OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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MONTREAL
22/09/2007
 

Richard Margison (Gustave III) Gordon Hawkins (Renato)
Opéra de Montréal 2007 © Yves Renaud


Giuseppe VERDI (1813-1901)

UN BALLO IN MASCHERA

Opéra en trois actes
Livret de Antonio Somma
d’après Eugène Scribe

Nouvelle production de l’Opéra de Montréal
 

Direction musicale : Gregory Vajda
Mise en scène : Stanley M. Garner
Décors : Jean Bard
Costumes : Location du Memphis Opera
Éclairages : Mathieu Gourd
Chef de chœur : Claude Webster

Orchestre Métropolitain du Grand Montréal
Chœur de l’Opéra de Montréal

Gustave III : Richard Margison
Renato : Gordon Hawkins
Amelia : Manon Feubel
Ulrica : Marianne Cornetti
Oscar : Pascale Beaudin
Le Comte Horn : Valerian Ruminski
Le Comte Ribbing : Alexandre Sylvestre
Cristiano : Stephen Hegedus
Un juge : Antoine Bélanger
Le serviteur d’Amelia : Pierre-Étienne Bergeron

Place des Arts, Salle Wilfrid Pelletier
Montréal, le 22 septembre 2007

Des voix pour Verdi


Rarement joué à l’Opéra de Montréal (OdM), Un Ballo In Maschera reprend l’affiche après une absence de dix-sept ans et coïncide avec le retour attendu de Manon Feubel dans un rôle fait pour elle. Cette production ramène la version initiale, celle dont l’action se déroule en Suède et qui semble pertinente dans la mesure où l’amour d’un peuple se manifeste normalement envers un monarque et non un comte au service de l’Angleterre, comme dans la mouture bostonienne de l’opéra. Au risque de faire ombrage à un souverain d’outre mer, un peuple colonisé n’acclame pas un délégué de la mère patrie.

La mise en scène traditionnelle de Stanley M. Garner campe les chanteurs dans des positions stéréotypées. On va de l’un à l’autre, on s’assoit, on s’agenouille. L’invention y fait défaut même si les mouvements de foule échappent de peu à cette impression de statisme. Les décors sont d’une austérité conforme à l’implacabilité du drame. Presque tout y est sombre. Un grand mur à teintes variables percé d’une porte au début du premier acte, laquelle fait ensuite place à un panneau blanc aux éclairages rougeâtres figurant l’antre de la sorcière. Un grand écran bleu ennuagé et flanqué d’une imposante lune lui succède dans la scène du cimetière au deuxième. Le troisième acte ramène d’abord le mur du premier, fenêtré pour le deuxième tableau et soulevé ensuite dans les cintres. Nous arrivons finalement dans la grande salle du bal. Rien de bien stimulant hormis les beaux costumes d’époque et de magnifiques éclairages qui nous valent un superbe jeu d’ombres chinoises dans la scène finale.

C’est surtout du côté musical que les conditions de la représentation s’améliorent. Signalons d’abord l’excellente prestation vocale de Richard Margison qui, annoncé indisposé au début de la soirée, s’impose pourtant par une ligne de chant sure et un timbre riche aux aigus faciles. En plus de la vaillance requise pour répondre aux exigences de son rôle, il possède une belle souplesse dans le rythme de barcarolle de «Di’ tu se fedele» et dans le tendre «Ma se m’è forza perderti». On souhaiterait plus d’engagement dramatique, mais l’absence quasi totale de direction scénique ne l’y encourage pas. La même remarque concerne Manon Feubel, qui, malgré cela, séduit par la coloration de son beau soprano lyrique dans l’expression des affects du «Ma dall’arido stelo divulsa» et la maîtrise des sons filés notamment dans son très touchant «Morro, ma prima in grazia» au troisième acte. L’homogénéité de la voix sur toute l’étendue et une projection sans faille en font une Amelia de choix. Ensemble, dans le superbe duo d’amour du deuxième acte, ils déploient une somptueuse ferveur musicale. On succombe sous le charme de cette séduisante charge émotive.



Manon Feubel (Amelia) Richard Margison (Gustave III)
© Yves Renaud

Pascale Beaudin nous gratifie d’un Oscar étonnant. En raison d’un talent de comédienne qui n’attend pas les indications du metteur en scène, elle joue l’insouciance de façon très naturelle et la chante avec une charme pétillant. La gracieuse interprétation de «Volta la terrea» et la désinvolture de «Saper vorreste» sont la surprise de la soirée.

Marianne Cornetti incarne une Ulrica très agitée. Son intense «Rè dell’abisso affrettati» fait frémir et devient proprement hallucinant à partir du grupetto «È lui, è lui», un peu dans la tradition de Shirley Verret. Dans cet emploi, elle est une valeur sure.

Gordon Hawkins possède les moyens idoines pour chanter Renato. La voix a du caractère, mais elle manque d’aisance et le timbre s’épaissit dans les moments de tendresse comme dans ceux de grande tension. «Alla vita che t’arride» et «Eri tu», d’une écriture si fluide, se ressentent d’un durcissement qui s’éloigne de l’esthétique verdienne et souffrent d’une absence de legato.

Valerian Ruminski et Alexandre Sylvestre incarnent des conspirateurs convaincants. Si l’occasion lui était donnée, la basse magnifiquement timbrée de Ruminski s’épanouirait avec aisance dans des rôles de premier plan.

L’OdM prend soin de bien distribuer les petits rôles et leur tenue par trois stagiaires de son atelier maintient encore une fois ce niveau.

Le chœur de l’OdM réussit toujours à émouvoir par la puissance et la justesse des voix. Ce soir il est dans une forme radieuse. La direction un peu routinière de Gregtory Vajda à la tête de l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal offre au moins l’avantage de ne jamais couvrir les voix. On aimerait quand même plus de relief dans les changements de rythmes et une accentuation plus marquée des couleurs.

Au global, de beaux moments musicaux sans doute, mais la production se ressent d’un manque de direction scénique. Notons au passage que le metteur en scène ne se présente pas au salut final. La palme revient donc aux chanteurs, mais dans l’ensemble Verdi aurait pu être mieux servi.


Réal BOUCHER
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