C O N C E R T S
 
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PARIS
18/05/2007
 
Roberto Alagna
© DR

Roberto ALAGNA
Récital


Airs d’opéra français

Christoph Willibald GLUCK  (1714 – 1787)
Iphigénie en Tauride (1779)
-  « Unis dès la plus tendre enfance... » - Air de Pylade

Etienne-Nicolas  MÉHUL (1763 – 1817)
La Légende de Joseph en Egypte (1807)
- «Vainement Pharaon dans sa reconnaissance... Champs Paternels»
Air et récit de Joseph
 
Jules Massenet (1842 – 1912)
Hérodiade (1881)
- «Ne pouvant réprimer» Air de Jean

Ambroise THOMAS (1811 – 1896)
Mignon (1866)
- «Elle ne croyait pas, dans sa candeur naïve»
Récit et air de Wilhelm

Luigi CHERUBINI (1760 – 1842)
Les  Abencerages (1813)
- « Suspendez à ces murs... J’ai vu disparaître l’espoir»
Récit et air d’Almanzor
 
André-Ernest- Modeste GRÉTRY (1760 – 1842)
Les fausses apparences ou l'Amant jaloux (1778)
« Tandis que tout sommeille » Sérénade de Florival

Jacques Fromental HALÉVY (1799 – 1862)
La Juive (1835)
- «Rachel, quand du Seigneur» Air d’Eléazar

- En bis : « Di miei bollenti spiriti » (Alfredo) La Traviata – VERDI

Jeff COHEN, piano
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Tarentelles et mélodies siciliennes

E vui durmiti ancora  - Si mairitau rosa  - N'tintiriti N'tintirito - Mi votu e mi rivotu - Li pira - Abballatti - La luna mezz'u mare - Tarantella Siciliana - Carrettieri - Sicilia bedda - Vitti na crozza

Yvan CASSAR, direction musicale, piano et arrangements
Claude ENGEL, guitares
Robert LE GALL, guitares, mandolines et violon
Lionel SUAREZ, accordéon et bandonéon
Laurent VERNEREY, contrebasse
Nicolas MONTAZEAUD, percussions

Paris, Théâtre des Champs Elysées, le 18 mai 2007

ROBERTO ALAGNA EMBRASE LE THEATRE DES CHAMPS ELYSEES


Ce récital, on l’attendait depuis longtemps avec impatience, et malgré le week-end « à pont » de  l’Ascension qui, la plupart du temps, dépeuple Paris, la salle était pleine à craquer pour accueillir celui qui, sans conteste, peut être considéré comme l’un des meilleurs ténors de sa génération et, pour le répertoire français, probablement le meilleur.

Le programme initialement prévu ayant été fortement modifié, c’était précisément l’opéra français qui était à l’honneur ce soir-là, avec une seconde partie consacrée à des chants traditionnels siciliens.

D’emblée, il convient de saluer le choix – exemplaire – des extraits d’opéras  français des XVIIIe et XIXe siècles effectué par l’artiste, et aussi celui de les chanter accompagné –  superbement, il est vrai -  par Jeff Cohen au piano : une  décision courageuse et exigeante, car, comme chacun sait, l’orchestre, en principe, « soutient » les chanteurs et « habille » les voix. Le piano les accompagne, certes, et « dialogue », bien sûr, avec l’artiste, mais l’instrument seul ne suffit pas à dissimuler les éventuels défauts et la moindre fêlure s’entend.

Avec le premier air « Unis dés la plus tendre enfance » qui demande beaucoup de legato et du souffle au kilomètre, certains défauts sont évidemment perceptibles : le timbre est moins clair et brillant que par le passé, l’aigu surtout a perdu un peu d’éclat. Mais l’époustouflante diction, le phrasé élégant, le style irréprochable, sont toujours là, comme jamais. Et la voix, de couleur plus sombre, a gagné en rondeur, avec un médium et un grave plus étoffés, qui la rend presque barytonnante.

La suite n’allait pas trahir notre attente : « Champs paternels » fut un sommet absolu. Quant à l’air de Wilhelm Meister « Elle ne croyait pas » il y avait bien longtemps qu’on ne l’avait entendu distiller aussi cantabile, avec une telle poésie, et surtout une utilisation savante et raffinée de la voix de tête ou voix mixte, qui ne se pratique plus guère désormais… Quel bonheur d’entendre un ténor qui ne force pas, ne crie pas, qui « chante » en un mot, et avec un art consommé de la déclamation et de la nuance !

L’audition de la Romance de Florival de L’Amant Jaloux de Grétry donna envie d’être l’Isabelle à laquelle il était destiné. Quant à l’air célébrissime d’Eléazar « Rachel, quand du Seigneur » qui terminait la première partie, Alagna le chanta avec une noblesse et un désespoir retenu qui nous firent regretter de ne pas l’avoir entendu à Bastille, à la place de Neil Schicoff et Chris Merritt réunis… Et surtout aussi qu’on ne monte pas pour lui, du moins à Garnier, ces rares joyaux de notre répertoire  que sont Joseph et  L’Amant Jaloux, entre autres pépites….

En tous cas, cette première partie avait suffi à convaincre le public : ce répertoire -là, Alagna le possède à fond, le respire par tous les pores de la peau et l’interprète avec toute son âme bien qu’il ne représente pourtant qu’une facette de sa personnalité. Son cœur bat pour la France, certes, mais aussi pour la Sicile, dont il est originaire. Le bis qui concluait cette partie du programme faisait bien le lien avec cette double appartenance franco-italienne : « Di miei bollenti spiriti », l’air d’Alfredo de la Traviata…

Après un long entracte d’une demi-heure, changement d’univers avec la seconde partie, le formidable Jeff Cohen faisant place à un ensemble instrumental, lui aussi formidable, pour ce florilège de la chanson traditionnelle sicilienne.

Même si Alagna paraît un tantinet plus détendu qu’auparavant, le micro offrant un certain confort, ce répertoire -là, il convient non pas de le susurrer, mais aussi de le « chanter ». Il faut savoir donner de la voix et de l’émotion, alterner dérision et nostalgie, pour interpréter tour à tour cantilènes, airs à danser et à boire, mélopées joyeuses ou tristes … (N’est-ce pas une chanson de charretier - typique du folklore sicilien qu’entonne « compare Turridu » au début de Cavalleria Rusticana ? ). Heureuse surprise, d’ailleurs, que cette musique très variée, chaleureuse, remplie tour à tour d’humour et de poésie et  qui a forcément joué un rôle non négligeable dans l’élaboration du bel canto…Alagna s’y montre étonnant, rempli d’humour et de fragilité, mais aussi d’un charme ravageur…(1)

Au bout du compte, c’est pratiquement un second récital d’une heure et demie qu’offre le ténor à une salle en délire, chauffée à blanc, avec pluie de bouquets, bis multiples, de nombreux siciliens présents, fredonnant et tapant dans les mains, la mère et les frères du chanteur, mêlés à la famille de ses fans, avec, pour couronner le tout, l’incontournable « Monsieur Armand » et ses cadeaux improbables….

Le concert qui devait durer deux heures en totalisa trois…pour se conclure par une séance de dédicace d’une heure…Une telle générosité, de la part d’un artiste de cette envergure, n’est pas si fréquente… Alors, encore bravo, Monsieur Alagna, merci, et à très bientôt… (2)



                                                Juliette BUCH


(1) Un disque est en préparation.

(2) Roberto Alagna donnera de nouveau un concert au TCE, en mai 2008.
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