde : Petra-Maria Schnitzler
Brünnhilde : Linda Watson
Fricka : Mihoko Fujimura
Helmwige : Jennifer Wilson
Ortlinde : Annalena Person
Gerhilde : Eszter Sümegi
Waltraute : Priti Gandhi
Siegrune : Marie Lenormand
Rossweise : Deanne Meek
Grimgerde : Daniela Denschlag
Schwertleite : Annette Jahns

Orchestre de Paris
Christophe Eschenbach

Paris, Théâtre du Châtelet, le 30 octobre 2005

Comment interpréter la vision de Robert Wilson ? La question jaillissait, enthousiaste, à l’issue de la représentation de L’or du Rhin dimanche dernier. La réponse n’a pas attendu la fin du cycle. Elle survient immédiate à l’issue de cette Walkyrie : il n’y a pas d’explication.

Car autant le système fonctionnait à merveille dans le prologue instaurant une tension permanente, engendrant des images d’une grande force poétique, laissant présager par la suite certaines révélations, autant le mécanisme s’enraye dès la première journée. Le lyrisme intense du deuxième volet de La Tétralogie se brise contre la lenteur du rythme, la répétition mécanique des mêmes gestes ; le message essentiel, cette naissance de l’humanité à laquelle le spectateur assiste bouleversé via le personnage de Brünnhilde, ne passe pas. Quelques beautés subsistent, fulgurantes, la lumière sur les mains de Siegmund et Sieglinde lors de l’échange de l’eau, l’apparition foudroyante de Fricka à la fin du deuxième acte… Mais, la magie de ces instants n’efface pas l’absence d’idées qui paralyse le reste du spectacle. La machine tourne à vide.

Pour ne rien arranger, les deux vedettes de la production, Peter Seiffert et Petra-Maria Schnitzler, Tannhaüser et Elisabeth sur cette même scène en avril 2004, partenaires à la ville comme à l’opéra dans de nombreuses productions wagnériennes, éprouvent le plus grand mal à balayer le passé et à se plier aux nouvelles règles imposées par le metteur en scène. Le ténor surtout s’empêtre dans un mouvement contraire à son tempérament. Seul compte alors la splendide incarnation vocale, le métal rayonnant dont il forge Siegmund, la vaillance et l’éclat à défaut des pigments sombres du héros. Le timbre de son épouse séduit moins mais le personnage est plus habité encore. L’expression culmine dans un aigu chaleureusement déployé qui incendie les adieux à la Walkyrie.

L’autre couple de l’ouvrage, Wotan et Brünnhilde, ne se hisse pas à ce même niveau. Loin s’en faut. Linda Watson se heurte à l’immensité du rôle. Wagner la voulait claire et juvénile ; la cantatrice conjugue à l’inverse maturité, médium épais et acier émoussé. Les « Hoïotoho ! » de l’entrée en font les frais d’un demi-ton, l’instrument reste contrôlé mais l’émotion absente. Face à cette matrone, Jukka Rasilainen confirme qu’il ne possède pas l’envergure du maître des dieux. Baryton doté d’une faible basse, il se débat tout au long de l’opéra avec ses problèmes de tessiture. Et, si, contrairement aux craintes exprimées dans L’Or du Rhin, il parvient à varier l’intonation pour trouver des accents véritablement humains, la couleur reste trop uniforme. La fin de l’œuvre le laisse à bout de forces, recouvert impitoyablement par l’orchestre, exsangue, en accord finalement avec la mise en scène qui, à ce moment, ne brille qu’au travers de trois petits feux allumés sur le plateau, mais à rebours de la musique dont le scintillement laisse entrevoir un autre brasier.

Irréprochables en revanche, la Fricka magnétique de Mihoko Fujimura et l’impressionnant Hunding de Stephen Milling en imposent chacun à leur manière.

Ce qu’on perd (beaucoup) d’un côté, on le gagne (un peu) de l’autre. La direction de Christoph Eschenbach, retrouve, par rapport à Das Rheingold, un semblant de cohésion. On recherche en vain l’intention chambriste annoncée mais les cuivres écrasent moins, sonnent plus justes aussi, les cordes demeurent excellentes. Pour autant, l’ensemble, plombé par une lenteur excessive, ne s’élève pas à l’intensité décrite par le livret et la partition.

Malgré ces réserves, on ne quitte pas la salle indemne. Le poison, distillé pendant plus de quatre heures, agit encore longtemps après. Pourtant, une fois ses effets dissipés, force est de reconnaître que les fruits, La Walkyrie, n’ont pas tenu la promesse des fleurs, L’or du Rhin. Déçu, on attend la suite, avec plus d’inquiétude et moins d’impatience.

Christophe Rizoud
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