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METZ
25/11/05
Le Chevalier de St-Georges

Chevalier de SAINT-GEORGE (1739-1799)

L’AMANT ANONYME

Comédie en deux actes mêlés de ballets
Livret adapté de la pièce homonyme de Madame de Genlis
Créée à Paris le 8 mars 1780

Mise en scène et décors, Eric Chevalier
Costumes, Rossana Caringi
Chorégraphie, Nathalie van Parys
Lumières, Patrice Willaume
Chef de chant, Hue-Am Park

Valcour, Christophe Crapez
Ophémon, Lionel Peintre
Léontine, Brigitte Lafon
Dorothée, Virginie Frimat
Jeannette, Laure Delcampe
Colin, Mickaël Mardayer
Rosalie, Laure André

Chœur et Ballets de l’Opéra de Metz
Orchestre National de Lorraine
Direction musicale, Peter Csaba

Metz, le 25 novembre 2005

Alain Guédé, apôtre zélé de la cause de Joseph Boullongne de Saint-George, rapporte ainsi les circonstances de la création de L’Amant anonyme :

« [C’]est une adaptation d’une pièce de Mme de Genlis qui a connu un accueil très honorable en France et dans quelques capitales étrangères. Nommé quelques mois plus tôt lieutenant des chasses du duc d’Orléans à l’instigation de Mme de Montesson, le « chevalier » paie ainsi son tribut à ses nouveaux protecteurs. Ancienne maîtresse du duc Philippe de Chartres – fils du duc d’Orléans -, Félicité de Genlis n’est autre que la nièce de la marquise de Montesson. De fait, Joseph se trouve littéralement happé par le « clan » d’Orléans. D’autant que le duc de Chartres, nul ne l’ignore, est aussi son frère de loge. C’est d’ailleurs – probablement – dans le somptueux théâtre de Mme de Montesson que la pièce est représentée pour la première fois, le 8 mars 1870. »

La vie romanesque du Chevalier de Saint-George, fils d’une esclave et d’un planteur noble, escrimeur, danseur, violoniste virtuose, chef d’orchestre, une vie qui croise Marie-Antoinette et le Chevalier d’Eon, Gossec et Choderlos de Laclos, a inspiré à Alain Guédé en 1999 une biographie alerte (à se procurer d’urgence chez Babel, c’est une merveille, un tableau acéré d’une Révolution annoncée…). Mais là où on a un peu plus de mal à suivre l’enthousiasme de Guédé, c’est quand il plaide pour en faire un compositeur au génie méconnu, et prête aux méchantes critiques du temps, comme celle de Grimm, des raisons avant tout racistes (ce qui n’est d’ailleurs pas totalement faux…). Ce n’est en tout cas pas l’écoute de cet Amant anonyme qui convaincra de l’urgence d’une résurrection musicale.

L’argument ? Reprenons Guédé : « Valcour, un riche aristocrate, est secrètement amoureux de la belle Léontine dont il est devenu le confident depuis que son mari l’a quitté. Mais, n’osant lui déclarer son amour, il lui adresse anonymement fleurs, présents et lettres enflammées. Le cœur de la prude Léontine finit bien vite par balancer entre la présence douce et rassurante d’un Valcour et la passion qui éclate dans les lettres de son amant anonyme. Le dilemme est tranché lorsqu’elle découvre que les deux ne forment qu’une seule et même personne. ». A cet argument mince et conventionnel, répond une qualité de plume… inexistante, même si Eric Chevalier a pris soin de  substituer à la versification établie pour la mise en musique la prose originale de Mme de Genlis. Ce qui se veut un gain sur le plan littéraire (on n’ose alors penser à ce qu’était l’original), mais donne à l’écoute des carrures étranges aux phrases chantées, musique et verbe souvent bancales.

Pièce parlée mêlée de chants et d’intermèdes dansés, l’Amant anonyme est d’une vacuité absolue, tant théâtrale que musicale, cette dernière ne dépassant jamais l’archétype de la musique galante dans son acception la plus désinvolte et décorative. Une musique d’éventail, qui accumule les clichés entre ouverture et « contredanse générale » finale, dont le texte au premier degré ne recèle pas le moindre soupçon de dramaturgie à la Marivaux ou Choderlos de Laclos. Da Ponte et Mozart se font attendre…On se réveille un peu de son ennui grâce aux intermèdes dansés bien conduits par Nathalie van Parys, d’autant que l’Orchestre National de Lorraine, sous la baguette de Peter Csaba, s’amuse à rendre avec délicatesse les mignardises de la partition. Aucun second degré salvateur n’est en revanche à attendre des chanteurs, parfois juste acceptables vocalement et scéniquement, et surtout hélas de la mise en scène d’Eric Chevalier, aussi décadente que son sujet, malgré l’espoir que suscitait ses didascalies. On se retire, écoeuré de tant de guimauve mielleuse, de sentimentalisme, d’aveuglement et de vacuité, en se disant qu’il n’y a pas de doute, une Révolution s’impose…

Sophie Roughol
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