Découvrir le ravissant São Carlos de Lisbonne avec une Traviata est un défi. Le charme suranné de ce bâtiment néo-classique est resté dans son jus. Sa salle rococo mordorée, son plafond peint, ses quatre étages de balcons, ses sièges de velours vieux rose, ses ors patinés, sa loge royale grandiose... surtout, son passé lyrique glorieux en font un lieu de légende. De grandes cantatrices y ont marqué ce rôle ô combien exigeant : Adelina Pati (1886), Renata Tebaldi (1950), Joan Sutherland (1974), Maria Callas (1958).
Y entendre aujourd’hui une Traviata après avoir écouté le live in loco de Maria Callas avec Alfredo Kraus alors que la voix n’était plus à son zénith mais où l’émotion de sa Violetta était à son comble, renforce la gageure. Et la revoir sur cette scène dans l’une des productions les plus acclamées de Pier Luigi Pizzi, le grand metteur en scène italien – héritier de Giorgio Strehler – scénographe et costumier dont le talent et l’esthétique raffinée ne sont plus à mettre en question fut un immense plaisir, comme nous nous y attendions. L’exactitude des costumes second empire, le luxueux tombé des draperies, le chatoiement des étoffes, le grand miroir en fond de scène, les belles lumières de Massimo Gasparon sont en parfaite adéquation avec le chef-d’œuvre de Verdi. Les mouvements de foules ainsi que les placements des chœurs, danseurs et chanteurs sont réglés au cordeau. Décidément la griffe Pizzi est indémodable.
Musicalement, le compte n’y est pas vraiment. Il semble que le chef italien Michele Gamba n’arrive pas à obtenir de l’orchestre la vivacité et les nuances requises. Durant les deux premiers actes, il veille surtout à faire avancer la narration et à jouer forte, nonobstant les décalages entre la fosse et les chœurs, mais sans jamais couvrir les solistes. Le dernier acte est émouvant à souhait.
On ne peut qu’admirer la prestation de la belle et élégante soprano russe Ekaterina Bakanova. Comme le note Maurice Salles, elle travaille beaucoup en Italie ; la diction est correcte, la voix est longue et souple. Bien qu’elle ne semble pas être une tragédienne qui prend aux tripes, l’engagement dramatique est indéniable. Son « Sempre libera » est exécuté avec brio.
Les Germont, fils et père sont à demi-satisfaisants. Si Luís Gomes (Alfredo) possède une voix saine et une bonne projection, son jeu d’acteur est certainement perfectible. Le jeune ténor portugais en début d’une carrière déjà prometteuse devait chanter une seule des cinq représentations de la série. Le retrait du chanteur italien, Ivan Magri, lui a laissé tout le poids de ce rôle exigeant. Quant au baryton anglais, Alan Opie, il joue avec une grande autorité le rôle de Giorgio Germont, pivot de l’action, mais les magnifiques airs et duos sont loin d’envoûter l’oreille comme on l’espère. Force est de reconnaître l'usure de la voix. Hormis La Flora de Joana Seara, aucun personnage secondaire ne se distingue.
Cette dernière représentation est applaudie à la hauteur de l’œuvre ; seule Bakanova sort du lot. Nous ressentons non pas une déception mais une certaine nostalgie.
Opéra en trois actes de Giuseppe Verdi, sur un livret de Francesco Maria Piave
Créé au Teatro La Fenice, Venise 6 mars 1853 Paris
Mise en scène
Scénographie
Costumes
Pier Luigi Pizzi
Reprise mise en scène et lumières
Massimo Gasparon
Violetta Valéry
Ekaterina Bakanova
Alfredo Germont
Luís Gomes
Giorgio Germont
Alan Opie
Annina
Carolina Figueiredo
Flora Bervoix
Joana Seara
Baron Douphol
Mário Redondo
Marquis d’Obigny
João Merino
Dr. Grenvil
João Oliveira
Giuseppe, servante de Violetta
Diocleciano Pereira
Gastone
João Cipriano
Coro Teatro Nacional de São Carlos
Giovanni Andreoli
Orquestra Sinfónica Portuguesa
Michele Gamba
Teatro Nacional de São Carlos, Lisbonne, Lundi 18 juin 2018 - 20h
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