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Comme dans les sandales de Roberto

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Edito
1 août 2009

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J’aime Noël, ses lampions, ses froidures, et l’idée de changer d’année m’enchante, quoi que ce soit un pas supplémentaire vers la mort. Il faut cependant admettre que sous nos latitudes, la fin de l’année civile est toujours laborieuse, sombre, difficile, humide, et le versant de l’an passe sans presque que nous en ayons conscience.

Non, la véritable fin de l’année, c’est le mois d’août, quand soudain un immense soulagement vient dilater les esprits, rouvrir les âmes fermées à double-tour par la malédiction du travail, et enfin mettre notre pouls à l’unisson du monde.

Comme l’année fut bonne ! Nous avons entendu des musiciens de haute volée, assisté à des spectacles inoubliables, beaucoup ri, nous avons eu envie de faire avaler à des salles entières des cargaisons de pilules contre la toux, nous avons beaucoup pleuré et avons bondi de nos sièges, reconnaissants et éperdus, nous avons jeté des fleurs et, parfois, mémé dans les orties, voire bébé avec l’eau du bain, bref ce fut une belle, une grande année lyrique.

Et puis, surtout, nous avons fait ce que nous autres lyricophiles adorons faire : nous avons critiqué, médit, polémiqué, nous avons décortiqué les voix, dépiauté les mises en scène, passé au scanner ultra-sensible des distributions, nous avons crucifié des directeurs, fusillé des décorateurs, carbonisé des sopranos et atomisé des ténors, nous avons écartelé maint chef d’orchestre avant de leur broyer la cervelle avec nos tenailles rougies au feu, nous avons noyé sous la bile des barytons et moqué amèrement des mezzos, avons snobé des débutants et enterré vivantes de vieilles gloires… Oh ! comme ce fut bon !

Nous avons même fait mieux : entre nous, les lyricomanes, les intoxiqués de la glotte, nous nous sommes jeté des peaux de bananes, les insultes ont volé, les méchancetés ont fusé, nous nous sommes traités d’ignorants, de pédants, de traîne-savate, de baroqueux en pyjama, de wagnérophiles nazifiés, de minus habens, de sourds, de malades mentaux, de monomaniaques. Nous avons fait se heurter dans un cliquetis d’armes médiévales nos partis pris et nos préjugés, nos enthousiasmes et nos dégoûts, et le sang partout a giclé dru. Ce fut un spectacle hilarant, à se tenir les côtes, et si les têtes ont roulé, si des corps entiers furent dilacérés, si l’opprobre et la honte ont pu pleuvoir, ce fut toujours dans un climat de gaieté et avec de grands éclats de rire.

L’idée me taraude cependant que certains orgueils aient pu se froisser ou des âmes sensibles se sentir lésées.

Aussi, au moment de rejoindre mes montagnes, mes lacs et mes glaciers, pour emplir, dans le silence qu’habite seulement le doux sifflement du vent, la citerne de mon âme de cette substance profuse dont ensuite je ferai toute l’année profiter sans mesure mes lecteurs, au moment donc de quitter ces régions, je salue tous ceux qui nous ont lu et ont écrit sur ces pages.

Je veux leur dire que je les aime parce qu’en ces temps de disette spirituelle, éthique et artistique, eux seuls encore savent aimer ce qui est beau et bon, et salutaire, que cela ait nom Mozart, Haendel, Janacek, Bach, Berg, Wagner, Puccini, Donizetti, Moussorgski, Boesmans ; parce que dans la diversité de nos goûts et de nos aspirations, nous vénérons en somme la même idée, que quelque chose nous dépasse, nous transcende, nous transporte – la voix, le théâtre, la musique, l’Art enfin, qui peut-être, pour certains, sont le visage de Dieu même.

Allons, il est temps que je me chausse et que j’empoigne le lourd bâton de mes pérégrinations. A tous, compagnes, compagnons, je souhaite le repos et la paix, car c’est de cela que la Musique vivra, et que par elle nous serons grandis.
 
Sylvain Fort

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