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Giuseppe Di Stefano

Operatic recital

Colpito qui m'avete... Un di, all'azzuro spazio
Come un bel di maggio
(Umberto Giordano : Andrea Chenier)

Recondita armonia
E lucevan le stelle
(Giacomo Puccini : Tosca)

Non pianger Li
Nessun dorma
(Giacomo Puccini : Turandot)

Pourquoi me réveiller
(Jules Massenet : Werther)

Instant charmant... En fermant les yeux
(Jules Massenet : Manon)

La fleur que tu m'avais jetée
(Georges Bizet : Carmen)

Quel trouble inconnu me pénètre... Salut demeure chaste et pure
(Charles Gounod : Faust)

De mon amie
(Georges Bizet : Les pêcheurs de perles)

Zurich Tonhalle Orchestra
Franco Patanè

DECCA 475 6236
Durée : 41'55

Enregistré à Tonhalle, Zurich, Novembre 1958


La plus belle voix de ténor du monde ? Giuseppe Di Stefano possédait beaucoup d'atouts pour revendiquer le titre : un timbre ensoleillé, à la séduction immédiate, rapidement identifiable, naturellement élégant ; une diction impeccable, en italien bien sûr mais aussi en français, ce disque en apporte la preuve dans les deux langues ; une projection franche, spontanée, une belle longueur de souffle, un usage unique du pianissimo. Il suffit d'écouter, par exemple, la manière dont il exhale la dernière syllabe du mot "printemps" dans le lied d'Ossian (plage 7) pour en être ébloui.

En peu de temps, hélas, il réduisit à néant tous ces avantages. Car pour satisfaire un caractère généreux, il s'empara rapidement de rôles qui l'obligèrent à outrepasser ses moyens et à modifier sa technique avec, au final, un lourd tribut à payer : lorsqu'il enregistra ce disque en 1958, après seulement douze ans de carrière, il n'était déjà plus que l'ombre de lui-même. Des qualités énumérées ci-dessus, il ne reste que des bribes. Andrea Chenier et Calaf présents chacun deux fois dans le récital (plages 1, 2, 5 et 6), en portent une part de responsabilité. L'écoute de leurs airs s'avère éprouvante et on y trouve peu de moments de satisfaction. Pour un ou deux instants de grâce, il faut subir un chant forcé, dilaté, avec des sons exagérément ouverts, des notes aigües violemment extirpées, à la limite de la justesse. N'est pas Corelli qui veut.

Le répertoire français n'est pas beaucoup mieux servi. La prononciation de la langue est certes exemplaire pour un étranger, le plaisir plus fréquent mais l'impression générale reste douloureuse. "La fleur que tu m'avais jetée" (plage 9) se pare d'accents véristes plutôt que du ton de la confidence. Le contre si bémol final est balancé forte, une main sur le coeur, là il faudrait un murmure désespéré. "De mon amie" (plage 11) sonne comme une chanson de corps de garde et non comme l'aubade incantatoire voulue par Bizet. Seul le rêve de des Grieux (plage 8), qui exige plus que les autres airs l'usage de la demi-teinte, convainc un peu mieux.

Avant de prononcer un jugement trop définitif pourtant, on jettera une oreille attentive sur "E lucevan le stelle" (plage 4). Autant " Recondita armonia ", l'autre air de Tosca (plage 3), débraillé, est à mille lieux de la contemplation extatique qui devrait être sienne, autant la prière de Mario trouve comme rarement sa juste expression. La violente charge passionnelle qu'elle contient est amenée avec une surprenante sobriété. Pas de sanglots, pas d'effets mais une douleur brute, imparable. Des premières phrases prononcées avec douceur à la sincérité désespérée du "tanto la vita" final en passant par le merveilleux diminuendo sur " dai veli ", on touche au sublime.

La légende prend alors tout son sens car, à ce moment, se dessine enfin la silhouette non plus de "Pippo", ténor doué dont la voix lyrique ne s'accordait pas au tempérament dramatique, mais de celui qui fut le partenaire privilégié de Maria Callas.
  


Christophe RIZOUD




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