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Cinq questions à Christof Loy et Stéphane Degout

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Interview
20 avril 2024
Rencontre croisée entre le metteur en scène Christof Loy et le baryton Stéphane Degout à l’occasion de la recréation de l’opéra Guercœur à l’Opéra National du Rhin à Strasbourg.

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Entre utopie et espoir, Guercœur nous raconte l’histoire d’un jeune héros naïf qui retourne sur terre après sa mort pour y découvrir toute la noirceur de l’être humain entre déception et désillusion. Une expérience qui lui apprendra pourtant le pardon et la rédemption. Œuvre méconnue du répertoire, si proche de nous, son metteur en scène à l’Opéra national du Rhin, Christof Loy, et l’interprète du rôle titre, Stéphane Degout, répondent à nos questions quelques jours avant la première, le 28 avril.

  1. Qu’avez-vous ressenti en découvrant la première fois Guercœur ?

Christof Loy : J’ai découvert cet opéra par hasard, en l’écoutant tard dans la nuit sur France Musique. J’ai immédiatement été fasciné par cette musique que je ne connaissais pas. Je me suis mis à rechercher par la suite le maximum d’informations sur l’œuvre jusqu’à m’acheter l’album afin de l’écouter livret à la main (je ne suis pas un adepte du streaming). J’ai une passion naturelle pour les raretés et celle-ci fut encore plus intense que les autres découvertes.

Stéphane Degout : Alain Perroux m’a parlé de cet opéra il y a quelques années. J’ai trouvé la musique très belle mais j’avais des interrogations sur le livret et sur le texte parfois un peu désuet, voire mièvre, que Magnard a écrit lui-même. C’est Arthur Andrèze qui a créé le rôle en 1931, et José van Dam qui le chantait dans l’enregistrement de Michel Plasson, deux voix plus sombres et centrales que la mienne. Mon premier réflexe fut de penser que ce rôle n’était pas pour moi. Puis au fur et à mesure du travail sur la partition et de la préparation, je me suis rendu compte que l’écriture plutôt tendue correspondait assez bien à mon registre. Les répétitions depuis trois semaines le confirment.

  1. Comment comptez-vous représenter/interpréter le rôle de Guercœur?

CL : Guercœur est avant tout l’histoire d’un voyage. Celui d’un individu qui revient d’entre les morts pour se confronter à la véritable nature humaine et mieux comprendre ses semblables. Dans sa vie antérieure, il porte en lui un regard naïf sur la vie, presque enfantin, où le mal n’existe pas. En tant qu’artiste, j’essaye de garder au fond de moi cette même naïveté, même si je suis obligé d’être confronté à la dure réalité de la vie. Rester naïf est un danger car cela nous coupe de nos rêves, à la fois comme penseur et comme artiste. Il faut être dans le monde pour pouvoir réaliser ses rêves. Dans sa deuxième vie, lors de son retour sur terre, Guercœur est accompagné de la déesse Souffrance qui va lui dévoiler la triste réalité de la vie. Mais cela lui servira de leçon pour lui offrir la possibilité de pardonner, ce que nous avons trop tendance à oublier dans notre propre société.

SD : Comme chaque fois que j’aborde un rôle nouveau ; doucement, explorant chaque aspect les uns après les autres, avec l’aide du metteur en scène et du chef d’orchestre. Le rôle est assez riche, l’écriture exigeante et variée et je crois que plusieurs lectures sont possibles. Quoi qu’il en soit, aller au plus près de ce que le compositeur veut raconter, au plus près de l’histoire me parait la principale piste de tout travail. On peut ajouter une couleur, une interrogation, un relief ; le public doit aussi faire sa propre interprétation.

  1. A quelles difficultés est-on confrontés lors de la recréation d’une œuvre trop longtemps oubliée ? 

CL : N’ayant vu aucune mise en scène préexistante, j’ai dû partir de l’enregistrement pour inventer un univers à part entière. La plus grande difficulté est de respecter l’œuvre tout en ayant un regard original. L’œuvre est si puissante qu’il n’est pas difficile de s’identifier aux personnages et de s’en inspirer librement. Je souhaite respecter la tradition tout en créant de l’originalité.

SD : Beaucoup d’œuvres ont eu un parcours chaotique à leurs débuts, on peut se demander pourquoi une œuvre n’a pas été reprise malgré le succès de sa création, c’est évident pour celle-ci. Au moins, on n’est pas encombré de trop de couches successives d’interprétations ! Je n’ai pas l’impression de difficultés particulières ici, mais j’éprouve plutôt un certain plaisir, un peu snob certes, de me dire que je suis le cinquième artiste qui chante ce rôle depuis qu’il a été écrit en 1900 !

  1. Guercœur se place dans le cadre du festival Arsmondo Utopie porté par l’Opéra national du Rhin. Que nous raconte cet opéra à l’aune des bouleversements sociétaux et politiques que connaissent aujourd’hui le monde ?

CL : Guercœur va vivre deux déceptions, d’abord sentimentale, puis politique. Vivant, il cherche à donner la liberté au peuple, qui préférera placer un dictateur à la tête de leur société. Cet opéra nous met face à notre propre réalité et en particulier à notre liberté. L’Histoire nous montre depuis toujours qu’au lieu de se sacrifier pour son peuple, un roi ou un président peut se transformer en véritablement dictateur et s’enivrer de pouvoir. S’il y a bien une utopie à prendre en compte de nos jours, c’est celle de la paix dans le monde.

SD : C’est peut-être davantage le personnage de Vérité qu’il faut écouter pour comprendre la grande utopie de Magnard, la vision qu’il avait de son époque et les attentes qu’il ressentait pour l’avenir. Un grand besoin de perspectives de repères, de foi, d’amour et de poésie, sans doute. Particulièrement aujourd’hui peut-être ?

  1. Malgré les nombreuses épreuves que traverse Guercœur, l’opéra se termine toutefois avec une touche d’espoir. Qu’espérez-vous pour l’avenir de l’opéra ?

CL : A mes débuts dans l’opéra en tant que jeune assistant, j’ai rejoint une troupe où il y avait 25 chanteurs de 22 nationalités différentes. Nous entendions plus de 10 langues parlées. C’était le paradis car nous étions tous au service de l’Art. Le monde de l’opéra est une utopie en soi. Depuis lors, elle ne m’a jamais quitté et n’est pas prêt de disparaitre.

SD : « Espoir », c’est justement le dernier mot que prononce Guercœur ! J’espère que le monde de l’opéra, et le monde plus vaste du spectacle saura continuer de s’adapter à des temps inquiétants et d’aider les âmes perdues à s’y retrouver. Un peu.

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