Au milieu d’un weekend dantesque où quatre opéras étaient programmés (Elektra et deux nouvelles productions, Lohengrin et I Capuleti e i Montecchi), l’Opernhaus Zurich donnait L’elisir d’amore le dimanche en matinée. Cette production de répertoire d’une œuvre assez courte, laissait le temps de préparer la scène pour le spectacle suivant, cependant qu’un public jovial venait se divertir tout en s’abritant de la chaleur estivale.
Le tableau idyllique s’arrêtera là. Diana Damrau, qui devait chanter Adina, s'étant fait porter pâle, elle est remplacée au pied levé par une jeune Italienne, Eleonora Buratto. Elle commence la représentation discrètement dans la première scène avec chœur avant de se lancer pleinement une fois la voix chauffée. La prestation globale est plus qu’honnête : le timbre agréable met en valeur les nuances auxquelles elle s’efforce. Elle tente peu de variations et l’art belcantiste restera au total sommaire. D'autant que les vocalises sont plus aléatoires – défaut que partage l’ensemble de la distribution alignée – notamment lorsque la battue de Giacomo Sagripanti se fait trop vive. Pavol Breslik rattrape par une belle « furtiva lagrima » une représentation décevante : la projection est très faible, a fortiori dans un auditorium comme celui de l’Opernhaus, et là encore les couleurs et les nuances sont assez chiches. A la différence de sa partenaire, pétillante sur scène, l’acteur est gauche, ne sachant trop comment se tenir. Le reste de la distribution est médiocre. Le Dulcamara de Lucio Gallo savonne et est en difficulté sur le haut de la tessiture, du coup la voix déjà blanchie fatigue au fil de la soirée, au point d’être presque inaudible dans les ensembles. Massimo Cavalletti (Belcore) et Hamida Kristofferseb (Giannetta) ne relèvent pas ce niveau global : chant assez fruste, peu coloré et passe partout.
L’ennui se distille aussi d’une production hors d’âge, où le même gag – un faux sanglier traverse la scène, hilarant n’est-ce pas ? – est répété à plusieurs reprises. Le coté volontairement désuet de l’ensemble, du rideau de scène accordé aux décors en carton-pâte et aux accessoires tout droit inspirés d’un dessin animé, ne sauvera en rien une dramaturgie inexistante. Entrées, sorties et mouvements se négocient sur l’avant-scène la plupart du temps. Au contraire même, devant un travail si peu inspiré et l’absence de vie interne au spectacle, le dispositif lasse l’œil pour finir par alourdir tout à fait la soirée.
La direction d’orchestre aurait pu encore égayer l’ensemble. Mais, ajoutant à l’ensemble son trait de fadeur, Giacomo Sagripanti confond rapidité d’exécution avec dynamisme. Les tempi mettent à mal les solistes, on l'a dit, ainsi que le chœur dont la virtuosité belcantiste n’est pas la première qualité. Etonnement enfin, l’orchestre pourtant si beau la veille dans Lohengrin sonne asséché.
Melodramma giocoso en 2 actes
Livret de Felice Romani
D'après Le Philtre d'Eugène Scribe
Créé à Milan, Teatro della Canobbiana le 12 mai 1832
Mise en scène
Grischa Asagaroff
Décors et costume
Tulio Pericoli
Design scénique
Gigi Saccomandi
Lumières
Jürgen Hoffmann
Adina
Eleonora Buratto
Nemorino
Pavol Breslik
Il Dottore Dulcamara
Lucio Gallo
Belcore
Massimo Cavalletti
Giannetta
Hamida Kristofferseb
Figurant
Jan Pezzali
Chor der Oper Zurich
Chef des choeurs
Jürg Hämmerli
Direction musicale
Giacomo Sagripanti
Opernhaus Zurich, dimanche 5 juillet, 14h
VOUS AIMEZ NOUS LIRE…
… vous pouvez nous épauler. Depuis sa création en 1999, forumopera.com est un magazine en ligne gratuit et tient à le rester. L’information que nous délivrons quotidiennement a pour objectif premier de promouvoir l’opéra auprès du plus grand nombre. La rendre payante en limiterait l'accès, a contrario de cet objectif. Nous nous y refusons. Aujourd’hui, nous tenons à réserver nos rares espaces publicitaires à des opérateurs culturels qualitatifs. Notre taux d’audience, lui, est en hausse régulière avoisinant les 160.000 lecteurs par mois. Pour nous permettre de nouveaux développements, de nouvelles audaces – bref, un site encore plus axé vers les désirs de ses lecteurs – votre soutien est nécessaire. Si vous aimez Forumopera.com, n’hésitez pas à faire un don, même modeste.
Après Maria Stuarda à Genève, les prochains projets de Mariame Clément la conduiront entre autres à Madrid, Glyndebourne et Vienne.
© 2018 - Mentions légales - Tous droits réservés - Publicité - Site réalisé par Damien Ravé