C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
BERNE
18/02/05

© Stadttheater de Berne
LA WALLY

Alfredo Catalani (1854-1893)

Opéra en quatre actes
Livret de Luigi Illica

Nouvelle production
En coproduction avec le Teatro Comunale di Bologna

Olga Romanko (Wally),
Atilla B. Kiss (Giuseppe Hagenbach),
Wolfgang Koch (Vincenzo Gellner),
Hélène Le Corre (Walter),
Frano Lufi (Stromminger),
Zoryana Kushpler (Afra),
Richard Ackermann (Il Pedone).

Renata Scotto, mise en scène
Carlo Diappi, décors et costumes
Marcel Leemann, chorégraphie

Choeur du Stadttheater de Berne
Berner Symphonie-Orchester
Srboljub Dinic, direction musicale

Le 18 février 2005

Ne pas oser... oser !

Rarement programmée, La Wally de Catalani est toujours attendue avec impatience. Ces musiques à l'influence wagnérienne indiscutable, ces descriptifs orchestraux ponctuant l'action au-delà de la prosodie, cette rupture avec l'architecture musicale des opéras verdiens ou pucciniens exercent un attrait certain sur le public. Cependant, autant La Wally que Lorelei restent les enfants pauvres du théâtre lyrique. Une production de temps à autre, puis ces oeuvres retournent aux oubliettes. C'est dire si cette nouvelle production du Stadttheater de Berne suscite la curiosité.

De plus, l'intérêt en est encore avivé par le fait que la mise en scène soit signée par Renata Scotto. Depuis une vingtaine d'années, la soprano italienne s'est reconvertie dans ce domaine, tentant de faire profiter l'art lyrique de sa grande expérience de la scène. Conversion réussie ? On peut en douter à l'examen de son exercice bernois. Dans sa direction, jamais elle ne dépasse les limites du conventionnel. Celle qui, alors qu'elle chantait, soulevait le public au gré de ses folies vocales, manque du courage nécessaire pour mener ce récit aux bords de l'hystérie jalouse qui caractérise pourtant les protagonistes.


© Stadttheater de Berne

N'osant pas oser, elle confine ses acteurs dans la foule des choristes et des figurants au point que lorsque s'ouvre le rideau, on peine à isoler les solistes des choeurs. Ainsi, on entend chanter Stromminger, le père de la Wally. Assis devant une table derrière laquelle le choeur se tient debout, on ne le distingue pas du reste des gens du village. Ce ne pourrait être qu'un faux pas mineur si sa direction d'acteurs ne manquait terriblement de caractérisation des personnages. Certaines scènes frisent la caricature.  Lorsque Vincenzo Gellner précipite Giuseppe Hagenbach dans un ravin, la scène est si mal dirigée qu'elle suscite le rire des spectateurs. Dans un décor hybride de carton pâte sans fantaisie ni grande imagination, les acteurs semblent livrés à eux-mêmes. Si certains s'en sortent grâce à leur propre expérience des planches, d'autres n'arrivent pas à saisir l'esprit de l'oeuvre. Pourquoi ne pas avoir profité de sa complexité scénique (comment représenter une avalanche ?) pour imaginer des décors plus suggestifs que descriptifs. Là encore, il aurait fallu oser.

Pourtant, le chef Srboljub Dinic s'emploie à tirer d'un Berner Symphonie-Orchester parfois imprécis, les atmosphères musicales de Catalani. S'emportant, peut-être aurait-il été plus inspiré de tempérer ses ardeurs pour éviter de couvrir les voix pas toujours sonores des chanteurs. Ainsi, la juvénile Hélène Le Corre (Walter) aurait mettre son indéniable talent au service d'un portrait sensible de cet ami de la Wally.

Malgré l'absence de direction d'acteurs, la plupart des chanteurs parviennent à incarner les personnages du livret. La voix puissante de Frano Lufi (Stromminger) éclaire parfaitement la rudesse du père de la Wally. De son côté, la vocalité toujours admirable de Wolfgang Koch (Vincenzo Gellner) modèle superbement la gaucherie touchante de l'inconditionnel amoureux. Une fois de plus, il faut louer la belle prestation de Richard Ackermann (Il Pedone) qui, lorsqu'il se limite à une expression retenue, s'avère un chanteur de qualité doté d'une excellente prononciation. 

On ne peut en dire autant des deux principaux rôles. A commencer par le ténor hongrois Atilla B. Kiss (Giuseppe Hagenbach) qui, malgré une voix claire (qui n'est pas sans rappeler le timbre de Mario del Monaco), a la fâcheuse tendance à forcer ses moyens naturels, ce dont se ressent une diction à peu près inintelligible. Dans une moindre mesure, la même critique peut être adressée à Olga Romanko (Wally). Si l'instrument est très bien préparé, la soprano moscovite manque toutefois de la théâtralité nécessaire et campe une Wally un peu terne.

A l'issue de la représentation, si les solistes ont été généreusement applaudis, une partie du public bernois contestait bruyamment Renata Scotto. Il est à craindre que, sans une sérieuse révision de la mise en scène, cette production risque de connaître une réception plus mouvementée que la "polie" condamnation bernoise lors des prochaines représentations au Teatro Comunale de Bologne.
 
 

Jacques SCHMITT

Prochaines représentations au StadttheaterBern
Les 22 et 27 février, les 4, 6, 15 et 26 mars, les 4, 7, 13 et 20 mai 2005.

[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]