C O N C E R T S
 
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AVIGNON
11/05/2004

Marzio Giossi, Misha Didyk, Sylvie Brunet
A.C.M. Studio Delestrade
Giuseppe VERDI (1813-1901)

Un Ballo in Maschera

Opéra en trois actes et cinq tableaux
Livret d'Antonio Somma
Inspiré de Gustave III ou Un Bal Masqué d'Eugène Scribe

En co-production avec l'Opéra de Lausanne,
l'Opéra de Nantes, l'Opéra de Rennes,
l'Opéra-Théâtre de Caen et la ville de Rouen

Manon Feubel (Amelia),
Sylvie Brunet (Ulrica Arvidson),
Marisol Montalvo (Oscar),
Misha Didyk (Gustave III, Roi de Suède),
Marzio Giossi (Comte Anckarström),
Jérôme Varnier (Comte Ribbing),
Jean-Pascal Introvigne (Comte Horn),
Olivier Heyte (Christian),
Xavier Seince (un Giudice),
Jian Hua Liu (Un servitore).

Jean-Claude Auvray (mise en scène),
Cookie Chiapalone (assistante de mise en scène et chorégraphie),
Alain Chambon (décors),
Louis Désiré (costumes),
Philippe Grosperrin (lumières).

Orchestre lyrique de Région Avignon Provence
Choeur de l'Opéra-Théâtre d'Avignon et des pays de Vaucluse.

Alain Guingal (direction musicale),
Stefano Visconti (chef des choeurs),
Marie-Charlotte Le Roux (études musicales).

Opéra-Théâtre d'Avignon et des Pays de Vaucluse
Les 9 et 11* mai 2004



Un plateau exceptionnel
 

Il en faut de la conviction dans la voix pour s'avouer un amour réciproque sans se regarder, face au public, à dix mètres l'un de l'autre, à chaque angle d'une scène. Il en faut de l'émotion pour que, malgré tout, on soit bouleversé par le message. C'est pourtant ce que réussissent Manon Feubel (Amelia) et Misha Didyk (Gustave III, Roi de Suède) quand ils se déclarent leur flamme au pied de l'arbre des pendus où pousse la mandragore. On comprend mal que dans une production aussi fréquemment reprise, un metteur en scène expérimenté comme Jean-Claude Auvray se fourvoie de la sorte. Pourquoi ne pas corriger ces détails ? Sa mise en scène aurait tout à y gagner. Certes, l'économie de moyens reste un atout pour des théâtres qui montent ce spectacle pour quelques représentations seulement, comme les deux soirées d'Avignon. Un décor unique (Alain Chambon) fait de panneaux amovibles, à peine quelques accessoires, des éclairages (Philippe Grosperrin) bien dosés suffisent à créer les atmosphères de l'intrigue.

Dans sa mise en scène, Jean-Claude Auvray alterne des scènes d'un kitch désolant avec des idées symboliques fortes. Ainsi ce rideau de scène tombant des cintres et se fermant brusquement devant le Roi de Suède afin de montrer son impossibilité d'aller vers celle dont il rêve. Une image puissante qui pourtant reste inexploitée, le metteur en scène ne s'en servant plus dans l'illustration de son discours. A l'opposé, on touche au ridicule quand, dans l'antre de la Devineresse Ulrica Arvidson, les accompagnateurs du roi, déguisés en marins, rament sans rames, assis à califourchon sur deux bancs réunis pour simuler la forme d'une étrave. Un grotesque qui le dispute avec la scène du bal et sa chorégraphie de soldats de plomb agrémentée d'un insignifiant lancer de confettis au rythme de la musique.


Marzio Giossi, Manon Feubel
A.C.M. Studio Delestrade

Restent les interprètes. Dans la production avignonnaise, le plateau se révèle d'un niveau exceptionnellement équilibré et remarquablement investi. Qui peut dire que le chant verdien n'a plus de représentants quand Manon Feubel (Amelia), tombant à terre à la fin de "Ecco l'orrido campo...", soulève l'émotion avec un désespérant "Miserere d'un povero cor !" ? Elle confirmera son total engagement artistique dans un bouleversant "Morrò, ma prima in grazia" entraînant dans son désespoir un poignant "Eri tu" magnifiquement chanté par Marzio Giossi (Comte Anckarström). Le bergamasque s'annonce d'ores et déjà comme le digne successeur des barytons verdiens d'après-guerre. A suivre ! Autre grande verdienne, la mezzo-soprano Sylvie Brunet (Ulrica Arvidson) campe une impressionnante prophétesse. Faisant parcourir un vent glacial autour d'elle, elle est terrifiante dans son "Re del'abisso, affrettati".

Le jeune ténor ukrainien Misha Didyk (1) (Gustave III, Roi de Suède) complète cette brillante distribution. Jusqu'ici peu connu sous nos latitudes, vocalement élégant, puissant, son aisance dans le phrasé le projette dans la distinction du rôle. Comme sa compagne de scène Manon Feubel, Misha Didyk délaisse les gestes impérieux pour donner à sa seule voix le soin de "dire" le texte lyrique. Contrastant avec la rigueur vocale et scénique de l'ensemble du plateau, la jeune soprano Marisol Montalvo (Oscar) déçoit. Cabotine, elle révèle au gré de simagrées excessives ses carences (justesse, diction approximative, puissance inégale) au lieu de les couvrir.

De son côté, le Choeur de l'Opéra-Théâtre d'Avignon et des pays de Vaucluse ne convainc pas. Assez terne dans l'ensemble, il se montre souvent en décalage avec l'Orchestre lyrique de Région Avignon Provence. De la place où se trouvait votre serviteur (sous la galerie), si les voix étaient parfaitement reçues, il n'en était pas de même des sons de l'orchestre. L'éloignement ne laissant passer que les cuivres et les bois, les cordes semblaient bien fantomatiques. Dès lors, juger de la direction du chef Français Alain Guingal s'avère impossible.
 
 
 

Jacques SCHMITT

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(1) Pour écouter quelques extraits de Misha Didyk, se connecter sur http://www.mishadidyk.com

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