Le festival d’été de l’opéra de Munich offre chaque année l’occasion de voir et d’entendre les plus grands chanteurs, accompagnés des meilleurs chefs dans une des institutions les plus dynamiques d’Europe. En guise de mise en bouche, la reprise pour une soirée seulement d’Arabella, créée en 2015, avec une distribution largement reconduite autour d'Anja Harteros.
Une friandise servie un peu tiède il faut bien l’avouer. La première partie voit la soprano allemande sur la réserve, toujours méticuleuse avec le texte, toujours inspirée dans les couleurs qu’elle peut distiller d’une syllabe à l’autre, mais néanmoins gênée dans le registre supérieur qui se resserre à mesure qu’il se tend. « Mein Elemer » à la fin du premier peine à faire sentir le dilemme de la jeune fille et c’est bien davantage la Zdenka d’Hanna-Elisabeth Müller qui brille, voix fruitée et agile, tout en legato et demi-teintes. Le deuxième acte commence sur la même trajectoire où la reprise du duo de la déclaration amoureuse (« Und du wirst mein Gebieter sein ») laisse miroiter les limites des moyens. Heureusement, le troisième acte qui rapproche Bella de la Maréchale, rôle où Anja Harteros excelle, lui redonne aplomb et assurance vocale. Finies cependant, les nuances dont elle a paré son chant toute la soirée malgré les menues difficultés, toute la scène finale est déclamée avec vigueur. Thomas J. Mayer présente lui aussi en première partie un certain nombres de faiblesses, dont un haut de registre blanchi, à l’image de ce qu’il donnait à entendre déjà à Londres le mois dernier. Si le timbre manque d’épaisseur pour donner chair à ce personnage mal dégrossi, il faut louer son legato et son endurance. Au lieu de le voir s’effacer, Thomas J. Mayer gagne en présence, délivre un deuxième acte de bonne tenue et rivalise avec sa Bella dans le dernier acte. Benjamin Bruns (Matteo) se libère aussi au retour de l’entracte et livre un troisième acte tout en vaillance. Papa et Mama Waldner trouvent deux interprètes truculents en Kurt Rydl – indéboulonnable et en belle forme malgré un vibrato sinusoïdal – et Doris Soffel qui rien ne semble devoir arrêter à 72 ans. La troupe de l’Opéra de Bavière complète cette distribution sans briller particulièrement : Dean Power (Elemer) en manque justement, de même que Johannes Kammler (Dominik). Si Gloria Rehm dispose de la ressource requise pour exécuter les pirouettes de Fiakermilli, il lui en manque la précision. Enfin Torben Jürgens convainc immédiatement lors des quelques interventions de Lamoral.
La mise en scène d’Andreas Dresen vaut surtout pour son dispositif scénique de double escaliers croisés et incurvés juchés sur une tournette : élégant et efficace pour définir des espaces scénique et gérer des entrées et des sorties dynamiques. Est-ce parce qu’il fait le choix de transposer l’action dans les années brunes, années qui voit la conception de ce dernier opus du duo Hofmannsthal/Strauss, que l’ensemble reste sombre malgré le marbre blanc des marches ? D’autant que l’on voit guère où il veut en venir avec cette transposition, sauf à considérer que la fête de la fin du deuxième acte en costumes et bottes de cuir, surpiquée des corps nus de quelques figurants, manquait cruellement à notre lubricité...
Constantin Trinks vient égayer cette grisailles d’une direction raffinée où les pupitres sont remarquablement fondus les uns aux autres. Le plateau bénéficie d’un écrin sonore aux multiples couleurs, respectueux des ambiances et folklores que Strauss dissémine.
Comédie Lyrique en 3 actes de Richard Strauss
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Créée en 1933 à Dresde
Mise en scène
Andreas Dresen
Décors
Mathias Fischer-Dieskau
Costumes
Sabine Greunig
Lumières
Michael Bauer
Dramaturgie
Rainer Karlitschek
Arabella
Anja Harteros
Zdenka
Hanna-Elisabeth Müller
Mandryka
Thomas Johannes Mayer
Comte Waldner
Kurt Rydl
Adelaide
Doris Soffel
Matteo
Benjamin Bruns
Elemer
Dean Power
Dominik
Johannes Kammler
Lamoral
Torben Jürgens
Die Fiakermilli
Gloria Rehm
La cartomancienne
Heike Grötzinger
Jankel
Tjark Bernau
Welko
Bastian Beyer
Le serveur
Milan Siljanov
Djura
Vedran Lovric
Choeurs de l'Opéra d'Etat de Bavière
Orchestre de l'Opéra d'Etat de Bavière
Direction musicale
Constantin Trinks
Munich, Opéra d'Etat de Bavière, samedi 7 juillet 2018, 18h
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Après avoir dominé la scène baroque pendant plus d’une décennie, Véronique Gens s’est établie une solide réputation à l’international et est aujourd’hui considérée comme l’une des meilleures interprètes de Mozart.
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