OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
14/09/2007
 
Sir John E. Gardiner
© DR


Johann Christoph Bach

"Herr wende dich und sei mir gnädig"
"Fürchte dich nicht"
"Wie bist du denn, o Gott"
"Mit Weinen hebt sich's an Aria"
"Der Gerechte ob er gleich zu zeitlich stirbt"
"Ach, dass ich Wassers gnug hätte"
"Es ist nun aus"

Johann Sebastian Bach

Cantate Actus Tragicus :
"Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit" BWV 106
Trauerode "Lass, Fürstin" BWV 198


The English Baroque Soloists
The Monteverdi Choir
Sir John Eliot Gardiner direction

Cité de la Musique, Vendredi 14 septembre 2007

Aïe, aïe, Sir !


Attention, un Bach peut en cacher un autre. Sir Gardiner en sait quelque chose, lui qui dissimula quelques pièces du cousin du père de Bach parmi les deux cantates funèbres de Jean-Sébastien. Les concerts spirituels, motets et chorals de Jean-Christophe appartiennent bel et bien au Grand Siècle, et sont parfois proches de Schütz dans le traitement de la polyphonie et des traits virtuoses du violon.

Mais, bien entendu, nous n’étions pas là pour ces pièces, en dépit de l’hypnotisant lamento « Ach, dass ich Wassers g’nug habe », d’une poignante douleur, qui échoit à l’alto sensible et transparent de Clare Wilkinson. Et, alors que le volume 26 de l’intégrale des cantates de Bach enregistrées par le chef lors du pèlerinage de l’an 2000 est paru, l’on attendait avec impatience d’entendre deux des plus célèbres cantates du Cantor.

Hélas, la magie n’était pas au rendez-vous avec la BWV 106. La direction de Gardiner était d’une étonnante raideur, et l’ensemble a manqué à la fois d’engagement et de cohésion. La sonatina dévalée à toute vitesse déboucha sur un chœur introductif où chaque soliste tentait de se faire valoir sans autre souci du contrepoint. Cela était particulièrement vrai pour la basse Matthew Brook qui allie une émission brouillonne à des effets de glotte déplacés (celui-là même qui avait auparavant rebricolé de façon téméraire le « Wie bist du denn, O Gott » de l’ancêtre). Heureusement, les passages solistes étaient confiés à Peter Harvey qui a su insuffler humanité et ferveur à un « Bestelle dein Haus » très déclamatoire aux articulations soigneusement étudiées. Mais cela ne suffit pas pour transformer cette succession maladroite de mouvements en l’une des cantates les plus émouvantes de Bach, véritable méditation sur l’homme et la mort. Ainsi, le cri de foi du « Ja, komm, Herre Jesu , komm » et sa grâce aérienne est récité avec application comme s’il s’agissait d’un air de concert quelconque. De même, l’ascension du « Heute wirst du in Paradies sein » est ciselée à la manière d’une Tafelmusik décorative. Et quand bien même les notes sont fort bien troussées, une telle superficialité dans l’interprétation est tout à fait étonnante sous la baguette pourtant aguerrie de Sir Gardiner qui nous a souvent habitué à bien mieux. Et à ce moment résonne à notre oreille la voix sensuelle de la Roxane du Cyrano de Bergerac : « Vous m’offrez du brouet quand j’espérais des crèmes !  ».

La deuxième cantate était d’une facture plus traditionnelle, alternant airs et récitatifs. Cette fois-ci, le chef nous livre une magnifique Trauerode avec une vision toute personnelle, faite d’équilibre et de lumière. C’est à croire que ce n’est plus le même homme qui a pris les commandes après l’entracte. Soutenu par une basse continue bondissante mais discrète, nimbé d’une douce pulsation interne qui rend la partition très intelligible, le chant s’épanouit dans chaque syllabe, irrigue les récitatifs, bouscule les airs qui s’envolent avec spontanéité. C’est moins la déploration que la postérité de l’auguste défunte (Christiane Eberhardine, Reine de Pologne et Princesse de Saxe) qu’exalte avec conviction John Eliot Gardiner et son équipe. Et à l’issue de cette soirée inégale, on aurait bien aimé que, dans sa foulée inspirée, le chef bisse la première cantate afin de révéler ses beautés à peine entraperçues.


Viet-Linh NGUYEN

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