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De retour du silence

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1 septembre 2009

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De retour du silence

 

Comment allez-vous ? Les vacances ? Bien ? Mémorables ? Moi, pas mal, merci. Nous sommes entre mélomanes, donc j’y vais de ma question : Vous avez entendu de belles choses ? Les festivals : à la hauteur ? Tout le petit tralala des concerts d’été : intéressant ? Pour ma part, cette année, rien, rien du tout. On n’a jamais tellement aimé les festivals et les concerts d’été. Soit on côtoie une jet-set culturelle sortie d’on ne sait où, portant des chemises délirantes et des lunettes bizarres, avec des tongs en croco, soit on se frotte au bon peuple des vacanciers dont on hume toute la soirée le parfum de frite-saucisse et d’huile solaire. Et puis, si c’est dehors, à 21 heures on risque la pneumonie, si c’est dedans, on s’écoule en litres de sueur. Et si c’est climatisé, on est bon pour les urgences, alors…

 

J’avais emporté des disques et mon iPod et puis voilà : arrivé sur place, c’était pas les bonnes prises de courant. Ce que c’est que sortir de France. On se rend compte qu’on est une contrée exotique, la civilisation, c’est les autres. Flemme de sortir acheter une nouvelle prise. Pas de musique. Pas de radio. Pas de télé. Quelques journaux oubliant de recenser les festivals internationaux et préférant relater comment la bouchère du village voisin a trucidé son boucher de mari avec la scie électrique pour le gigot : « ça m’a étonné comme ça coupait bien », a-t-elle déclaré.

 

D’où une expérience qui depuis longtemps ne m’avait pas été offerte : trois semaines de silence complet. Mais alors, total. Même pas une boîte de nuit ou une fête locale pour faire du bruit tard dans la nuit. Parfois je croyais qu’on frappait à la porte, mais c’était le sang dans ma boîte crânienne.

 

Comme j’aime bien beugler des airs d’opéra, je me suis dit que ça remplacerait l’absence de musique. A peine étais-je à la troisième mesure de la cavatine de Faust, paf, aphone. Plus possible de proférer un son pendant quinze jours. Donc, j’ai traîné dans un cybercafé louche pour aller sur le forum de Forum Opéra, comme ça au moins je pouvais lire deux trois nouvelles du monde lyrique.

 

Bref, je rentre de vacances et je me précipite sur mes disques, sur Youtube, sur tout ça et je me dis : « houlàlà, quel boucan ! » C’est fou, ce volume sonore, les Mahler supersoniques, les Wagner hurlatoires, et même le crincrin des instruments d’époque (enfin il paraît que maintenant il faut dire : des « instruments-copiés-de-ceux-d’époque-mais-faits-pas pareils-donc-différents ». En fait, les instruments d’époque c’est comme David Guetta, jamais personne n’avait, Dieu merci, entendu un son pareil). Tout ça m’agresse, c’est affreux.

 

Finalement, la musique, enregistrée ou pas, suppose quand même un certain état de nerfs : il vaut mieux être un peu aiguisé, voire un peu énervé, un peu en boule, pour recevoir la musique. La sensibilité, c’est une question de capillarité vasculaire. Et je me suis imaginé un logis bourgeois voici cent ans, quand on n’avait pas tous ces moyens de s’injecter de la musique. On en faisait soi-même, mais alors pas longtemps parce que ça fatigue et puis les voisins râlent. Ou alors on lisait des partitions mais c’est dur, ça exige un sacré apprentissage. Ou bien on allait au concert de temps en temps. Le reste était silence, profond, pur, complet. Les nuits étaient calmes. On avait pas les nerfs en pelote comme maintenant. On était moins tout électrisé tout le temps par des sonorités transpirant de partout.

 

Et du coup, peut-être que, quand on écoutait un peu de musique, parfois, comme ça, jamais en fond sonore mais vraiment parce qu’on avait envie, pendant une heure ou deux, peut-être dis-je la recevait-on plus profondément, plus nécessairement, plus durablement. On était moins nerveux, mais un peu plus délicat, si ça se trouve. Chaque note pesait son juste poids.

 

J’ai même fait l’essai. J’ai écouté un trio de Brahms (l’opus 101) une seule fois, en me disant que ce serait la seule musique que j’écouterais pendant deux pleines semaines. Hé bien, il m’a jailli à la figure comme l’eau glacée d’un ruisseau de montagne. Je l’ai encore dans l’oreille. Je ne le réécoute pas. Je le laisse résonner. Il s’entoure de silence. Il se fond dans mon silence à moi. Il m’est utile et salutaire. Je lui découvre des vertus qu’auraient balayé l’écoute immédiatement successive de La Ville Morte ou des Puritani. Vous vous souvenez de ce petit rire du violon dans l’allegro ?

 

Non ?

 

Alors peut-être qu’un peu de silence vous ferait du bien.

 

Je dis ça comme ça, vous faites comme vous voulez. Bonne rentrée à tous.

 

Sylvain Fort

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