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Faut-il démocratiser l’opéra ?

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Actualité
21 janvier 2009

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Journées thématiques, occupation des salles de cinéma, happy hours lyriques… Les maisons d’opéra rivalisent aujourd’hui d’imagination pour inciter le grand public à franchir leurs portes. Dernière idée à la mode : descendre dans le métro. Tant d’efforts en valent-ils la peine ? Enquête à cent pieds sous terre.

 

 
Rolando Villazon, parrain de l’opération Tous à l’opéra en 2009
 

« Tous à l’opéra! » nous promet-on cette année encore en agitant, après celui de Natalie Dessay en 2007 et Roberto Alagna en 2008, le nom de Rolando Villazon. On compte en effet le 9 mai prochain sur l’énergie sympathique du ténor mexicain, nommé parrain de l’édition 2009, pour « accroître le public de l’art lyrique en faisant mieux connaître ses théâtres et ses métiers ». Avec 98.000 visites dans 28 maisons d’opéra (contre 75.000 dans 25 établissements en 2007), l’opération, déclinaison française des Journées Européennes de l’Opéra, est le fer de lance d’une tendance qui secoue depuis quelques années les grandes institutions lyriques : démocratiser l’opéra.

  

 

 

 

 

Déjà François Mitterrand à la fin des années 80 s’était emparé de la cause sainte. Croisade rocambolesque, prêchée par les deux Pierre (Bergé et Boulez) et narrée par Maryvonne de Saint-Pulgent dans un ouvrage qu’il faut  avoir lu(1). On sait où tout cela nous mena : à l’édification de l’Opéra Bastille, cette « mauvaise réponse à une question qui ne se posait pas » selon le mot d’Hugues Gall qui, des années plus tard, en accepta néanmoins la direction. Sans conteste aujourd’hui l’un des théâtres les moins accueillants de la planète tant à l’intérieur – salle démesurée à l’acoustique en berne, foyer frigorifique, bar kolkhozien – qu’à l’extérieur. Il a fallu dès 1996 emmailloter sa façade pour éviter qu’elle ne tombe sur la tête des passants. Aujourd’hui encore, la grande entrée est condamnée et l’édifice en rénovation. Bref, par rapport à l’objectif initial, un échec sur toute la ligne – le nouveau public promis et attendu ne fut pas au rendez-vous – et pour le mélomane parisien désormais, un mal inévitable.

 

Initiées en avril 2008, les retransmissions des représentations du Metropolitan Opera en direct et en haute définition dans les salles de cinéma semblent avoir mieux rempli leur mission démocratique. Mauvais joueur, Gérard Mortier voit dans le procédé un énorme coup de pub pour le Met et non pour l’opéra, se montrant même prêt à bouter l’ennemi hors des Champs-Elysées. Une telle opération a peut-être moins sa raison d’être à Paris qu’en Province mais, dans un cas comme dans l’autre, elle se joue à guichet fermé. Reste à voir s’il s’agit d’un effet de mode ou non. L’opéra sur grand écran est dans l’air du temps. Les dernières rediffusions des plus belles soirées de La Scala à l’Auditorium du Louvre(2) affichaient elle aussi complet.

  

 

Michele Capalbo interpréte Lady Macbeth dans le métro de Montréal.
 

Un tour exhaustif des maisons d’opéra en France et dans le monde se révélerait vite fastidieux. Il suffit de savoir qu’un peu partout les idées jaillissent. On préfèrera retenir pour l’exemple deux tentatives d’ouverture, parmi les plus originales. Les Happy Hours de l’Opéra de Rennes(3) d’abord. Des concerts « découverte » à prix modiques qui permettent de goûter pendant une heure aux joies de l’opéra, en toute convivialité avec en sus, la mise à disposition d’une garderie musicale pour les enfants. Pas si anodine que ça d’ailleurs, l’idée de la garderie. Elle vise à récupérer les jeunes ménages qui, dès la naissance de leur premier rejeton, pour une simple question de baby-sitter, ont tendance à déserter les salles de spectacle.

   

La scène suivante se passe dans le métro de Montréal. Michele Capalbo, Brian McIntosh, Roger Honeywell et John Fanning ont investi le 20 janvier dernier la station Berri-UQAM pour interpréter les plus grands airs du Macbeth de Verdi dont ils sont les solistes principaux salle Wilfrid-Pelletier du 31 janvier au 12 février. L’événement s’appelle MégaMétrOpéra, on aurait pu trouver un nom plus vendeur. Pourtant, très vite, un silence s’installe. Parmi les badauds qui s’arrêtent, certains s’assoient par terre pour mieux profiter de l’aubade et applaudissent chaleureusement. Le directeur général de l’Opéra de Montréal, Pierre Dufour, n’hésite pas lui aussi à mouiller sa chemise. « Cette initiative vise à démocratiser l’opéra » explique-t-il à la foule rassemblée.

 

D’une gare à l’autre, on évoquera aussi La Traviata représentée à Zurich, au milieu des voyageurs, et retransmises par Arte le 30 septembre dernier, les chanteurs évoluant le plus naturellement du monde parmi les trains et les passants, grâce à un dispositif complexe comprenant une quinzaine de caméras. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

 

Et pourtant, c’est à ne rien y comprendre. En même temps qu’on essaye d’ouvrir un peu partout l’opéra au plus grand nombre, on apprend que le gouvernement italien réduit drastiquement le budget culturel de ses institutions lyriques. Pire, plus près de nous, c’est Compiègne qui suspend sa programmation(4) ou l’Opéra de Saint-Etienne, brutalement dévié de la trajectoire remarquable sur laquelle l’avait propulsé Jean-Louis Pichon, alors même qu’il ne reste plus un siège libre au grand Théâtre Massenet pour Thais. Et si avant de démocratiser l’opéra, on pensait déjà à le sauvegarder…

 

 

 

Christophe Rizoud.

 

 

(1) Le syndrome de l’opéra, Paris : Robert Laffont, 1991

(2) Le programme de la saison est en ligne sur le site de l’Auditorium du Louvre.

(3) www.opera-rennes.fr/

(4) Lire la brève du 20 janvier dernier.

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