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Ian Rosenblatt, un mécène londonien

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Actualité
8 septembre 2014

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Faire fortune dans la City dans un cabinet d’avocats qui porte son nom, c’est chic. Ce qui est encore plus chic c’est qu’en l’espace de quelques années, Ian Rosenblatt s’est fait une raison de l’absence de modèle économique dans le monde de la musique et s’amuse, simplement, à programmer de grands chanteurs au Wigmore Hall et au Royal Albert Hall. Pour son plaisir et sa délectation personnelle. Et la nôtre, aussi.


Ian Rosenblatt, comment êtes-vous entré dans le monde de la musique ?

Tout a commencé il y a longtemps lorsque j’étais enfant, avec le même disque de La traviata qui était joué tous les matins sur le tourne-disque de mon père avant qu’il n’aille travailler à cinq heures. C’est là qu’est né mon amour des chanteurs. En 1999, j’ai eu l’occasion de sponsoriser un concert à Londres : le ténor José Cura qui devait se produire sous la direction de Placido Domingo ; Domingo a annulé et en définitive, Cura a dirigé le concert tout en chantant. Je suis avocat, je ne m’occupais que du sponsoring, j’avais acheté plusieurs places, supporté quelques postes de dépense et je me suis tellement amusé que j’ai décidé de prendre les choses en main et de lancer une série de récitals.

Est-ce qu’il existe un modèle économique pour le concert classique ?

Il est impossible de se faire le moindre centime en faisant la promotion de concerts classiques. D’abord, il n’y a pas moyen de réunir un public assez large, ensuite il n’est pas envisageable de vendre des places au prix qui couvrirait la location de la salle, la promotion du concert, le cachet des artistes : c’est absolument impossible. J’ai vraiment essayé, mais ça ne marche pas.

Serait-il envisageable de tendre vers une économie culturelle de type américaine ?

L’économie aux Etats-Unis repose sur les sponsors. Dans le cas de ma série de concerts, je suis à la fois l’organisateur et le sponsor. C’est du « lose-lose » (rires).

À ce stade de votre expérience, quel bilan tirez-vous ?

Globalement, plus de joie que quoi que ce soit d’autre. Evidemment, il y a de grands pics nerveux avec leur lot de stress, en particulier quand certains artistes ne se présentent pas ou tombent malade à brève échéance. Mais finalement, en dépit des annulations, nous sommes toujours parvenus à trouver des plans B.

Votre métier d’avocat vous influence-t-il dans la pratique de l’organisation de concerts ? Je crois que vous avez menacé un artiste de poursuites, ce qui est assez rare.

Parfaitement. Une basse très célèbre, alors marié à une célèbre soprano, que nous avions engagé pour un concert avec orchestre. Le concert était sold-out et coïncidait avec la sortie de son dernier disque chez Universal. Trois mois avant le concert, il m’a notifié qu’il ne se présenterait pas, ce qui – vous pouvez l’imaginer – m’a considérablement agacé. S’il s’était contenté de nous envoyer un certificat médical la veille du concert, je n’aurais rien pu faire, mais le fait de simplement dire « je ne viendrai pas » m’a permis de le menacer de poursuites. Et en définitive, il a fait un don à des œuvres caritatives et l’affaire fut réglée (rires).

Comment voyez-vous l’évolution de votre série de concerts ?

Pour l’instant nous travaillons sur une base de dix concerts chant-piano par an, essentiellement au Wigmore Hall. Occasionnellement – environ une fois tous les deux ans – si nous parvenons à mettre la main sur un artiste dont la réputation est suffisante, nous organisons un concert avec orchestre dans une plus grande salle. Nous avons organisé des concerts au Royal Festival Hall de Londres, au Royal Albert Hall, au Queen Elisabeth Hall – il est indispensable que l’artiste soit très populaire et dans ce cas il n’est pas impossible d’amortir les coûts, mais l’opération reste très délicate, financièrement. Un des exemples est Juan Diego Florez, qui a fait ses débuts en concert à Londres en 2001 dans notre série et qui est revenu cinq fois depuis. Son dernier concert en date a pris place au Royal Albert Hall – la plus grande salle de la ville, pour la musique classique, environ 7000 places – et il ne restait plus une seule place à vendre.

En l’absence de modèle économique, trouvez-vous un retour sur investissement d’ordre musical ?

Oui, un énorme retour sur investissement musical. J’ai réuni un fabuleux catalogue d’enregistrements, des archives et bon nombre d’artistes programmés dans notre série y ont fait leurs premiers récitals londoniens – pour deux d’entre eux ce furent même des débuts professionnels – et aujourd’hui certains de ces artistes sont des stars internationales.

En marge de tout cela, vous organisez un petit festival en dehors de Londres ?

J’ai un petit festival dans le Devon, consacré à la musique au sens large. Il en est à sa deuxième édition cette année, dans un tout petit village sur mer ; on y trouve une église millénaire et une salle municipale, j’invite des artistes internationaux à s’y produire, les concerts parfois se font sur la plage. Il y en aura cinq cette année.

Quand on entend des organisateurs de concerts parler de leur métier, ça a l’air assez terrible. Pourquoi un être humain sensé voudrait-il s’infliger ça ?

Je ne suis pas un être humain sensé. Avec la progression du Festival, une organisation méticuleuse s’est mise en place autour de ma petite équipe. On programme nos saisons deux ans à l’avance et à moins que les artistes changent de cap ou s’acoquinent d’un agent qui leur impose d’autres choix de carrière, les choses se passent bien. Chacun a sa responsabilité dans l’équipe : l’accueil des artistes, la programmation et le marketing. C’est une organisation dont les rouages sont bien huilés.

Qu’est ce qui pourrait vous faire arrêter ?

Ne plus avoir d’argent.

Justement, quand Alberto Villar – célèbre mécène – a connu des désillusions financières, il ne s’est pas trouvé grand monde parmi ses anciens protégés pour voler à son secours.

Ce n’est pas mon rôle de commenter ce cas particulier. Vous m’effrayez un peu en évoquant des hommes qui soutiennent les arts et qui trébuchent pour des raisons professionnelles. Mais plus sérieusement, cette série de récitals est très excitante, chaque mois, j’engage quelqu’un qui sera peut-être le plus grand chanteur de demain. C’est une situation aussi fascinante que gratifiante.

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