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LEIPZIG
05/11/2006
 
© DR
Giuseppe Verdi (1813-1901)

Un Ballo in maschera

Chiara Taigi (Amelia)
Massimiliano Pisapia (Riccardo)
Franco Vassallo (Renato)
Mariana Pentcheva (Ulrica)
Eun Yee You (Oscar)
Herman Wallén (Silvan)
Diogenes Randes (Samuel)
Demyan Vatchkov (Tom)
Seung-Hyun Kim (Le Juge / Serviteur d’Amelia)

Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, dir. Riccardo Chailly
Mise en scène : Ermanno Olmi
Décors et costumes : Arnaldo Pomodoro

Leipzig, dimanche 5 novembre 2006

D’un Riccardo l’autre…

Avant de se lancer dans de grands travaux de rénovation, l’Opéra de Leipzig ne baisse pas sa garde : un Lohengrin avec Martinpelto et Leiferkus, La Bohème de Konwitschny, un Tour d’écrou réunissant rien moins que Bjarnason et Emma Bell… Et donc ce Bal masqué haut en couleur qu’Henri Maier nous propose de redécouvrir. Cette production offre en effet une succession de tableaux plus surprenants les uns que les autres, avec des décors grandioses et des costumes tout droit sortis d’une série télé futuriste des années 70. On y trouve, entre autres, une espèce de mur monumental formé de deux immenses portes d’où sortent des reliefs aigus dignes d’un décor de Blade Runner, une sculpture en apesanteur fort semblable aux insectes transgéniques de Starship Troopers, un demi dôme tournant qui n’est pas sans rappeler les architectures rêvées d’un Étienne-Louis Boullée… Quant aux costumes, ils ont une indéniable allure (superbes masques pour la scène du bal, avec là aussi une prédilection pour le monde animal, ailes de coléoptères ou autres libellules greffées sur les chapeaux, la palme revenant au costume d’Ulrica, mutant qui tient autant du hérisson que du porc-épic…), mais ne mettent pas tous les chanteurs à leur avantage...

Dans cet univers inattendu, les personnages trouvent finalement bien leur place. La direction d’acteur, précise, fort détaillée, permet même d’atteindre à des moments d’intense émotion, comme dans cet orrido campo peuplé de spectres effrayants, lors du dévoilement d’Amelia devant les conjurés, ou bien encore dans la confrontation finale entre Renato et Amelia. Chiara Taigi est une Amelia émouvante, déployant les grandes lignes que l’on attend dans ce rôle. Le Renato sonore de Franco Vassalo prend peut-être trop de plaisir à rechercher les décibels, mais quel beau chant, et quelle incarnation poignante ! Mariana Pentcheva, enfin, engoncée dans son costume de hérisson, saisit par l’égalité de son registre sur toute la terrible tessiture du rôle. On restera beaucoup plus réservé sur l’Oscar d’Eun Yee You, physiquement irréprochable, mais qui peine à trouver vocalement l’aisance et le brio qu’exige le rôle. Mais c’est peut-être le Riccardo du jeune Massimiliano Pisapia qui surprend le plus en cette matinée : son chant rachète aisément un physique peu avantageux, avec une italianité, une souplesse dans l’aigu, un phrasé naturel qui sont des denrées rares, et ne demandent qu’à mûrir. On espère que cet artiste ne se lancera pas trop vite dans des rôles qui pourraient mettre à mal ces belles qualités (on croit pourtant savoir qu’il va bientôt chanter un Radamès, déjà !).

L’autre Riccardo, Chailly, déchaîne dans la fosse un Gewandhaus simplement époustouflant. L’énergie torrentielle ne se déchaîne jamais au détriment des chanteurs, qui trouvent au contraire sous cette baguette un écrin toujours attentif. Confirmation, s’il en était besoin, que Riccardo Chailly est bien l’un des plus formidables chefs lyriques du moment.



David FOURNIER

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