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L’opéra-comique, le Gavroche de la Musique

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Livre
8 mars 2011
Sympathique et savoureux

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3

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Détails

Maryvonne de Saint Pulgent
L’opéra-comique, le Gavroche de la Musique
Découvertes Gallimard, Paris, 2011-128 p.

Quelle bonne idée de publier ce livre, qui raconte avec verve l’histoire de l’opéra-comique, alors que la Salle Favart retrouve aujourd’hui son lustre et sa vitesse de croisière ! Les livres de la collection Découvertes de Gallimard sont toujours de très beaux objets, des opuscules dont l’iconographie luxuriante est riche en documentations de toutes sortes et dont le texte est concis et sérieusement documenté. Un « Que sais-je », en quelque sorte, version « glamour sur papier glacé », ce qui ne gâte rien, au contraire !
 

En l’occurrence, Maryvonne de Saint Pulgent, actuelle Présidente du Théâtre de l’Opéra Comique, se propose de raconter, en un peu moins de cent pages, l’histoire mouvementée et souvent bien embrouillée de l’opéra-comique français (à noter que l’orthographe du genre, contrairement au théâtre lui-même, comporte un sympathique trait d’union). Et aussi l’histoire des lieux qui l’ont accueilli, depuis ces temps lointains où de simples tréteaux de foire avaient présidé à sa naissance, jusqu’à son installation Boulevard des Italiens, dans ce bijou de théâtre qui l’abrite encore aujourd’hui.

 

Ce livre se lit d’une traite. Le style est simple, direct, précis. Il permet à l’auteur de démêler, de manière claire et souvent amusante, l’écheveau pourtant complexe de la gestation de ce mouvement théâtral et musical jusqu’à son apogée au XIXe siècle.

Un genre qui est né sous le régime des contraintes et des interdits de toutes sortes, quand théâtre et musique étaient des monopoles royaux. Ce qui fait dire à Maryvonne de Saint Pulgent que le puissant Lully, à la tête de l’Académie royale de Musique, autorisait cette dernière à « sous-traiter » afin de permettre ces spectacles forains où le chant devait alterner avec du texte parlé. L’opéra-comique, aux foires St Germain et St Laurent, serait ainsi né d’une sous-traitance !

L’iconographie sélectionnée est exemplaire. Outre les habituelles reproductions de tableaux d’époque ou de photos de spectacles, on y trouve des copies de budgets, les premières affiches, des contremarques, des articles de presse, et surtout des plans qui permettent de mieux comprendre, par exemple, comment était construit le théâtre de la Foire St Laurent, dans ce périmètre où se trouve aujourd’hui l’église du même nom, près de la Gare de l’Est. Braves forains lyriques perpétuellement aux aguets, chassés un jour, autorisés le lendemain, ils sont la voix du peuple, et les acteurs rusent quand il faut, au point de faire chanter le public quand on leur donne l’ordre de se taire sur les tréteaux, ou d’utiliser le jargon quand on leur interdit de déclamer les textes dans la langue en usage à la Comédie Française. Ce côté frondeur donnera cette saveur si particulière au genre lyrique populaire français même quand il s’embourgeoisera (un peu trop !) dès la gestion de Favart à la fin du XVIIIe siècle. Dommage sans doute qu’il ait perdu aussi vite sa verdeur, son insolence et cette expression populaire, qu’un genre plus tardif comme la zarzuela espagnole du XIXe siècle, beaucoup moins bourgeoise, a eu la chance de préserver jusqu’au XXe siècle, à l’image du théâtre musical populaire anglo-saxon.

Le livre fourmille d’anecdotes qui viennent toujours éclairer le propos. Mozart qui s’inspire de Favart pour Bastien ou de Lesage pour l’Enlèvement (Ces Pèlerins de la Mecque inspireront aussi Gluck). Les termes du jargon professionnel des chanteurs : la Dugazon, le Trial, le Baryton Martin qui viennent du nom d’artistes de la troupe de l’Opéra Comique. Nina de Dalayrac et son premier air de la folie !

On suit l’Opéra Comique à l’époque révolutionnaire dont il épouse l’idéal, et on apprend que Médée de Cherubini a été le premier opéra-comique au dénouement tragique et Roméo de Gounod le premier ouvrage sans dialogue parlé, et ainsi de suite.

En quelques anecdotes, l’histoire est dite et elle est passionnante. Pour le XXe siècle, l’auteur fait la part belle à la gestion d’Albert Carré qui fut le premier à engager un vrai Directeur Musical (André Messager). Maryvonne de St Pulgent précise combien les risques étaient grands pour ces directeurs qui géraient des théâtres « en concession » (Quand on songe que le dernier théâtre lyrique en affermage a été l’Opéra de Toulon jusqu’à l’arrivée de Claude Henri Bonnet en 2003). Tout cela jusqu’à la célèbre Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux en 1939 et ce XXe siècle qui verra encore plusieurs créations. Puis viendra le licenciement de la troupe, l’ère Liebermann et des temps incertains (mais avec parfois des spectacles inoubliables) jusqu’au récent statut d’Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial. En annexe, une judicieuse chronologie et une liste d’œuvres du répertoire complètent l’ouvrage.

 

On a trop souvent attribué des créations de l’Opéra Comique à Garnier. La Lulu de Berg, par exemple, n’a pas été créée à Garnier dans la sublime mise en scène de Chéreau. C’est Louis Ducreux qui l’avait montée, pour la première fois en 1969, au Comique (en français) et le public s’y était pressé. D’ailleurs – autre cliché à pourfendre – l’Opéra-Comique ne jouait pas devant des salles vides avant l’ère Liebermann. Et c’est un bonheur de voir qu’aujourd’hui encore les spectateurs s’y bousculent. Décidément l’Opéra Comique est un flambant Phénix qui a de beaux jours devant lui. Une histoire à découvrir passionnément !

 

Marcel Quillévéré

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