OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
18/12/2007


Nikolaus Harnoncourt
© DR
 

Johann Sebastian BACH

Cantates

"Schwingt freudig Euch Empor" BWV 36 ;
"Ach wie flüchtig, ach wie nichtig" BWV 26 ;
  "Wachet auf, ruft uns die Stimme" BWV 140.

Julia Kleiter : soprano
Elisabeth von Magnus : mezzo-soprano
Kurt Streit : ténor
Anton Scharinger : basse

Concentus Musicus Wien
Arnold Schoenberg Chor

Erwin Ortner : chef de chœur
Nikolaus Harnoncourt : direction

Salle Pleyel, Paris, 18 décembre 2007

Harnoncourt toujours !


Bach et Harnoncourt, voilà une relation presque fusionnelle qui dure depuis plus d’un demi-siècle. Sans doute aucun autre interprète, Gustav Leonhardt excepté, n’aura à ce point placé sa carrière sous la bonne étoile du gros Cantor de Leipzig. Les deux sont pratiquement devenus des mythes dans le monde de la musique. Alors, tout comme nous - qui collectionnons les enregistrements du Maître depuis les années 60 - la salle déjà conquise applaudit à tout rompre le chef à la démarche altière, dès son entrée.

Commençons par deux mots à propos du quatuor vocal : Julia Kleiter laisse admirer un timbre très pur, de doux aigus cristallins, une admirable diction, et une ornementation très ciselée. Sa voix se mêle particulièrement bien à la basse moelleuse et chaleureuse d’Anton Scharinger : les deux duos de la BWV 140 sont ainsi magnifiquement rendus. Elisabeth von Magnus quant à elle possède une belle couleur cuivrée et un engagement dramatique qui la pousse toutefois à des effets un peu trop opératiques. Enfin, last but least, le ténor Kurt Streit manque singulièrement de projection et de stabilité dans les aigus, et fait cruellement regretter l’incroyable talent d’un autre Kurt, Kurt Equiluz, le meilleur évangéliste jamais entendu chez Bach.

Mais, une fois n’est pas coutume, nous oserons dire que cela importait peu. Car, comme l’avouait un spectateur de l’arrière-scène : « je suis avant tout là pour le voir ». Lui, c’est-à-dire Harnoncourt, Harnoncourt le pionnier, Harnoncourt l’aventurier, Harnoncourt le baroqueux. Contempler la gestuelle ample du chef qui semble chanter en même temps que ses chœurs, pointe du doigt ses instrumentistes à la manière d’un général dirigeant ses troupes sur un champ de bataille, serre soudainement les poings avec fureur dans les passages vifs. Dans les rangs du Concentus Musicus Wien, nous apercevons avec émotion les têtes blanches de trois grognards des débuts : Herbert Tachezi et ses doigts agiles à l’orgue positif, Milan Turkovic fidèle à son encombrant basson (et quel souffle, il parvient à couvrir quasiment les trois hautbois !), Alice Harnoncourt (vous savez si elle joue toujours sur son violon Jacobus Steiner de 1655 ?).

Depuis 20 ans, le chef a changé radicalement de parti-pris interprétatif chez Bach. Exit l’approche historicisante radicale avec chœurs et solistes d’enfants, alto masculin, effectifs très réduits, cuivres flamboyants mais faux, battue saccadée mais irrésistible de verdeur. L’interprétation privilégie dorénavant l’ampleur, les effets de masse, une complexe pulsation interne mettant en avant successivement plusieurs voix. La basse continue est très dynamique et sert véritablement d’épine dorsale à l’ensemble, alors que les instruments obligés sont mis en valeur avec discrétion. Si les bois sont toujours aussi truculents, la trompette et le cor d’Herbert Walser étaient littéralement inaudibles en raison du nombre très fourni de cordes (au passage, la plupart des violons et altos étaient pourvus de mentonnières… inventées vers 1819). L’Arnold Schoenberg Chor n’était pas au meilleur de sa forme, mais s’est peu à peu échauffé pendant la soirée, passant d’une BWV 36 aux départs assez approximatifs à une BWV 140 bien équilibrée.

Enfin, pour résumer cette belle soirée, nous ne saurions mieux dire que notre jeune et innocente voisine, emmitouflée dans sa doudoune et probablement traînée dans ce lieu de perdition par sa mère : « Et ben, c’est quand même vachement chouette ! » (sic). Et, au fait, avez-vous pensé à demander au Père Noël le nouvel enregistrement d’Harnoncourt de l’Oratorio de Noël (DHM) ?



Viet-Linh NGUYEN
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