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5 questions à Antonio Moral

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Interview
11 décembre 2007

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Le Teatro Real de Madrid célèbre cette année le dixième anniversaire de sa réouverture après rénovation. Son ambition : devenir— par sa programmation et son niveau de qualité musicale et théâtrale — une institution cosmopolite à la hauteur des plus grandes d’Europe. Son Directeur artistique, Antonio Moral, est notamment fondateur de la prestigieuse revue Scherzo, conseiller musical de la Fondation Caja Madrid, créateur et directeur pendant cinq ans du Festival Mozart de La Coruña, membre du Jury international du Midem classique de Cannes…

Quand vous avez pris vos fonctions, il y a trois ans, quelles priorités ont été les vôtres ?

Avant mon arrivée, le Teatro Real était focalisé sur le XIXe siècle. Le reste était pratiquement oublié. Je pense qu’un théâtre lyrique doit offrir une diversité. Alors, ce que j’ai d’abord voulu, c’est ouvrir l’éventail de notre programmation aux quatre derniers siècles de l’histoire de l’opéra. Ainsi cette saison, sur dix-sept œuvres lyriques présentées, nous avons trois opéras baroques, six titres classiques, cinq titres romantiques, trois œuvres contemporaines. Je pense qu’il est intéressant de proposer au public non seulement un répertoire mais aussi de lui permettre de faire des découvertes. Certains des opéras que nous proposons avaient été peu ou même jamais donnés ici. Tancredi est seulement pour la deuxième fois à Madrid et la première au Teatro Real, le Viol de Lucrèce et Tamerlano sont donnés pour la première fois à Madrid et Orpheus und Eurydike de Krenek pour la première fois en Espagne.

Au-delà de la diversité et des œuvres rares, sur quels autres critères avez-vous construit cette première saison entièrement conçue par vous ?

Nous devons penser à notre programmation musicale comme un tout. Par exemple autour du Viol de Lucrèce de Benjamin Britten, nous avons organisé un cycle qui comprend de la musique de chambre, de la musique symphonique et un projet pédagogique pour les jeunes. Comme colonne vertébrale de notre saison, nous avons choisi Orphée parce que 2007 était le 400e anniversaire de Orfeo de Monteverdi qui est considéré comme le premier opéra. En plus de cet Orfeo, dirigé par William Christie, dans une nouvelle production de Pizzi, nous allons présenter en version de concert Orphée de Gluck dans la version de Paris pour ténor qui offrira une prise de rôle à Juan Diego Florez et aussi Orpheus et Eurydike, un opéra du compositeur autrichien Ernst Krenek, créé en 1926. C’est une œuvre très originale sur un livret du peintre et écrivain Oscar Kokoschka. Ce qui est très intéressant avec le mythe d’Orphée, c’est qu’il est récurrent dans toute l’histoire de l’opéra jusqu’à notre époque. Il y aura donc aussi un projet pédagogique sur ce thème. En plus de ces grandes mosaïques, nous proposons des jeux de miroir comme Tamerlano de Haendel et Bajazet de Vivaldi sur une trame dramatique semblable, ou encore Fidelio et Leonore en regard avec de la musique de chambre de Beethoven. Nous intercalons aussi trois opéras sur le thème de la mer : Gioconda, Tristan et Idoménée.

Naturellement, vous pratiquez une politique de co-production. Quels avantages y voyez-vous ?

Cette saison, c’est la première fois que le Teatro Real offre à son public huit nouvelles productions. Pour trois d’entre elles, nous sommes leader : Il Burbero di buon cuore, du compositeur espagnol Vicente Martin y Soler avec le Liceu de Barcelone ; Tancredi avec le Liceu de Barcelone, le Teatro de la Maestranza de Séville et le Teatro Regio de Turin ; Orfeo de Monteverdi avec La Fenice de Venise. Par ailleurs, Boris Godounov a été présenté à La Monnaie de Bruxelles et à l’Opéra du Rhin, Le viol de Lucrèce au Teatro Regio Emilia, Tristan und Isolde au Teatro San Carlo de Naples, La Gioconda au Liceu et aux Arènes de Vérone, Tamerlano au Mai musical Florentin, Fidelio au Théâtre Regio Emilia, à Modène et au Festival de Baden-Baden, L’affaire Makropoulos à l’Opéra national de Paris et au Liceu, Idoménée à la Scala et à Paris. Je pense que cette coopération entre théâtres a de grands avantages, non seulement économiques, mais aussi sur le plan des échanges culturels. Chaque production peut recommencer une nouvelle vie, dans une salle différente, devant un autre public avec une équipe artistique en majorité renouvelée. Ce partage est très intéressant.

Quand vous montez un nouveau projet, dans quel ordre, choisissez-vous l’équipe artistique ? D’abord, le metteur en scène ? Le chef ? Les interprètes ?

Chaque spectacle a une histoire particulière. Pour Orphée de Gluck, en version de concert, par exemple, j’ai tout de suite pensé au grand ténor péruvien Juan Diego Florez. Chaque metteur en scène a une personnalité. Par exemple, Chéreau s’intéresse particulièrement à la psychologie et à la direction d’acteurs. Dans le cas de Tancredi, j’ai choisi Yannis Kokkos parce que c’est un spécialiste des opéras statiques, capable de créer une ambiance, même avec une dramaturgie très mince. Ensuite j’ai souhaité associer ce metteur en scène très connu, qui possède une grande maturité avec un jeune chef italien, Ricardo Frizza, qui connaît très bien le répertoire rossinien. Ensemble, nous nous sommes dit : au lieu de faire comme les autres théâtres qui font un choix entre l’une des deux fins et pour le reste présentent une version mixte, pourquoi ne pas monter les deux versions comme elles l’ont été à l’origine ? Nous avons voulu offrir au public du Teatro Real six représentations de chaque option, en respectant tous les changements que Rossini avait fait dans les airs et dans les duos. Et, on s’aperçoit alors que toutes ces différences transforment complètement l’esprit de l’opéra. C’est donc très intéressant de faire une distribution spécifique pour les principaux rôles. Pour Tancrède, nous n’avons pas eu d’hésitation. Barcellona n’avait jamais fait la fin joyeuse et cela l’intéressait de la chanter. Ewa Podles, qui a chanté les deux, préfère la fin tragique. Et je pense que la personnalité de ces cantatrices — aujourd’hui les deux grandes interprètes de Tancredi — fonctionnait très bien ainsi. Barcellona a ce côté jeune et spontané convenant bien à la fin heureuse ; Podles cette grande capacité à émouvoir, nécessaire pour le dénouement tragique.

Les répétitions ont-elles été difficiles à gérer ?

Cela n’a pas été facile. En fait, cela a été plus compliqué que difficile. Pas pour les solistes qui n’ont jamais répété ensemble, mais pour l’orchestre, le chœur, et les seconds rôles qui participaient aux deux productions. Il y a des arias différentes, des récitatifs différents, des duos qui changent de place… C’était aussi très complexe pour les techniciens et les machinistes parce que les choses changent très légèrement. C’était vraiment un challenge. Mais les deux équipes — artistique et technique — ont extrêmement bien travaillé pour donner au public deux présentations de grande qualité.

 

Propos recueillis par Brigitte CORMIER

© Javier del Real

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