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Sonya Yoncheva : « J’aime Leïla, car elle est profondément humaine »

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Interview
14 juin 2012

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© Снимка: Javier de Real

Mais où s’arrêtera donc Sonya Yoncheva ? De Monteverdi à Puccini, en passant par Mozart, Massenet, le belcanto, la création contemporaine (Welcome to the Voice avec Marie-Ange Todorovich et Elvis Costello en 2008) ou encore les chansons de Vladimir Cosma, la curiosité de la soprano bulgare paraît sans limite. En l’espace de cinq ans, elle n’a pas seulement séduit William Christie ou Placido Domingo, elle s’est aussi forgée un nom et est en passe de conquérir la planète lyrique. Quelques jours avant ses débuts en Leila (Les Pêcheurs de perles), dans la nouvelle production de l’Opéra Comique, elle répond à nos questions.

Vous adorez la scène, mais c’est à la télévision que vous avez débuté, remportant en 2000 un premier concours de chant avec Marin Yonchev, votre frère. Quel(s) souvenir(s) en gardez-vous?

C’était une époque de grande crise en Bulgarie. Nous étions en plein hiver, les magasins étaient vides, il n’y avait pas de nourriture, rarement de l’électricité et dans les rues, les gens étaient tristes … C’est dans ce contexte que ma mère nous emmenait, mon petit frère et moi, à Sofia, pour chanter et rendre le sourire au peuple bulgare. Elle comptait ses derniers sous en achetant les billets de train, tout en gardant la tête froide. Mais son regard brillant et déterminé nous assurait que c’était la bonne voie et que nous étions destinés, tous les deux, à la scène. Quand nous avons gagné ce concours, j’ai enfin commencé à croire en sa « folie » [sourire].

Depuis lors, comment votre voix a-t-elle évolué et comment faites-vous pour la préserver en multipliant les expériences les plus diverses ?

Elle a bien évidemment mûri, elle est devenue plus féminine, plus ronde. Ces dernières années, j’ai exploré différents répertoires qui m’ont offert la possibilité de connaître un peu mieux ma voix. Je chante avec mes tripes, mais au-delà de l’émotion, je m’efforce de retrouver la prononciation juste de la langue et du texte choisis par le compositeur. Les personnages que j’interprète trouvent leur place dans mon corps et ce sont eux qui dirigent ma voix. C’est le seul moyen dont je dispose pour apporter à la musique sa juste énergie, que ce soit du baroque, du jazz ou du belcanto, tout en préservant ma voix. Pour moi, le naturel est un must !

Entre Sting, Vittorio Grigolo et Max-Emanuel Cencic, avec qui le courant passe-t-il le mieux ?

Difficile de choisir, car tous les trois ont une forte personnalité ! Sting, c’est le naturel, Vittorio, le feu, et Max-Emanuel, la diva. Ma rencontre avec Sting a été fort importante, car cet artiste m’a conforté dans l’idée que la musique était sans limite et qu’on pouvait, même en étant au départ une rock star, se réincarner en un personnage classique pour aborder, par exemple, l’exigeant Dowland. De plus, il le fait avec un tel charisme !

Le charisme, vous n’en manquiez pas non plus dans L’Incoronazione di Poppea mise en scène par Jean-Marie Sivadier !

Avec Jean-François, ce fut le coup de foudre ! Il m’a laissé une liberté totale dans l’approche émotionnelle du personnage tout en demeurant fidèle à sa propre conception de Poppée. Il a voulu voir nos personnalités dans les rôles et vice-versa, en restant toujours attentif et à l’écoute de chacun. Une telle liberté, c’est pour moi le paradis !

Après avoir chanté votre première Thaïs à Moscou, vous allez incarner Leila, à l’Opéra-Comique. Comment préparez-vous un nouveau rôle et quelle est votre approche de Leïla?

En général, je commence par la préparation psychologique. Tout d’abord, je découvre le texte de mon personnage et je l’écris à la main, à plusieurs reprises, pour bien comprendre les paroles, mais également les mémoriser. Ensuite, je joue ma partie au piano et j’essaye de lire l’œuvre. J’ai la chance d’être instrumentiste, ce qui me donne la possibilité d’avoir une vue plus verticale de la partition. Après, c’est le travail avec le metteur en scène et le chef d’orchestre. J’apprécie quand le personnage devient le fruit d’un véritable travail en équipe, où règnent l’égalité et le respect mutuel.
J’aime Leïla, car elle est profondément humaine. Elle était destinée au monde spirituel, mais elle n’a pas voulu renoncer à l’amour, à l’instinct animal qui est en chacun de nous. En outre, ce qui me fascine chez elle, c’est sa foi, en même temps que sa dignité lorsqu’elle défend son choix, son homme. Cette détermination, typiquement féminine, a été toujours été une référence dans ma vie. Le duo entre Leïla et Zurga à la fin de l’opéra, est particulièrement fort pour moi, en tant qu’interprète aussi bien qu’en tant que femme.

Contrairement à de nombreux jeunes chanteurs, vous n’avez pas eu besoin d’enregistrer un récital pour vous faire connaître, le Jardin des Voix (2007) puis le Concours Operalia (2010) ayant donné une impulsion décisive à votre carrière. Avez-vous néanmoins des projets au disque, des envies ?

Je suis en train de choisir le programme de mon premier CD, qui paraîtra début 2013. Je me suis centrée sur le répertoire du XIXe siècle. D’autres projets autour du baroque français mais aussi italien me tiennent à cœur, également autour du belcanto, du vérisme, de la musique de film, ainsi qu’un disque 100% slave. J’espère avoir la santé ainsi que l’inspiration pour les réaliser !
 
Propos recueillis par Bernard Schreuders, 28 mai 2012

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