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DVOŘÁK, Rusalka — Nice

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Spectacle
30 mars 2010
Une Rusalka – Louis II de Bavière

Note ForumOpera.com

1

Infos sur l’œuvre

Conte lyrique en trois actes sur un livret de Jarosav Kvapil d’après Friedrich H. C. de la Motte Fouqué
Créé à Prague au Théâtre National le 31 mars 1901

Détails

Mise en scène, Marion Wassermann
Décors, Thierry Good
Costumes, Bruno Fatalot
Eclairages ; Pierre Dupouey
Rusalka, Natalia Ushakova
Le Prince, Vsevolod Grivnov
Vodnik, Arutjun Kotchinian
Jezibaba et la Princesse étrangère, Denisa Hamarova
Trois nymphes, Claudia Sorokina, Patricia Fernandez, Christina Greco
Le garde-Forestier, Adam Plachetka
Le marmiton, Juliette Mars
Orchestre Philharmonique de Nice
Chœur de l’Opéra de Nice
Direction musicale, Claude Schnitzler
Opéra de Nice, le 30 mars 2010, 20 heures

Il est préférable, d’une manière générale, d’avoir vu un spectacle avant de lire les déclarations d’intention du réalisateur. Outre le fait qu’elles nous ôtent le plaisir de la découverte quand elles proposent un nouvel éclairage de l’œuvre, elles perdent tout intérêt si elles ne structurent pas clairement la mise en scène. Nous avons donc sagement attendu la fin de la représentation de cette Rusalka avant d’ouvrir notre programme. Un parcours difficile nous attendait.

 

Dans un décor désuet et médiocrement réalisé de Thierry Good (en particulier le miroir sans tain disposé de biais qui occupe le côté cour), nous assistons à l’exécution concertante de Rusalka, offerte par le Prince à ses nobles invités. L’idée, qui n’est pas nouvelle, pourrait être intéressante si elle était développée de façon cohérente mais ce n’est pas le cas. Les nymphes, en robe de cour, commencent par interpréter leur trio sur l’avant-scène d’un petit théâtre dans le théâtre, puis, toujours chantant, se mêlent aux spectateurs qui se révèlent peu à peu être les interprètes, ce qui embrouille tout. Par ailleurs, il règne sur le plateau une grande confusion, les invités ne cessant d’entrer et de sortir de scène sans raison apparente, et ce tout au long de la représentation.

 

Quant le rideau du petit théâtre s’ouvre sur Rusalka, mal fagotée dans un costume de princesse de pacotille, d’un vert criard, seul l’éclairage suggère vaguement la présence de l’élément aquatique (la laideur de sa robe étonne d’autant plus que Bruno Fatalot a conçu d’assez beaux costumes pour les autres personnages, le Prince mis à part). Objet d’un intérêt poli, l’Ondine fait peu à peu le vide autour d’elle, à l’exception d’une belle dame en rouge à qui elle confie sa peine et qui se révèle être la sorcière Jezibaba. Seul rescapé de la représentation concertante, l’Ondin Vodnik, qui est ici le père du Prince (il porte une couronne royale), continuera un bon moment de chanter partition en main. Jamais il ne regarde Rusalka quand il est censé s’adresser à elle. Au deuxième acte, en costume blanc de travesti, celle-ci est prisonnière du miroir au travers duquel elleassiste à la tentative de séduction du Prince par la sorcière Jezibaba alias la Princesse étrangère, nouvel objet de confusion pour le public. En réalité, dans cette version, le Prince n’aime ni Rusalka, qu’il laisse totalement à l’abandon, ni la Princesse étrangère, c’est le Forestier qui est l’objet de sa passion, comme on le découvrira au troisième acte où Rusalka a réussi à traverser le miroir pour se retrouver dans le monde réel. Devenue un double du Prince, vêtue de noir, comme lui, elle nous plonge dans la perplexité. Le mystère devient plus opaque encore quand elle endosse le célèbre manteau bleu et blanc porté par Louis II de Bavière lors de son couronnement. Lors de la scène finale, on ne comprend pas non plus pourquoi le Prince gît à terre, prisonnier de sa camisole de force.

 

Ainsi, le « philtre d’interprétation » de Marion Wassermann a évacué toute la trame de l’œuvre, créant une coupure schizophrénique entre paroles et musique. Un tel procédé, rarement apprécié par le public, est hélas fort courant2. Il nous a fallu dés le début faire le deuil du conte romantique de La Motte Fouqué dont Dvorak a su si bien évoquer l’univers féérique. Disparus sans équivalents métaphoriques3, l’univers des ondins, la nostalgie de la petite sirène pour le monde des humains et son sacrifice inutile et mortel. En lieu et place, une histoire opaque, totalement hors du sujet et impossible à déchiffrer sans mode d’emploi.

