OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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RENNES
09/03/2008


Christophe Fel
© DR

Edouard LALO (1823-1892)

LE ROI D'YS


Légende bretonne en trois actes (1888)
Livret d’Edouard Blau

Le Roi d’Ys : Christophe Fel
Rozenn : Blandine Arnoult
Mylio : Luc Robert
Margared : Anne-Marie Seager
Karnac : Jean-Luc Chaignaud
Saint-Corentin : Vincent Billier
Jahel : Jérôme Savelon

Chœurs de l’Opéra de Rennes (chef des chœurs : Gildas Pungier)
Orchestre de Bretagne
Direction musicale : Grzegorz Nowak

Rennes, Opéra, le 9 mars 2008

d'Ys puissance 2


Après des années d’indifférence, Le Roi d’Ys a de nouveau, semble-t-il, le vent en poupe : après Toulouse, et avant Liège, c’est au tour de Rennes d’honorer la dernière œuvre théâtrale complète d’Edouard Lalo (la Jacquerie demeurant inachevée), qui trouve pleinement sa place ici, puisqu’elle s’inspire d’une « Légende des Guerres Bretonnes du Ve siècle ». Pour conclure la paix avec son ennemi Karnac, le Roi d’Ys lui donne en mariage une de ses filles, Margared. L’autre fille, Rozenn, assiste avec surprise et émotion au retour inattendu de son amant Mylio. Margared, en secret également éprise de Mylio, apprend la nouvelle et repousse Karnac, qui décrète la reprise des hostilités. Mylio relève le défi. Quand elle entend son père offrir Rozenn à Mylio s’il triomphe des armées de Karnac, Margared retourne vers son ancien promis, battu, pour lui donner le moyen d’anéantir la ville d’Ys : il suffit d’ouvrir les écluses protégeant la cité de l’océan. Peu après le mariage de Rozenn et Mylio, les écluses s’ouvrent. Mylio tue Karnac, mais ne peux empêcher les flots de se déverser. Pour calmer la fureur de St-Corentin, il faut un sacrifice : soudain prise de remords, Margared se dévoue en se jetant à l’eau.

S’il a sauvé la ville d’Ys, St-Corentin semble avoir omis de protéger les quatre représentations en version de concert proposées par l’Opéra de Rennes. Le directeur Alain Surrans l’annonçait avant le début du spectacle : « un méchant virus s’abat sur les chanteurs depuis le soir de la première ». A nous d’être indulgent face à d’inévitables carences vocales : celles du jeune Luc Robert (qui réussit néanmoins une jolie Romance, au III, prodigue en pianissimi et en aigus), celles de la belle Blandine Arnoult, voix ductile gênée par des quintes de toux, et celles d’Anne-Marie Seager, vrai tempérament, bridé ici jusque dans les imprécations du II. On en viendrait presque à maudire l’impétueuse météo bretonne, responsable des maux des artistes comme de ceux du public, mais les remarquables prestations de Jérôme Savelon et du prometteur Vincent Billier sont déjà revigorantes de santé vocale. Surtout, on reprend vie grâce au Karnac de Jean-Luc Chaignaud, aussi noir que veule, usant de couleurs de timbre et d’une conduite de voix qui correspond parfaitement à ce Telramund à la française, interprété ici avec force décibels : le résultat sonore est éclatant et inquiétant ! L’autre triomphe de cette matinée est à chercher du côté du rôle éponyme : Christophe Fel est un merveilleux Roi d’Ys ! La noblesse du port et la dignité patricienne de la voix, vont de pair avec un français idéal (qualité que partage globalement toute l’équipe, qui ne nous faire guère regretter l’absence de sur-titrage), et un engagement sincère, même sans mise en scène. Ces deux impressionnantes incarnations ont le mérite de faire oublier à elles seules les déboires des autres chanteurs – à croire que Saint-Corentin n’était pas si en colère, finalement.

Face aux excellents choristes de Gildas Pungier, à la tête d’un orchestre plus fourni que lorsqu’il se trouve dans la petite fosse de l’Opéra, Grzegorz Nowak prend soin de ne jamais forcer le trait dans cette œuvre qui demande plus de limpidité et de naturel que d’effets de manche ou d’affects excessifs. Les instruments solistes ont alors un support idéal pour donner la pleine mesure de leur talent (coups de chapeau au violoncelle d’Olivier Lacour et aux clarinettes de Pierre Genisson et Christine Fourrier), sans pour autant sacrifier à la force et aux coups de tonnerre requis lors des finales…


Clément Taillia

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