C O N C E R T S 
 
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NANCY
03/04/03

Dagmar Schellenberger (Arabella)
Arabella

Opéra en 3 actes de Richard STRAUSS
Livret d'Hugo von Hofmannsthal

Comte Waldner : Andrew Greenan
Adelaïde : Hanna Schaer
Arabella : Dagmar Schellenberger
Zdenka : Henriette Bonde-Hansen
Mandryka : David Pittman-Jennings
Matteo : Michael Myers
Comte Elemer : Dominic Natoli
Fiakermilli : Chantal Perraud
Cartomancienne : Doris Lamprecht

Choeurs de l'Opéra de Nancy et de Lorraine
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy

Direction musicale : Sebastian Lang-Lessing

Version de concert

Opéra de Nancy et de Lorraine, 3 avril 2003


Les exégètes straussiens ont souvent tendance à considérer avec une injuste sévérité l'ultime partition née de la collaboration de ces deux artistes absolus qu'étaient Strauss et Hofmannsthal. Certes, l'ouvrage n'aspire qu'à renouer avec l'esprit du Rosenkavalier, composé vingt ans plus tôt, et ne contient aucune nouveauté formelle, mais le librettiste et le compositeur ont puisé au meilleur de leur inspiration pour évoquer une Vienne déjà décadente avec ses aristocrates déclassés, un univers bien proche en vérité de celui d'Arthur Schnitzler. La partition possède un charme indéniable et ses rythmes de valse nous entraînent irrésistiblement. Empreinte de poésie, elle chante la passion romantique avec une sincérité qui a peu d'égale dans le répertoire du 20e siècle.

Le programme de la saison annonçait pour cette version de concert la présence d'Alexia Cousin dans le rôle titre et de Sandrine Piau en Zdenka. Hélas ! L'une et l'autre ont déclaré forfait. Fort heureusement, les artistes appelées à les remplacer se sont révélées bien mieux que des doublures, mais les inquiétudes suscitées par les forfaits à répétition de Mlle Cousin sont aujourd'hui à la hauteur des espoirs que son tonitruant début de carrière avait fait naître. 

Version de concert ? Pas tout à fait car l'Opéra de Nancy nous propose une mise en situation. Dans un décor unique emprunté à la récente production de Tannhaüser, avec quelques meubles et accessoires destinés à fournir les repères nécessaires, les chanteurs se déplacent et jouent. Le procédé fonctionne grâce à l'investissement réel de chacun, au point que certains spectateurs ont jugé cette approche très rafraîchissante au regard de certaines mises en scène aussi modernistes que discutables... Et puis, l'essentiel était préservé : le verre d'eau, symbole de ce bel amour qui a résisté à l'épreuve.

Pour l'occasion, l'Opéra (bientôt national) de Nancy et de Lorraine avait réuni une distribution de très haut niveau, que les forfaits n'ont pas déstabilisée. En premier lieu, citons Henriette Bonde-Hansen qui, dans la foulée des représentations strasbourgeoises, campe une Zdenka idéale avec son timbre crémeux et son physique gracieux. Scéniquement, elle traduit à merveille les tourments de cette adolescente à la fois timide et ardente. La jeune chanteuse danoise semble promise à un bel avenir.

Du rôle titre, Dagmar Schellenberger possède la beauté radieuse. Elle affirme une grande musicalité et nous ravit par sa sciences des demi-teintes. Tout au plus regrettera-t-on que la voix, si consistante et séduisante dans le médium, tende à s'assourdir dans le grave et à perdre sa stabilité dans l'aigu. Face à elle, David Pittman-Jennings, physiquement un peu âgé pour le rôle, offre son baryton sonore à un Mandryka autoritaire, mais capable de s'attendrir face à Arabella.

Michael Myers s'investit avec brio dans le rôle parfois ingrat de Matteo et lui confère un relief intéressant. Le couple Waldner est exemplaire avec une Hanna Schaer en grande forme et l'excellent Andrew Greenan, devenu un habitué de la scène nancéienne, basse profonde au timbre somptueux. Chantal Perraud s'acquitte avec charme et aisance du numéro de cirque que constitué le rôle de Fiakermilli et les seconds rôles sont fort convenablement distribués.

L'Orchestre symphonique et lyrique de Nancy a réalisé des progrès considérables sous la baguette de Sébastian Lang-Lessing, son directeur musical depuis 1999. Le jeune chef allemand nous offre une nouvelle lecture très accomplie, tour à tour emportée et mélancolique, respectueuse des chanteurs et rendant parfaitement justice à cette chatoyante partition. Il contribue lui aussi au succès de cette excellente soirée et reçoit sa juste part des ovations du public. L'Opéra de Nancy a joué le pari de l'intelligence et a remporté la mise.
 
 

Vincent Deloge
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