 

L’Orchestre Philharmonique de Nice, toujours aussi professionnel, manque d’enthousiasme sous la baguette routinière de Claude Schnitzler, ne mettant pas suffisamment en valeur le merveilleux lyrisme slave de cet opéra conte de fée. Les trois nymphes nous déçoivent par leur manque d’homogénéité. Quant à l’Ondin de Arutjun Kotchinian, tout particulièrement desservi par une direction d’acteur absurde,il réussit d’autant moins à nous convaincre qu’il force sans nécessité son ample voix de basse, déformant désagréablement son timbre dans les forte.

 

Les autres chanteurs nous apportent un certain réconfort. Natalia Ushakova, très méritante en Rusalka puisqu’elle déploie toute son énergie à réhabiliter un personnage par ailleurs totalement vidé de son sens, sait nous émouvoir mais son médium n’a pas la rondeur de ses aigus, brillants, qui passent bien l’orchestre. Souffrante, Juliette Mars, très engagée scéniquement,réussit tout de même une belle prestation dans le rôle du Marmiton. La jeune mezzo slovaque Denisa Hamarova assume courageusement son double emploi dans Jezibaba et la Princesse étrangère, en dépit de l’amalgame scénique qui en résulte. Totalement convaincante dans ce dernier personnage, elle séduit par sa voix étincelante, aérienne, souple, puissante, lyrique à souhait, son maintien altier, sa silhouette élancée superbement mise en valeur par sa robe de cour et son dynamisme, augurant une longue et belle carrière. Le problème, c’est que comme la tessiture est un peu tendue, elle éprouve quelque difficulté à utiliser parallèlement son registre habituel de mezzo soprano dans le rôle de la sorcière qu’elle doit sur-jouer au troisième acte (où elle porte un costume de prostituée à la limite de la vulgarité, comme les trois nymphes). Déstabilisée, elle est amenée à corser certains sons mixtes ou de poitrine, avec pour conséquence un vibrato excessif dans les aigus tenus. Rien de tel pour s’abîmer la voix.

 

Nous plaçons deux chanteurs tout en haut de l’échelle. Adam Plachetka donne au personnage du Forestier un relief et une intensité remarquables, aidé en cela par la direction d’acteur. La richesse et le velours de son timbre de baryton basse, sa parfaite articulation et la sûreté de sa technique devraient le mener loin. Quant à Vsevolod Grivnov, on ne peut qu’admirer sa vaillance et l’héroïsme avec lequel il défend le personnage du Prince auquel la mise en scène a enlevé tous ses repères. En dépit de son costume qui le défavorise, de ses cheveux touffus noirs portés bas sur la nuque qui lui donnent un aspect souffreteux, de l’attitude en retrait, de l’hésitation et l’indécision dont on lui demande de faire preuve tout au long de la représentation, on n’écoute, on ne regarde que lui dès qu’il ouvre la bouche tant son timbre de ténor lyrique slave, rond, chaleureux, cuivré, percutant, nous fascine. Tous deux ne sont pas acclamés à leur juste valeur car le public, visiblement désorienté, quitte rapidement la salle après des applaudissements sans conviction.

 

1 La création de cette production a eu lieu en mars 2009 à l’Opéra d’Athènes où elle a suscité de vives réactions.

2 Lire notre article Harmonie du soir (Pelléas et Mélisande à Nancy, le 26 janvier 2010).

3 L’équipe Robert Carsen/Michael Levine en 2002 à l’Opéra de Paris (DVD disponible chez TDK), avait trouvé de magnifiques images métaphoriques pour évoquer le choc entre le monde des eaux et le monde des hommes. Lire notre article Rusalka.

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Créé à Prague au Théâtre National le 31 mars 1901

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Mise en scène, Marion Wassermann
Décors, Thierry Good
Costumes, Bruno Fatalot
Eclairages ; Pierre Dupouey
Rusalka, Natalia Ushakova
Le Prince, Vsevolod Grivnov
Vodnik, Arutjun Kotchinian
Jezibaba et la Princesse étrangère, Denisa Hamarova
Trois nymphes, Claudia Sorokina, Patricia Fernandez, Christina Greco
Le garde-Forestier, Adam Plachetka
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